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Chapitre 2 Les jeux sérieux dans le domaine de santé

2.2. Concepts apparentés aux jeux sérieux

Le monde de l’éducation utilise depuis longtemps trois méthodes ou produits permettant d’introduire la notion de jeu dans l’apprentissage :

• Le Game Based Learning(GBL) et le Digital Game Based Learning pour les jeux numériques (DGBL), autrement dit tout ce qui tourne autour de l’apprentissage basé sur le jeu.

• Les logiciels ludo-éducatifs (Edutainment). Il s’agit de la première génération de GBL destiné aux enfants, aux élèves et aux étudiants.

• La ludification (Gamification).

Ces méthodes recoupent certains objectifs des jeux sérieux et il est intéressant de les comparer entre elles.

La « Gamification », ou ludification, est une technique qui insère des mécaniques liées au jeu dans des domaines qui était au départ dépourvus afin de rendre ces activités plus ludiques, en espérant que cela améliora la motivation de l’utilisateur à s’engager dans l’activité proposée. La gamification est utilisée dans beaucoup de domaines, en particulier dans des situations d’apprentissage, au travail, ou encore pour mettre en avant des marques sur les réseaux sociaux. Elle est utile pour donner plus d’impact aux messages, particulièrement ceux destinés au grand public, pour rendre certains contenus plus immersifs et qualitatifs ou encore pour animer et mobiliser une communauté. Le principe de cette technique est de donner de l’intérêt à des actions que l’on considérerait au départ comme sans intérêt et que l’on rechignerait majoritairement à faire : remplir un questionnaire, acheter un produit, regarder des publicités ou assimiler des informations. Bien que la gamification présente de grandes similarités avec le jeu, chacun ayant par exemple un système de récompense, certains auteurs considèrent qu’elle ne répond pas à certaines caractéristiques attendues dans les jeux. Elle ne correspond pas par exemple à la définition formelle introduite par (Salen & Zimmerman, 2004): « un jeu, c’est un système dans lequel les joueurs se livrent à un conflit artificiel, défini par des règles et qui se traduit par un résultat quantifiable»

Un exemple de gamification réussie est l’expérience menée en Suède qui a consisté à modifier les marches d’un escalier pour qu’elles se comportent comme les touches d’un piano. Les utilisateurs empruntant l’escalier jouent alors de la musique ce qui les motive pour prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur. L’objectif à atteindre est d’améliorer la santé des

passants en les incitants à faire travailler leurs muscles mais aussi de désengorger les moyens mécaniques de montée. Bien que l’objectif soit clairement défini, cette activité n’est pas un jeu selon la définition de Salen et Zimmerman car elle est dépourvue de règles et de résultats quantifiables.

Passons au Game Base Learning. À première vue, sa définition semble simple : jouer en apprenant et apprendre en jouant. Le GBL et sa version numérique le DGBL, sont introduits par (Prensky, 2005) dans son livre « Digital Game-based Learning ». Même s’il n’en donne aucune définition concise et formelle, il les définit comme des jeux de toute nature, y compris des versions numériques de jeux comme les échecs ou le Monopoly, pouvant être détournés de leur objectif purement ludique pour être utilisés pour les besoins du domaine (Dziorny, 2007).

(Teed) a proposé une définition des GBL comme étant « les éléments d’un jeu éducatif propre à motiver une salle de classe » à savoir compétition, engagement et récompense immédiate (competition, engagement, immediate reward)

Contrairement à la gamification, la méthode utilisée est d’intégrer le besoin métier, par exemple un objectif pédagogique, dans le jeu vidéo. Par exemple, SecondLife (SL) est un univers virtuel en 3D qui permet à ses utilisateurs d’incarner des personnages virtuels dans un monde créé par les résidents eux-mêmes. Ce programme a été utilisé par plusieurs projets pour différents objectifs. (Boulos, Hetherington, & Steve, 2007) et (Warburton, 2009) ont par exemple présenté comment SL pouvait être utilisé en tant qu’outil pédagogique et ont proposé plusieurs cas concrets de cette utilisation dans le domaine médical. Par exemple, le centre virtuel d’éducation neurologique (en anglais Virtual Neurological Education Center – VNEC), a modélisé un hôpital virtuel dans lequel l’utilisateur peut explorer une salle d’opérations du département neurologique équipée des machines. Cette virtualisation permet aux étudiants de se former en utilisant en outre les nombreuses descriptions détaillées présentées par des tutoriels en flash, des documents PDF ou encore des liens vers d’autres endroits du monde virtuel. Des formations, des réunions et des colloques en ligne sont aussi organisés et proposés au travers du jeu pour favoriser la participation des utilisateurs.

Un autre exemple de GBL est l’utilisation du jeu vidéo SimCity en tant qu’outil pédagogique. (Starr, 1994; Squire & Barab, 2004; Bittanti, 2005) ont chacun présenté leurs expériences d’utilisation de SimCity pour transmettre des connaissances et faire réfléchir les étudiants sur certaines questions sociales, historiques, etc.

Selon (Corti, 2006), le GBL peut potentiellement améliorer les activités et les initiatives de formation. L’aspect jeu de rôle et la répétabilité qui permet de réessayer en cas d’échec ou d’explorer de nouvelles façons de faire sont des atouts qui augmentent la motivation de l’apprenant et suscitent une plus grande implication de sa part. Une analyse plus théorique (Learning Theories) lui permet de conclure que les DGBL sont bénéfiques pour l’apprentissage car ils permettent la mise en œuvre de trois principes :

• Activity Theory : les jeux permettent aux joueur/apprenant d’agir et d’expérimenter au sein d’un environnement virtuel rassurant (non-threatening).

• Situated Learning : les jeux peuvent placer les joueur/apprenant dans une grande variété d’environnements virtuels.

• Experimental Learning (Kolb, Boyatzis, & Mainemelis, 2001; Kolb D. , 1984): Pendant la partie, les joueurs acquièrent des connaissances par expérimentation directe (Tang, Hanneghan, & El Rhalibi, 2009).

L’évolution au cours des années des méthodologies liées au « game design » et au « game development » ont fait émerger quelques principes utilisés pour concevoir des applications utilisant le jeu, ou en tout cas certains de ces éléments, pour engendrer autre chose que du divertissement :

• Le détournement des intentions purement ludique d’un jeu vidéo pour un autre usage. Cette technique peut éventuellement mener à la modification du jeu ou à l’introduction de nouveaux éléments non prévus au départ (modding). Quand le jeu reste inchangé, on parle de « purpose shifting » (Djaouti, 2011).

• La modification d’une méthode ou d’un produit classique par l’introduction d’éléments et de mécanismes de jeu. Cette méthode est connue sous le nom de

gamification.

• Concevoir et développer un nouveau jeu vidéo prenant en compte un double (et parfois plus) objectif, à savoir un objectif ludique et d’autres liés au domaine d’application. C’est ce type de méthode qui produit une nouvelle génération de jeux appelés jeux sérieux avec l’intégration dès les phases de conception des deux aspects et leur bon équilibrage en fonction des objectifs visés.

La Figure 2.2 ci-dessous présente les relations entretenues par les jeux ludo-éducatifs, l’apprentissage basé sur le jeu (GBL), le e-learning et les jeux sérieux.

Figure 2.2 : Positionnement respectifs des jeux ludo-éducatifs, de l’apprentissage basé sur le jeu (GBL), du e-learning et des jeux sérieux.

Table 2.1 : Comparaison de ces types d’apprentissage selon certains critères.

Première intention autre que le divertissement Eléments ludiques Gameplay Purement ludique

Gamification oui Oui non non

Simulation oui Non oui non

Jeu sérieux oui oui oui non

Jeu vidéo non oui oui oui

GBL/DGBL - oui - non