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CHAPITRE 2. CADRE THÉORIQUE

3. Changement conceptuel

4.1. Conceptions et principaux modèles de la lumière

L’homme s’est longtemps questionné sur la nature de la lumière et il a, sans se décourager, élaboré des théories successives. Principalement, deux conceptions se sont longtemps opposées : la théorie corpusculaire et la théorie ondulatoire. Trancher fut longtemps difficile parce que certains faits faisaient pencher d’un côté tandis que d’autres étaient beaucoup plus faciles à interpréter de l’autre. Dans cette partie, nous décrivons brièvement les principaux modèles scientifiques de la lumière ainsi que les différentes conceptions au sujet de la lumière.

4.1.1. Principaux modèles scientifiques de la lumière

La lumière prend, selon l'expérience, tantôt l'aspect d'une onde (phénomène continu), tantôt celui d'un corpuscule (phénomène discontinu). Cependant, pour en arriver là, l’évolution des conceptions sur la lumière a été influencée par plusieurs courants d'idées au fil de l'histoire. Nous allons présenter ici les grandes phases des principaux modèles qui ont contribué à la conception actuelle de la structure de la lumière.

1) Modèle mécanique : La lumière est vue comme une pression transmise dans un milieu

parfaitement élastique. Descartes conçoit la lumière comme une pression exercée par de minuscules particules d'éther, milieu censé remplir l'espace entre les corps. Ces particules ont « tendance » à se déplacer en ligne droite et à tourner sur elles-mêmes.

2) Modèle ondulatoire I (théorie de Huygens) : Christian Huygens pense que l'univers est

rempli de particules qui vibrent en même temps, tout en constituant des ondelettes; la lumière est une onde longitudinale. Cette théorie est inspirée par les rides qui se forment à la surface de l'eau. La construction de Huygens permet d’expliquer la réflexion et la réfraction. Ce modèle n’explique pas cependant la propagation rectiligne de la lumière ondulatoire qui devrait courber autour des obstacles.

3) Modèle corpusculaire de Newton : La lumière est considérée comme de fines

vide; la réflexion est expliquée à partir des collisions élastiques; la réfraction est définie en considérant que la lumière est constituée de particules attirées par la surface.

4) Modèle ondulatoire II (théorie de Maxwell) : La lumière est caractérisée comme une

vibration électromagnétique transversale et sa propagation est rectiligne. Ceci permet d’expliquer le phénomène de diffraction, tandis que la réflexion et la réfraction sont expliquées en utilisant la construction de Huygens ou les équations de Maxwell. La vitesse de la lumière voyageant dans l’eau est inférieure à celle de la lumière dans l’air. Cependant, ce modèle n’explique pas l'interaction lumière/matière, notamment, l’effet photoélectrique)

5) Modèle quantique (Einstein) : l’énergie lumineuse se présente sous forme de paquets

d’énergie de valeur discrète, les photons. Selon la théorie des quanta, le photon est considéré comme une particule pratiquement sans masse, animée de la vitesse c dans le vide et porteuse d'une quantité élémentaire d'énergie appelée quantum, qui est reliée à la fréquence par E = h*f. L'aspect corpusculaire prend le pas sur l'aspect ondulatoire au fur et à mesure que la longueur d'onde diminue.

4.1.2. Conceptions de la lumière

Les conceptions sur les caractéristiques optiques de la lumière (propagation, ombre, réfraction, réflexion, etc.) persistent chez les étudiants au collégial et il est fort possible que ces derniers, avec des expériences limitées, en physique puissent avoir ces conceptions. 4.1.2.1. La propagation de la lumière

Il existe de nombreuses recherches sur les conceptions des étudiants sur la lumière, la couleur et l’optique géométrique (Fever et Ric, 1988; Goldberg and McDermott, 1986,1987; Larisa et al. 1984; Sabena, 1991; Wosilat et al, 1998).

Goldberg et Mc Dermott (1987) ont notamment étudié les conceptions des étudiants à l’Université de Washington sur la propagation de la lumière. Pour ces étudiants, la lumière est un phénomène autonome et se propage en ligne droite. La propagation de la lumière met en jeu explicitement le concept de rayon lumineux. Pour Goldberg et McDermott (1987), les étudiants semblent considérer les rayons comme des objets physiques réels. Que les rayons soient parallèles implique obligatoirement qu’une direction soit privilégiée; c’est le plus souvent une direction horizontale, à la fois pour des raisons

culturelles et des raisons didactiques : la plupart du temps les schémas des manuels d’enseignement et les dispositifs expérimentaux (les bancs d’optique) sont organisés autour d’une direction horizontale (Ronen et al., 1993).

Une analyse de ces travaux est faite par Viennot (1996) en termes de matérialisation des rayons lumineux ou de l’image d’un objet, qu’elle oppose au point de vue physique de la transmission d’une information. Pour Viennot, on peut comprendre une bonne partie des réponses données par les élèves aux différents questionnements de ces travaux si on leur prête l’idée que l’image est un objet quasi matériel, qu’elle part de l’objet source, traverse la lentille en se renversant, au besoin en s’écornant contre un cache, et apparaît sur l’écran d’observation. De la même façon, une tendance à la matérialisation de la lumière expliquerait qu’on accepte assez volontiers l’idée qu’on puisse la voir de côté, sans l’aide d’une substance diffusante, ou que les interactions de lumières colorées différemment obéissent pour les élèves aux mêmes lois que les mélanges de peintures. Viennot ne cache pas que d’autres interprétations conviendraient probablement mieux pour expliquer d’autres aspects des réponses.

Au lieu de caractériser les conceptions « de sens commun » en optique comme une matérialisation, renvoyant au fond au substantialisme dénoncé par Bachelard (1969) comme obstacle épistémologique de première grandeur, Galili (1996) présente une autre direction de synthèse, légèrement différente de la précédente : la conceptualisation holistique (Galili et al, 1993). Surtout, il essaie de saisir le mouvement par lequel, à partir d’une conception de base issue du sens commun, les élèves se font un chemin vers une compréhension plus scientifique de la notion d’image, en passant par une conception hybride, qu’on appelle la conceptualisation de l’image projetée. Il formalise donc trois conceptions différentes de la formation et de l’observation d’une image optique : la conceptualisation primitive holistique, la conceptualisation intermédiaire de l’image projetée et la conceptualisation scientifique, faisant intervenir une correspondance point par point entre l’objet et l’image, par l’entremise de faisceaux de lumière.

Reiner (1992) a étudié les idées des étudiants sur la lumière à travers des entrevues d’un groupe d’étudiants au niveau secondaire avec des expériences manuelles comme des

tests de la flamme bunsen, lumière de la bougie et la lumière colorée. Il a remarqué que les étudiants pensent 1) que l’intensité de la lumière est reliée principalement à la distance, 2) que le filtre a modifié la lumière blanche en lui ajoutant des couleurs et 3) que certaines couleurs de la lumière ont voyagé davantage en raison de la force. Quelques étudiants pensent à la nature de la lumière comme un jet de particules et comme des photons, d’autres étudiants pensent que la lumière est une onde.

4.1.2.2. Couleur et lumière

En analysant les réponses des élèves lorsqu’une lumière colorée interagit avec des objets colorés, Feher et Rice (1992) concluent que les élèves croient que la lumière colorée possède un certain degré d’obscurité lorsqu’elle est comparée avec la lumière blanche, car la gradation dans l’obscurité passe de la couleur noire à la couleur blanche. Le terme brillance est l’opposé de l’obscurité. Ces étudiants ont organisé leurs idées dans des modèles mentaux de la lumière et des couleurs. Ces idées sont différentes de celles des scientifiques. Les élèves n’expliquent pas leurs observations quotidiennes avec leur compréhension scientifique. Ils considèrent que la couleur noire est composée de couleurs plutôt que de penser qu’il s’agit d’une absence de couleurs.

Nous signalons dans ce paragraphe d’autres conceptions présentes chez des élèves au sujet de la lumière et des couleurs (fréquence et longueur d’onde); en voici quelques exemples :

• la lumière visible est le seul type de lumière; • tout rayonnement est nocif;

• les couleurs primaires de la lumière sont identiques aux couleurs primaires des colorants (rouges, jaune et bleu);

• les objets rouges dans l'espace sont chauds et les objets bleus sont froids; • les filtres changent la couleur de la lumière.

Dans une recherche faite sur les conceptions des étudiants au diplôme de Métiers d’Arts en France sur la lumière et la couleur, Chauvet (1994) a trouvé que le tiers d’un groupe de ces étudiants (N=14) croit que lorsqu’on croise deux faisceaux laser de couleurs différentes, leur couleur sera modifiée au-delà de la zone de croisement. Dans un tel cas,

Viennot (1996) prétend que les élèves voient la lumière colorée comme « chosifiée » et la couleur comme caractéristique intrinsèque de la lumière.

4.1.2.3. Nature ondulatoire de la lumière

À la suite d’une recherche effectuée par Ambrose et al. (1999) sur la compréhension de 46 étudiants dans des cours de physique optique, l’analyse des entrevues, enregistrées en vidéo avec les étudiants sur l'interférence et la diffraction montre que seulement 7 des 46 étudiants pouvaient expliquer les phénomènes de la diffraction et répondre à des questions simples au sujet de ce qui arriverait au patron observé sur l'écran lors de la modification ou du changement des dimensions des fentes. Ces étudiants sont incapables de choisir entre l’approche géométrique et l’approche physique (ondulatoire) pour traiter une situation. Et même s’ils choisissent la bonne approche, ils n’ont pas une compréhension suffisante du modèle ondulatoire de la lumière pour l’employer. Ces difficultés se manifestent lors de l’enseignement de l’effet photoélectrique et au moment de l’introduction de la nature du comportement corpusculaire de la lumière notamment.

Steinberg et al. (1999) mentionnent les difficultés que les étudiants rencontrent pour comprendre les modèles et les concepts classiques, entre autres, le modèle ondulatoire de la lumière. Ainsi, la plupart des étudiants ne développent pas un modèle ondulatoire raisonnable du comportement de la lumière, ce qui leur cause des difficultés au cours de leur étude de la physique moderne et peut créer une mauvaise interprétation de la nature quantique de la lumière. Au lieu de corriger leur manière de percevoir la lumière, plusieurs étudiants incorporent la nouvelle physique qu’ils apprennent dans leurs faux modèles (Ambrose et al. 1999).