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Dans la perspective des études en psychologie de l’environnement, l'espace est défini de plusieurs manières (G-N. Ficher, 1997).

Les espaces peuvent être décomposés en trois types selon la manière dont ils sont investis et occupés :

- comme un lieu, un repère plus ou moins délimité, où peut se situer quelque chose, où peut se produire un événement et où peut se dérouler une activité.

- comme un milieu, pris comme cadre objectif de l'influence des facteurs sociaux, il s'agence en système comportant un ensemble de stimuli et de signifiants. Mais chaque milieu se décompose en un ensemble de micro-milieux, maillons intermédiaires. Dans cette perspective, l'espace, conditionne aussi bien les rapports entre les hommes que les rapports entre les hommes et leurs environnements. Une telle approche privilégie l'analyse des processus d'interactions « homme-espace » en montrant à la fois comment l'homme s'adapte au milieu ou le refuse par des conduites actives ou passives. Elle montre également comment la structure du comportement de chacun s'y investit dans l'espace par l'expression de sentiments, de motivations ou de perceptions.

- Comme un territoire, qui n'existe pas en soi, il n'a de réalité qu'à travers celui qui s'y trouve et qui lui donne d'être objet de connaissance. C'est pourquoi il est possible de définir un territoire comme un champ topologique, c'est-à-dire le découpage d'un espace physique en zones subjectives délimitées par la qualité des relations établies avec lui. C'est dans ce sens qu'il est possible d'entendre également le concept de « proxémie » et « d'espace personnel » (E. T. Hall, 1979) qui montre comment les usages de l'espace sont relatifs à la qualité des territoires et notamment à leurs composantes culturelles.

Les espaces peuvent être décomposés en trois types selon leurs modes d'organisation (Fisher N.-G., 1997) :

- A organisation fixe : c'est celui dont les limites sont établies de manière rigide en vue d'un certain nombre d'activités. Le logement comporte une organisation fixe de l'espace. Il y a un lien étroit entre l'aménagement des pièces et des activités qui sont en quelques façons assignées à un espace défini. Se manifeste là une correspondance entre tels aspects de l'espace et tels comportements particuliers qui s'y trouvent rattachés. Le lien entre espace et comportement repose, selon Hall (1977), sur l'existence de schémas internes d'espace que l'individu acquiert, qu'il apprend et qu'il transporte avec lui au long de son expérience ultérieure. Ces schèmes d'espace, sorte de modèle que les individus intériorisent, façonnent leurs comportements en tant qu'ils constituent une structure impliquant tel ou tel type de conduites.

- A organisation semi-fixe qui se définit par l'ensemble des éléments semi-fixes qui s'y trouvent (équipement, mobilier, etc.), et la relation entre ce type d'organisation spatiale et

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le comportement. Il apparaît, à travers un certain nombre d'expériences, que les éléments de l'espace à caractère semi-fixe, suivant la façon dont ils sont disposés et aménagés, orientent ou contraignent les activités et les échanges. Le fait, par exemple, de disposer les chaises d’une terrasse de café sur une place publique suivant des règles esthétiques peut donner un arrangement agréable à l'œil, mais qui ne facilite guère d'autres activités (la conversation ou l'échange, les observations…). Une conception exclusivement esthétique de l'aménagement peut aussi entraver le développement de certaines activités dans la mesure où elle est considérée comme fixe et rigide, c'est-à-dire intouchable.

- Informel : qui s'établit en fonction d'un certain nombre de distances que nous maintenons dans nos relations avec les autres. Ceci se traduit par le concept d'espace personnel (Hall E.T., 1979) qui repose sur l'expérience quotidienne où chacun apprend à considérer comme son espace l'espace immédiat qui l'entoure. L'espace personnel, c'est l'individu entouré d'une ou de plusieurs enveloppes, comparés à des bulles, à des zones invisibles qui interviennent à des situations différentes. Une sorte de bulle psychologique qui nous enveloppe, elle s'exprime dans nos relations avec autrui, notamment à travers les distances que nous cherchons à conserver, elle démontre l'existence d'un « mur psychologique » généralement invisible, qui protège « l'espace personnel ». Hall a observé les modes d'utilisation de l'espace en fonction de la distance. Il a défini quatre grandes catégories de distances. Chacune pouvant varier selon la personnalité des sujets et les aspects socioculturels de l’environnement. Ces quatre distances ou zones affectives définissent les relations à l'espace. Chacune est associée à un répertoire d'activités, de relations et d'émotions, spécifique aux diverses cultures et manifeste ainsi la signification des interactions sociales. La distance constitue donc un mécanisme non verbal de régulation des échanges interpersonnels et des relations sociales.

- La distance intime (15 - 45 cm) : c'est l'espace minimal qui existe entre moi et autrui. Cette distance révèle la proximité, non seulement physique, mais sociale et affective des individus les uns par rapport aux autres. Elle s'exprime notamment par le contact. Dans cette distance, la présence de l'autre est la plus prégnante et elle peut devenir envahissante.

- La distance personnelle (45 - 75 cm) : elle correspond à la grandeur de la bulle entourant la personne. Elle se manifeste en particulier dans les relations amicales et les conversations privées. Elle équivaut à l'extension des membres du corps et notamment à la longueur des bras. Elle correspond à la limite de l'emprise physique sur autrui et à la sienne sur soi.

- La distance sociale (75 cm – 3m 60) est celle des rapports sociaux habituels, en particulier dans les rapports professionnels, elle est fonction des rites d'interactions dans un groupe ou une société. Hall l'appelle « la limite du pouvoir sur autrui ».

- La distance publique (3m60 - 9m) : donnons ici l'exemple extrême de cette distance ; celle qui se manifeste dans des occasions solennelles d'accueil d'une personnalité ou de réceptions entre chefs d'Etats.

Des précédents paragraphes, nous pouvons identifier deux manières de comprendre l'espace dans une perspective psychosociologique. Ces deux notions sont indissociables l'une de l'autre. Il s'agit de les prendre simultanément pour appréhender d'un côté les caractéristiques

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matérielles d'un espace et de l'autre côté, l'occupation d'un espace particulier à travers le déploiement de son corps qui définit sa place et trace ses frontières avec l'environnement. Nous retiendrons ici trois manières de considérer la relation à l'espace : l'une basée sur une approche fonctionnelle, la deuxième est basée sur l'expérience vécue et la troisième sur la relation espace-temps et trois façons d’analyse de l’influence de l’espace sur la personne.

3.3.1 L'espace comme cadre fonctionnel

Dans cette optique, la vision de l'espace, qui est largement répandue chez les aménageurs, les concepteurs et les urbanistes est une vision déterministe.

Brièvement, elle se résume ainsi : organiser la vie des individus en concevant pour eux des types d'environnement, logement par exemple, qui reposent sur des critères fonctionnels considérés comme répondant à leurs besoins élémentaires. En organisant l'espace, nous agissons d'une certaine façon sur le comportement et les relations. Autrement dit : l'espace est un facteur d'influence et de conditionnement. Il y a alors une manière de le considérer à travers les relations fonctionnelles que l'on établit avec lui et ceci à partir de besoins humains considérés comme universaux. Une telle approche est sous-tendue par une double conception de la relation à l'espace d'une part, une relation fonctionnelle définie à partir de modèles de besoins prétendus valables partout, d'autre part un modèle de comportement directement déterminé par l'organisation d'un espace donné.

Ainsi l'emplacement de certains logements, la distribution interne des espaces, leur position respective de voisinage ou d'éloignement par rapport à un espace valorisé, par exemple, pourraient être interprétés comme ayant une influence directe sur les relations entre les individus (Bell & al., 1996). Dans cette optique, on explique les phénomènes sociaux existants tels que les relations d'inaction, d'indifférence, de violence, par des facteurs comme l'uniformisation spatiale, le manque de variété dans les composantes de l'espace, etc. De nombreuses expériences de rénovation de l'habitat ou d'aménagement urbain s'appuient sur ce schéma de la relation fonctionnelle. On pense qu'en organisant différemment un environnement donné, on changera également les relations et les conditions de vie. En fait, on essaie de faire jouer ce déterminisme « espace-comportement » pour renforcer les relations entre les individus et leur environnement, induire des perceptions positives, favoriser l'engagement, etc.

3.3.2 L'espace comme espace vécu

Une autre manière de comprendre la relation de l’homme à l'espace consiste à voir la façon dont il utilise un lieu, dont il le traite, affectivement et cognitivement. Il s'agit là d'un espace vécu, c'est-à-dire investi par une expérience, tactile, visuelle, affective et sociale.

Dans cette optique, l'espace architectural ne se réduit pas à ses propriétés matérielles. Il est structuré comme un langage qui communique un message sur ses occupants, sur ses fonctions. Un bâtiment sera alors appréhendé et évalué comme la mise en scène d'une sorte de biographie sociale d'une institution et des habitants qui l'occupent, du quartier dans lequel il se situe. En ce sens, un espace raconte toujours une histoire : individuelle et sociale. Il dit du

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groupe et au groupe quelle est sa façon de vivre, d'habiter, de travailler et de vivre socialement dans un lieu. Les dégradations des bâtiments HLM : les portes d'entrée mal entretenues, les boîtes à lettres cassées, les cages d'escaliers endommagées, examinées sous cet angle sont identifiées comme autant d'indices symptomatiques d'une « relation dégradée » à son propre espace. L’occupant inscrit dans l'espace son mal de vivre, son exclusion, sa demande d'existence et la souffrance sociale qui l'accompagne.

La compréhension de la relation à l'espace comme expérience vécue apporte un éclairage complémentaire en montrant que les lieux sont chargés de significations, elles-mêmes liées aux représentations que l'on s'en fait. Vivre dans un milieu vétuste dont les habitants ne se connaissent pas, où se produisent des actes de vandalisme et où les gens se sentent insécurisés, révèle la relation dévalorisante et insatisfaisante que ses occupants entretiennent avec les lieux où ils habitent. Cela peut en conséquence être l'expression symptomatique de modes de vie ressentis négativement. Ainsi, toute relation à un espace entre dans le cadre d'une expérience sociale qui la traite comme un langage rapporté à des conditions de vie. L'espace façonne les individus qui en retour le façonnent à leur manière ; de la sorte, cette relation constitue un langage qui renvoie à la condition d'existence concrète de ces individus. Chaque lieu aménagé crée des situations spécifiques en leur fixant un cadre : Barker les a appelées « sites comportementaux » (cf. § 3.2.3).

3.3.3 L’espace et sa relation avec le temps

Toute relation à l'espace se définit également en terme de réseau de relations à des espaces-temps. L'usage d'un lieu dépend souvent du temps d'occupation qui lui est en quelque sorte affecté en raison du découpage du temps dans nos sociétés. Beaucoup de personnes qui habitent loin de leur travail savent d'expérience qu'à cause de cet éloignement et de la durée de transport, leur logement est le lieu qu'ils occupent et utilisent le moins, alors que c'est l'endroit qui peut être le plus important pour eux. La relation à un lieu ne peut donc être déterminée sans référence à tous les autres dans lesquels un individu passe une part de son temps. Cette approche peut donner lieu à une carte des espaces-temps, dans lesquels un individu, compte tenu de sa condition sociale, évolue habituellement.

Les espaces dans lesquels il passe la plus grande partie de sa vie, ceux qu'il fréquente en dehors de son temps de travail, ceux qu'il ne fréquente jamais et qu'il ne connaît pas, même s'ils sont physiquement proches peuvent être facilement identifiés. Enfin, pour la compréhension de ces relations, une dernière indication paraît nécessaire : toute relation à l’espace doit être située en fonction de l'échelle choisie pour l'étudier. Dans la perspective retenue en psychologie sociale, l'échelle généralement prise en compte dans la relation à l'espace est l’échelle micro-sociale, d'un aménagement donné tel qu'une école, un espace de travail, un hôpital, etc. Cependant, il ne faut pas négliger que pour comprendre l'impact d'un espace, il faut se référer à l'organisation sociale qui le sous-tend.

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3.3.4 Synthèse

Dans cette partie, nous avons vu que la relation entre la personne et l’espace bâti a été étudiée à travers trois approches différentes, soit comme un cadre fonctionnel soit comme objet d'une expérience vécue, enfin dans la relation espace-temps. Nous réalisons que le jeu existant entre les lieux et les conduites des individus est un processus constant où, d'une part, l'espace est composé d'attributs exerçant certaines influences, mais il est aussi vécu, d'autre part, à travers des usages dont le sens se lit dans la capacité à agir sur un lieu tout en s’y adaptant. Cependant, si l’espace construit peut être considéré comme l’expression, au travers d’une implantation physique, de fonctions et d’activités, sa structure sociale n’est pas strictement est déterminée par la logique qui sous-tend cette implantation, celle-ci n’est qu’un support, un aspect de son expression. Il n’est donc pas possible de conclure à une relation symétrique entre la structure sociale et celle de l’espace. La dynamique de cette relation est déterminée par la culture d’une société, d’un groupe ou d’une institution.

Dans la partie qui suit, nous allons voir précisément comment la question de l’influence des facteurs du climat sur les perceptions et les comportements des individus a été traitée dans l’approche de la psychologie de l’environnement. Nous cherchons à examiner en détail comment les variations climatiques en tant que facteurs physiques de l'environnement influencent et affectent notre vie.

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