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3.2 Modèles d'analyse de la relation « personne - environnement »

3.2.3 Comportement et pratiques spatiales

Dans le domaine de l’influence des facteurs physiques de l’environnement sur le comportement et des attitudes des individus, ce sont les nuisances et les sentiments de gêne et de stress qui ont été le plus étudiées. (Moche A. & Moser G. 1997, Moch A. & Maramotti I. 1995). Le bruit est l’un des facteurs environnementaux le plus étudié par rapport à son effet sur les individus. Il constitue un aspect essentiel de notre relation à l'espace, et il est également une des grands facteurs des sociétés industrielles et de l'environnement urbain. La réaction au bruit semble liée à d'autres facteurs (Fisher G.-N., 1997) tels que les relations avec autrui, selon qu'on les accepte, qu'on les tolère ou qu'on les refuse. Une gêne se mesure selon la façon dont quelqu'un occupe un lieu, avec toutes les composantes que cela comporte, dont, entre autres, le sentiment qu'il y exerce ou non une maîtrise.

L’ensemble des études concernant les facteurs environnementaux et leurs influences sur les comportements et les attitudes des individus ont montré que cette réaction psychologique de gêne ou de stress résultante n'est jamais une pure et simple relation causale directe entre une caractéristique, une composante ou une portion d'espace et ce qui constitue l'expression même du stress ou de gêne. Ceux-ci sont liés aux conditions psychosociales dans la mesure où les aspects physiques d'un environnement ont des caractéristiques inappropriées ou opposées aux besoins ou aux attentes des individus. Il n'a pas été possible de décider, a priori, si tel ou tel aspect physique de l'espace entraîne automatiquement un effet stressant ou gênant.

Le milieu urbain n'est pas une entité indépendante, close, mais un champ dynamique. Il ne peut exister qu'à travers les relations que nous établissons avec lui. Ce sont les usages d'un lieu qui importent en tant qu'ils révèlent les positions et les mouvements de notre corps dans un environnement donné et le poids d'une situation déterminée par les espaces aménagés. La recherche, effectuée par G. Chelkoff et al. (1997) sur les ambiances en espaces publics sous terrains, montre que les pratiques du public et les données environnementales se co-définissent. Cette étude a signalé également que l’environnement perçu ne coïncide pas uniquement avec le cadre bâti, mais suppose une dimension temporelle, la présence ou l’absence du public et les intentions des usagers. Quelques indices révélant plus au moins la dimension souterraine ont été mis en œuvre. Ces indices concernent, soient des caractéristiques spatiales (la profondeur, la verticalité des espaces, la hauteur et le volume des espaces, la nature des matériaux, le manque de végétal, l’artificiel), soient des conditions ambiantes (obscurité, lumière du jour, température, humidité). Cette recherche a montré que les espaces publics sous terrains mettent en jeux des effets, spatiaux, lumineux et thermoaérauliques particuliers qui affectent la construction sensible de l’espace public. D’autres études effectuées par le laboratoire space Syntax12 montrent que la configuration du tissu urbain est une cause déterminante des configurations de mouvement urbain. Il s’agit, dans ces travaux, d'un ensemble de mesures géométriques et topologiques de la morphologie de l'espace. En soi ces mesures ont peu d'intérêt, ce qui est intéressant c'est de les mettre en relation avec les pratiques de l'espace. La technique utilisée est simple. L'espace

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est d'abord représenté en dessinant l'ensemble des plus longues rues et les différents accès passant par chaque rue. Cette représentation graphique dite en carte « axiale » décrit l'accessibilité relative de chaque rue par rapport aux autres rues. Chaque segment de rue est observé par la suite pour un total de plus de 50 minutes à différentes heures de la journée et à différents jours de la semaine. L'écoulement piétonnier horaire moyen est noté sur chaque segment ; une image détaillée d'activité dans la zone est produite. Les diverses valeurs de degrés « d’accessibilité »13 spatiale pour les rues sont comparées aux écoulements de mouvement par des calculs statistiques, régression simple et multiple. Le degré d’accord entre ce degré de l’accessibilité de l’ensemble des rues et les cadences de mouvement durant les heures de pointe est calculé.

Ceci a permis à cette équipe de recherche de confirmer que le degré d’accessibilité d’une rue peut prédire les flux piétonniers (Hillier B.)14. Cela signifie que les espaces dont la morphologie spatiale offre une accessibilité facile (une linéarité avec un grand nombre de connections avec les autres rues) montre un flux d'écoulements piétonniers plus important que les espaces moins accessibles. Ce laboratoire emploie un modèle informatique pour évaluer des arrangements de développement en termes de niveaux probables de mouvement, d'efficacité des emplacements de commerce et des espaces potentiellement sous-utilisés. Suite à ses travaux, deux propositions théoriques à propos de la nature et du fonctionnement des grilles urbaines ont été développées :

- la théorie du mouvement normal : c’est la proportion de mouvement observable le long des rues est produit par la structure urbaine elle-même plutôt que par des attractions spéciales,

- la théorie du mouvement sous l'effet des attractions économiques : l'attraction supplémentaire dans les espaces où le mouvement normal est élevé crée un effet multiplicateur sur le mouvement. Les utilisations qui induisent le mouvement, tels que les marchés et les commerces augmentent vers des emplacements où le mouvement est naturellement élevé. Pour des activités, résidentielles par exemple, il est préférable que le mouvement normal soit bas.

Selon ces travaux, les activités en milieu urbain tirent avantage de la morphologie pour capter le mouvement et l'amplifient. La morphologie du réseau urbain ou / et spatial influence le mouvement piétonnier et véhiculaire et cela indépendamment de touts autres facteurs.

Dans le domaine des études concernant l’influence des caractéristiques physiques de l’environnement sur les comportements, nous retenons également les études sur les « sites comportementaux ». Bien que développé pour les espaces intérieurs, l’intérêt du site comportemental réside dans le fait qu’il montre une relation de causalité entre les caractéristiques physiques de l’espace et la configuration du comportement. Ce concept correspond aux comportements collectifs d’un groupe dans un type de lieu, au-delà des différences interindividuelles. L'idée est que le comportement doit être étudié dans son contexte normal. Selon les adeptes de cette théorie, les sites comportementaux sont les systèmes sociaux, à échelle réduite, composés de personnes et d'objets physiques qui sont configurés de façon à effectuer un programme courant des actions dans des limites spécifiques de temps et d'endroit. Par exemple : réunions d'affaires, boutiques, restaurants, …etc.

13 En anglais dans l'article cité ci-dessus «the most integred ».

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Les « sites comportementaux » contiennent trois composantes qui sont les suivantes :

Les propriétés physiques : elles concernent tous ce qui caractérise physiquement un milieu tels que :

 sa topographie et les objets qui s'y trouvent.

 La topographie d'un milieu concerne tous les éléments fixes tels les murs, les planchers.

 les éléments semi-fixes, le mobilier comme par exemple, les tables, les chaises et leur organisation dans l'espace.

 Ces objets peuvent être décrits par des attributs physiques comme leurs tailles, leurs formes, leurs matériaux. Ils ont aussi des propriétés fonctionnelles ; c’est-à-dire leurs usages.

Les composantes humaines : dans une configuration spatiale, les individus occupent des positions qui peuvent être classifiées en fonction du degré d’interaction ou d’occupation et du rôle occupé en deux grands groupes de zones :

 périphériques : ce sont les zones où les rôles sont moins puissants,

 centrales : sont celles qui ont plus de puissance. Par exemple : la position du directeur de magasin comparée à celle du client.

Le programme : c'est un ordre prescrit des échanges entre les personnes et les objets. Un programme se compose d'unités « condition - action »15. Cette structure représente les occasions d'action disponibles dans un « site comportemental ». Ils sont des programmes particuliers à des configurations de comportement, tandis que, des règles générales du comportement sont indiquées par des conventions, des normes et des valeurs sociales. Le « site comportemental » occupe donc une position précise dans l'espace et dans le temps, il est caractérisé par ses aspects physiques, sociaux et comportementaux. Ces caractéristiques favorisent le développement de certaines conduites, mais le site n'existe que si des conduites s'y déroulent : comportements et site se définissent réciproquement. Ce concept de « sites comportementaux » a ouvert la perspective de l'environnement comme source de comportements possibles au sein des limites données par les caractéristiques physiques du site et le système de régulation comme les dimensions sociales, culturelles et symboliques sous-jacentes aux comportements et relations interpersonnelles qui s'y déroulent.

3.2.4 Synthèse

Nous pouvons constater que dans la plupart des études, le cadre physique est considéré comme support, moyen ou condition d'expression et de développement des relations dynamiques que les sujets établissent avec leurs milieux de vie.

15 Par exemple : une configuration de restaurant [if « waittress will seat you a sign » is present, then….], [If arriving at a table, then… ]. Pris du site Internet : http://condor.stcloud.msus.edu/~jaz/psy373/index.html (cour de psychologie d’environnement).

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Dans cette perspective, l'influence de caractéristiques environnementales particulières, par exemple les conditions microclimatiques est analysée comme intervenant dans le système complexe d'interdépendances de la personne avec son environnement. C'est-à-dire que les effets d'une variable environnementale particulière sur les comportements, les perceptions ou les représentations vont être examinés en prenant en compte la façon dont ces effets peuvent être modulés d'une part, par les attributs des sujets (âge, sexe, statut social), et d'autre part par les propriétés du milieu (lieu public ou privé, nature et qualité des aménagements spatiaux). L'étude de la relation de la personne avec son environnement peut être conçue comme une relation dynamique en s'inscrivant dans un système complexe d'interactions faisant intervenir les caractéristiques de la personne et les dimensions physiques et sociales de l'environnement. Nous constatons que la relation à l’espace est considérée différemment d’une approche environnementale à une autre. Certaines se centrent sur le cadre fonctionnel de l’espace, d’autres l’analysent en se basant sur la notion du vécu et d’autres qui se focalisent sur l’occupation de l’espace (durée et fréquence). C’est ce que nous allons développer plus en détail dans la partie qui suit.

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