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6.4.1 Deuxième étage de stabilisation

La conception du deuxième étage de stabilisation en fréquence nécessite la connaissance précise de ce qui limite la fréquence de gain unité. J’ai établi dans le chapitre 3.2.5 la formule exacte pour une cavité Fabry-Perot. Pour l’interféromètre complet, en l’absence pour le moment de formule analytique complète, j’ai mis au point le programme JAJY pour le calcul des fonctions de transferts (chap. 3.5.2) entre un bruit de fréquence et la lumière réfléchie sur le miroir de recyclage recueillie par la photodiode PHD2 ou la lumière réfléchie sur la surface anti-reflet de la séparatrice recueillie par la photodiode PHD5. Ce modèle ne prend en compte que les propriétés spectrales des cavités, avec un mode unique. La note [115] montre que les deux photodiodes sont acceptables pour la limite du bruit de photons [116]. Elle montre également que la fréquence de modulation de 18 MHz permettrait, d’après le modèle scalaire utilisé, un gain unité élevé pour le deuxième étage de stabilisation de fréquence. Si cela se vérifiait, le premier étage de stabilisation pourrait être inutile, apportant une simplification importante.

6.4.2 Boucles multiples imbriquées

Je résume ici la note [105] (chap.9.5) sur les propriétés d’un système à boucles multiples. Un système comporte des boucles multiples lorsque deux boucles partagent au moins un signal en commun. Il n’est pas judicieux que deux boucles partagent un même signal d’erreur, en comportant un gain continu non nul sur chacune des deux boucles : elles intègrent toutes deux un petit écart de tension résiduel et saturent rapidement. Il est préférable d’utiliser le signal de correction de la boucle rapide comme signal d’erreur de la boucle plus lente. Après modélisation du système par blocs, il est possible d’écrire la fonction de transfert en boucle ouverte en supprimant, dans le schéma, un des liens. L’écriture de la fonction dépend de l’endroit où est effectué la coupure. La stabilité et les marges, qui sont des paramètres physiques, n’en dépendent pas. Une coupure as-tucieuse permet, pour les boucles de Virgo, d’écrire la fonction de transfert en boucle ouverte comme une somme de fonctions individuelles. Pour garantir la stabilité du sys-tème, il faut que la boucle totale soit stable avec des marges acceptables ; il faut aussi

que ce soit le cas là où deux des fonctions individuelles ont des amplitudes identiques. Une façon plus simple est de considérer le rapport des deux fonctions qui se croisent et de l’analyser comme une boucle classique. La fonction totale s’écrit sous forme factori-sée, et il suffit que chacune des fonctions individuelles soit stable, et que les fréquences de gain unité soient suffisamment espacées (par exemple d’un facteur 10). Les fonctions individuelles ont des actionneurs ou des signaux d’erreurs effectifs.

6.4.3 Architecture

J’ai proposé, puis mis en œuvre, une solution qui s’affranchit de la contrainte sur le point de verrouillage de la cavité de référence [117]. Cette solution est exigeante pour l’acqui-sition du verrouillage : il faut passer instantanément d’une configuration où le système laser et l’interféromètre sont indépendants à une configuration où ils sont étroitement liés. Dans la première configuration, (a) figure 6.3, le laser est verrouillé en fréquence sur la cavité de filtrage de mode (IMC), en utilisant le signal réfléchi par cette cavité, puis démodulé, comme signal d’erreur, et la cavité IMC est verrouillée sur la cavité ri-gide (RFC). Dans la deuxième configuration, (b) figure6.4, le signal d’erreur indiquant l’écart à résonance du mode commun de l’interféromètre (CARM), filtré, est additionné électroniquement au signal d’erreur de l’étage de pré-stabilisation. Ce même signal sert de signal d’erreur pour maintenir la cavité de filtrage de mode à résonance. Les fluc-tuations basses fréquences (inférieures à quelques Hz) de la cavité équivalente CARM sont réduites par déplacement des miroirs des cavités kilométriques, en utilisant l’écart à résonance de la cavité de référence rigide comme signal d’erreur.

FIG. 6.3 – (a) Verrouillages de cavités pour la stabilisation de fréquence en deux étages, avant ver-rouillage du deuxième étage de stabilisation de fréquence.

FIG. 6.4 – (b) Verrouillages de cavités pour la stabilisation de fréquence en deux étages, après ver-rouillage du deuxième étage de stabilisation.

L’architecture proposée utilise les cavités de façon optimale, en fonction de leurs perfor-mances, dans la gamme de détection de Virgo. La procédure pour établir la conception des boucles est la suivante. La première boucle, qui verrouille la fréquence du laser sur la cavité de filtrage de mode, est la plus rapide. Cette boucle établit la stabilité de fré-quence du laser à la fréfré-quence de 10 kHz. La deuxième boucle asservit le laser sur le mode commun de l’interféromètre. La fréquence du laser, dans la bande de détection, suit alors le mode commun de l’interféromètre. Pour les fréquences entre 20 kHz et 300 kHz, la fréquence du laser suit la fréquence définie par les fluctuations de longueur de la cavité de filtrage de mode en entrée. Cette cavité est une référence moins bonne que l’interféromètre mais autorise un verrouillage avec une fréquence de gain unité bien plus élevée. Après addition électronique du signal d’erreur du mode commun CARM au signal d’erreur de la cavité de filtrage de mode (IMC), le signal d’erreur de cette dernière n’est plus contraint à être petit lorsque les gains de boucle sont grands. Il me-sure l’écart à résonance entre la fréquence du laser, définie par le mode commun de l’interféromètre, et la fréquence définie par la cavité IMC. Le signal de correction slas2

fournit également la mesure de cet écart, mais avec un signe opposé : la boucle de pré-stabilisation étant très rapide, avec beaucoup de gain, son signal d’erreur est nul. Les deux signaux additionnés mesurent donc le même écart avec des signes opposés. Le signal slas2 est un signal d’erreur plus pratique pour verrouiller la cavité IMC. Son ex-cursion est plus élevée par un jeu adéquat de résistances au moment de l’addition. Son bruit de numérisation est donc plus bas. Un filtre numérique permet la mise à résonance de la cavité IMC par déplacement de son miroir d’extrémité. Les retards numériques li-mitent le gain unité de cette boucle à environ 100 Hz. La prise en compte de l’effet Doppler dans la cavité IMC [118] permet d’établir les équations complètes (chap.8.1). Notons qu’il n’y a pas une source unique de bruit de fréquence, mais plusieurs : le bruit de fréquence du laser libre ; le bruit de fréquence induit par les fluctuations de longueur de la cavité de filtrage de mode ; le bruit de fréquence induit par les fluctuations de longueur de la cavité rigide ; les bruits de fréquence introduits par les bruits de lecture.

Il faut toujours préciser soit la source de bruit particulière soit le point de mesure du bruit équivalent (par exemple à l’entrée de l’interféromètre).

6.4.4 Verrouillage de la cavité rigide - filtres de Coulon

Le verrouillage du mode commun de l’interféromètre sur la cavité de référence rigide amortit le mouvement pendulaire des miroirs. Les performances du mode commun de l’interféromètre et de la cavité rigide sont toutefois très différentes : la cavité rigide constitue une référence de fréquence, à 50 Hz, avec un bruit d’environ 2.102Hz/√

Hz [68], tandis que la spécification pour le bruit de fréquence est de 4.106 Hz/√

Hz(fig. 8.12). Il faut donc que le gain de boucle à 50 Hz soit inférieur à 2.104, tout en ayant un gain de boucle élevé à la fréquence du mode pendule (0.6 Hz) et pour les très basses fréquences pour compenser les dérives des marées.

J.-P. Coulon a développé un algorithme pour trouver des filtres numériques stables qui auraient de telles propriétés [119, 120]. Le programme demande de spécifier le rapport fmax/ fmin autour de la fréquence de gain unité. Il garantit que le gain est plus petit que 1/K pour toutes les fréquences au-dessus de fmax, et plus grand que K pour toutes les fréquences au-dessus de fmin. La fréquence de gain unité se trouve àp

fmax× fmin. Une combinaison de deux filtres passe-bas et passe-haut produit un filtre vérifiant une condition de marge donnée (chap. 7.2). Le programme cherche tous les filtres stables sur une grille des paramètres, garde celui qui donne le meilleur K, puis refait une re-cherche autour de ce dernier point. Une technique de recuit aléatoire gagne générale-ment presque un ordre de grandeur sur les performances. Des techniques "culinaires" accessoires accélèrent la recherche. Le programme cross68, en FORTRAN, qui définit les filtres numériques, est disponible auprès de J.-P. Coulon. Je précise une utilisation possible de tels filtres dans le chapitre suivant.

Nous avons mis en oeuvre avec succès un filtre de Coulon d’ordre élevé le 24 novembre 2004 (chap. 7.3). Toutefois, le filtre de Coulon n’est pas encore mis en oeuvre dans le fonctionnement habituel de Virgo :

– Pour le moment, le bruit de longueur de la cavité de référence rigide, excité par le bruit thermique, ne limite pas la densité spectrale de résolution.

– Il n’est pas possible de mettre en oeuvre un filtre de Coulon depuis la masse de férence seule. Il faut donc faire un contrôle depuis la marionnette et la masse de ré-férence. Ce contrôle est nettement plus complexe vu la fonction de transfert de la marionnette. La définition du partage masse de référence / marionnette / haut de suspension étant maintenant définie de façon stable, il est possible de définir un filtre de Coulon adapté.

– Le bruit à corriger dans la bande de fréquence 36 mHz - 10 Hz est encore trop élevé. Un filtre de Coulon n’a pas de gain dans cette bande, si sa fréquence de gain unité est fixée aux alentours de 0.6 Hz.

une soustraction du bruit de la cavité rigide dans la frange noire par compensation par anticipation ("feed-forward", technique "gamma" dans le vocabulaire Virgo). Elle apporte une isolation effective d’un facteur 50. Dans la pratique cette isolation sup-plémentaire lève les contraintes sur la ré-injection du bruit de la cavité rigide dans la frange noire. Cette technique consiste à mesurer la fonction de transfert entre une perturbation sur le signal d’erreur du verrouillage du mode commun sur la cavité ri-gide et la frange noire, puis à construire un filtre numérique, Fγ, qui approxime cette réponse. Ce Fγ filtre en permanence le signal d’erreur de la cavité rigide ; Le résultat est soustrait du signal d’erreur de la frange noire.

Les filtres de Coulon sont décrits de façon plus détaillée dans les notes techniques (chap. 9). Une évaluation de ces filtres est donnée dans le chapitre7.

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