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V.4 Couplage par antiguidage

V.4.3 Conception des structures antiguidées

Maintenant que nous avons choisi le matériau des antiguides, nous pouvons concevoir les composants. Comme nous l’avons indiqué dans la partie V.4.1, les modes symétriques et antisymétriques entre en résonance les uns après les autres lorsque l’on augmente la distance D entre les micro-rubans.

Dans la suite de cette partie, nous utiliserons la nomenclature de la figureV.16

Figure V.16: Schéma d’un µSQCL à antiguidage avec N = 3 rubans espacés de D. Les rubans aux extrémités sont espacés de S du macro-ruban.

Dimensionnement théorique de la longueur d’onde de fuite

Les super-modes symétriques et anti-symétriques vont entrer en résonance lorsque la longueur d’onde spatiale de fuite, λleak, est un semi-multiple de l’espacement :

Dres= leak

2 (V.14)

En effet, dans ce cas, les oscillations de fuite des modes des micro-rubans pris sé-parément vont vérifier les mêmes conditions de bords aux interfaces des rubans. À titre d’exemple, les 4 premiers super-modes d’un µSQCL avec 4 micro-rubans sont représentés sur la figureV.17.

(a) m = 1 (b) m = 2

(c) m = 3 (d) m = 4

Figure V.17: Quatre premiers super-modes (m=1 à 4) d’un µSQCL avec 4 micro-rubans.

D’une part, si m est pair, on va favoriser les modes anti-symétriques. Le fait qu’on ait un nombre entier d’oscillations va faire changer le signe du champ entre deux rubans voisins. D’autre part, si m est impair, on favorise le mode symétrique. On a dans ce cas un nombre entier d’oscillations, plus une demi-oscillation. Grâce à cette demi-oscillation supplémentaire, on force le champ électrique à être de même signe sur chaque micro-ruban.

La longueur d’onde de fuite peut s’écrire de la façon suivante [254]:

λleak(λ) =q λ

n2Si− n2

ZA+ ( λ

2W)2 (V.15)

où λ est la longueur d’onde spectrale de la lumière émise, nSiet nZAsont les indices de réfraction du a-Si et de la zone active.

La longueur d’onde de fuite λleak ainsi calculée pour une émission à 4,6 µm est représentée sur la figureV.18a en fonction de la largeur W des rubans et de l’indice du a-Si nSi.

(a) λleak(W, nSi)

0 1 2 3 4 5 6 7 8

Largeur des rubans W (µm)

0 1 2 3 4 5 6 7 Dres ( µ m) m=1 m=2 m=3 m=4 (b) Dres(W )

Figure V.18: Variation de Doptim avec la largeur du ruban W (V.18b) et de λleak

en fonction de W et de l’indice du silicium amorphe nSi (V.18a).

in-dépendant de l’indice du nSi. Un manque de précision sur la mesure de nSi n’aura donc pas d’impact sur la conception de la structure. Afin de conserver une bonne dissipation thermique, les rubans utilisés sont typiquement de 2 à 3 µm de large.

Les espacements entre les micro-rubans théoriques pour la résonance des 4 pre-miers super-modes sont représentés sur la figureV.18b en fonction de leur largeur. Les modes impairs, m = 1 et m = 3 sont les deux premiers modes symétriques alors que les modes pairs, m = 2 et m = 4, sont les deux premiers modes anti-symétriques. On remarque que pour des largeurs W supérieures à 4 µm, les espacements optimaux sont presque indépendants de W.

Nous nous situons typiquement dans le cas où W = 2 µm, et λ = 4, 6 µm. On obtient alors une longueur d’onde de fuite de λleak = 2, 4 µm. Les deux premiers modes symétriques sont alors résonants pour des espacements de 1,2 µm et 3,6 µm. L’espacement entre les rubans, clef de voûte du design

Afin de pouvoir dimensionner plus précisément les µSQCLs antiguidés, nous avons simulé avec COMLASE l’ensemble des super-modes optiques en fonction de l’espacement inter-rubans pour différentes configurations. Un module de tri des super-modes a été implémenté pour pouvoir automatiquement récupérer le recou-vrement ΓZA avec la zone active pour les modes symétriques et anti-symétriques.

Nous avons notamment fait varier le nombre N de rubans entre 4 et 16, leur largeur L entre 2 et 5 µm et la longueur d’onde optique émise entre 4 et 5 µm. Cette étude ayant été faite avant la mesure de l’indice optique du a-Si par ellipsométrie de Mueller, nous avons utilisé une valeur d’indice de 3,49, alors que nous l’avons mesuré par la suite entre 3,5 et 3,52. Cette différence ne devrait pas avoir un impact trop grand sur λleak d’après la partie précédente. L’indice de réfraction de la zone active est pris égal à 3,35. D’après la formuleV.15, on obtient une longueur d’onde de fuite théorique λtheo

leak(4, 5 µm) = 3, 0 µm à 4,5 µm.

2 3 4 5 6 7 8 9 D (µm) 10 15 20 25 30 35 40 ΓZA (%) Mode symétrique Mode antisymétrique (a) L = 2 µm, N = 8, λ = 4,5 µm 2 3 4 5 6 7 8 9 D (µm) 10 15 20 25 30 35 40 45 ΓZA (%) Mode symétrique Mode antisymétrique (b) L = 2 µm, N = 4, λ = 4,5 µm 2 3 4 5 6 7 8 9 D (µm) 15 20 25 30 35 40 45 50 ΓZA (%) Mode symétrique Mode antisymétrique (c) L = 3 µm, N = 4, λ = 4,5 µm 2 3 4 5 6 7 8 9 D (µm) 10 20 30 40 50 ΓZA (%) Mode symétrique Mode antisymétrique (d) L = 2 µm, N = 8, λ = 4 µm Figure V.19: Résonance séquentielle des modes symétriques (en bleu) et antisy-métriques (en rouge) pour différents paramètres de structures et deux longueurs d’onde.

Le recouvrement ΓZA avec la zone active est assez faible dans les exemples affi-chés car la couche guidante supérieure a été prise comme une couche simple d’InP faiblement dopé. Les deux couches supérieures permettant de fortement confiner le mode par effet plasmon n’ont pas été ajoutées afin d’accélérer le temps de calcul. En effet, il faut demander à COMSOL de calculer un grand nombre de solutions, typiquement de l’ordre de 50 à 100 solutions, pour être sûr de trouver tous les modes dans le cas des µSQCLs antiguidés. Chacun point des courbes peut alors prendre un temps de calcul de l’ordre de 10 minutes. Nous avons vérifié que l’absence des deux couches guidantes fortement dopées ne vient que réduire le confinement vertical et n’a pas d’impact au premier ordre sur la position des pics de résonance. Lorsqu’elles sont intégrées à la simulation, le recouvrement ΓZAà une longueur d’onde de 4,5 µm est de l’ordre de 70 à 75%, ce qui est comparable avec les rubans unitaires.

D’autre part, on observe bien le comportement prédis par la théorie, les modes symétriques (en bleu) et anti-symétriques (en rouge) entrent en résonance séquen-tiellement, avec une longueur d’onde de fuite de λsimu

leak (4, 5 µm) = 3, 3 ± 0, 3 µm ce qui est en accord avec la formule théorique. Nous verrons dans la partie V.4.4qu’un tel espacement est réalisable techniquement. Par ajustement des courbes, on voit que le recouvrement modal avec la zone active décroît inversement à l’espacement

D:

Γmres= Γ0

où Γ0, α1 et α2 sont les variables d’ajustement. De plus, on retrouve que λleak

augmente avec la largeur W et la longueur d’onde λ et qu’elle ne dépend pas au premier ordre du nombre de rubans N.

Enfin, en se plaçant proche de la résonance d’un mode symétrique, on calcule avec COMLASE le profil du champ proche et du champ lointain. Un exemple pour un composant ayant 10 micro-rubans de 3 µm espacés de 2 µm est représenté sur la figureV.20.

Figure V.20: Champ proche (figure du haut) et champ lointain (figure du bas), selon l’axe horizontal, d’un µSQCL à antiguidage comportant N = 10 micro-rubans de 3 µm et espacés de 2 µm. Le profil simulé sur COMLASE est affiché en médaillon du champ proche.

Le faisceau obtenu est très peu divergent, il présente une largeur à mi-hauteur de F W HM = 6, 07 et la majeure partie de la puissance est contenu dans un lobe centré. Les lobes secondaires du champ lointain ont une intensité d’environ 10% par rapport à celle du lobe central. On retrouve le même comportement pour le premier mode symétrique pour toutes les configurations géométriques étudiées, lorsque l’on est proche de sa résonance.

Enfin, d’après les profils affichés sur laV.19, on voit qu’on a une tolérance d’en-viron 1 µm sur l’espacement entre les rubans pour choisir de faire résonner un super-mode particulier. Par exemple, pour le cas de la figure V.19c, on voit que le mode symétrique est le mode sélectionné pour des espacements allant de 2,6 à 3,7 µm. Cela constitue un avantage majeur par rapport au µSQCL non-uniforme qui nécessite un contrôle plus précis de la largeur des rubans.

Filtrage par les pertes latérales

Nonobstant l’espacement entre les rubans, il faut également structurer l’ensemble des rubans couplés par antiguidage dans un macro-ruban, comme montré sur la figureV.16.

En effet, si l’on considère que du a-Si est de chaque coté des rubans, selon un plan semi-infini, le champ va osciller dans l’antiguide indéfiniment. Comme le

super-mode est d’énergie bornée, cela signifierait que l’ensemble du super-super-mode est perdu dans l’antiguide et que le recouvrement avec la zone active serait nul.

Afin de conserver un recouvrement du mode avec la zone active assez grand, on force l’arrêt des oscillations en gravant le a-Si de part et d’autre des micro-rubans aux extrémités, à une distance S. On définit ainsi une structure que l’on appelle macro-rubans, constituée de l’ensemble des micro-rubans. On retrouve ainsi sur les flancs du a-Si un matériau, typiquement un diélectrique ou de l’air, avec un indice de réfraction faible, inférieur à 2. Le super-mode se retrouve donc guidé latéralement dans ce macro-ruban.

Dans la partie précédente, nous avions fixé S = D. Le recouvrement ΓZA a été calculé en faisant varier S et D séparément. Les résultats obtenus sont affichés sur la figureV.21.

Figure V.21: Recouvrement avec la zone active en fonction de l’espacement D entre les rubans et S entre les rubans latéraux et le macro-ruban.

On observe que lorsque l’on se place à la résonance du mode symétrique (D ≈ 3, 2 µm) et que l’on fait varier S, on retrouve une variation pseudo-périodique.

Cela s’explique par le fait que l’on vient stopper les oscillations dans l’antiguide successivement à des ventres et à des nœuds du champ électrique. Lorsqu’on grave le macro-ruban au niveau d’un maximum du champ, on défavorise le super-mode en introduisant des pertes supplémentaires. Dans le cas contraire, si on le grave à un zéro du champ, la condition de bord est déjà remplie et le mode ne subit aucune perte additionnelle. On parle de filtrage par les pertes latérales.

Dans cette partie, nous avons donc montré comment dimensionner les µSQCLs à antiguidage pour favoriser soit le mode symétrique, soit le mode anti-symétrique. Nous avons montré que ce choix se fait principalement en choisissant l’espacement entre les micro-rubans de manière à remplir une condition de résonance du mode désiré. De plus, le concept de filtre par les pertes latérales a été introduit. Nous allons décrire dans la prochaine partie les premières briques de réalisation de µSQCLs à antiguidage.