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Conception élargie des espaces intermédiaires

g ardIens et teChnologIes ECOLE

II.4. Conception élargie des espaces intermédiaires

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entre les premières esquisses et l’esquisse finale, mais dans chacune d’elle, la présence du gardien était prise en compte. Sa loge, pensée comme l’assemblage d’un local et d’un bureau d’acceuil, indique que le gardien n’y réside pas. Cependant une garde 24h/24h est assurée au sein de la Cité radieuse par plusieurs gardiens qui se remplacent mutuelle- ment, dont Daniel Peiffe, embauché depuis 2013. La présence du gardien semble alors rendre possibles les différentes interactions entre les habitants et les pratiquants de la rue interne de la Cité Radieuse. Son rôle, s’il n’est pas de surveiller les éventuelles intru- sions, est plutôt d’encadrer les pratiques sociales qui y sont encouragées.

Cet exemple nous interesse dans le sens où déjà en 1947, la relation entre gardien et hybridité programmatique est mise en évidence. Sa présence suppose la necessité de palier aux besoins de gestions induits par la complexité du batiment.

La relation que le gardien entretient avec l’hybridité programmatique semble être appliquée dans plusieurs projets, ce qui témoigne là encore que l’évolution du mé- tier et celles des formes urbains sont intrinsèquement liées.

•Cas d’étude n°2 :

La présence du gardien dans la gestion du projet construit

141 / 143 avenue de Clichy 108 / 110 rue Lemercier Paris 17e

Cette grande opération de 187 logements (dont 147 en PLA et PLI) de 10000m2 dessinée par l’architecte Catherine Furet présente la particularité de contenir

des espaces complémentaires aux simples parties communes que constituent le hall, les paliers, et les cages d’escalier. En effet le programme contient un jardin, une cour, sept ateliers d’artistes, ainsi qu’un équipement sportif. Le plan nous indique que la parcelle est entièrement traversante et piétonne. Celle-ci présente une variété d’espaces collec- tifs au profit des habitants qui résident sur ce site. Ainsi, plusieurs activités se déclinent selon les saisons et les besoins: on y voit la pratique du vélo, ou d’autres jeux necessitant de la place, ainsi que certains évènements festifs comme la fête de la musique. Quant au local résidentiel, il permet d’accueuillir les éventuelles réunions d’association de quar- tier, des vernissages, ou encore des ateliers pour les enfants. Valérie Lebois, qui tente par le biais de cet exemple d’exprimer les potentialités d’usages de certains projet af- firme ainsi que «les usages rencensés dans cette opération sont nombreux parce qu’ils bénéficient de la variété des espaces proposés, chacun offrant des possibilités d’appro-

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priation différente»71. Si Valérie Lebois insiste sur les potentialités d’usages offerts par

le site, elle prédit tout de même les conflits d’usage qui peuvent survenir. Les enjeux de la gestion de cet habitat hybridr deviennent primordiaux afin d’assurer sa pérénité dans le temps. Celle-ci est assuré par deux gardiens qui «se plaisent à soutenir une dynamique sociale mais aussi à l’encadrer»72. Dans ce sens, afin d’éviter les conflits d’usage, le gar-

dien prend le rôle de médiateur et par sa présence, permet l’équilibre entre la privacité du logement, et la pratique privée d’activités communes. Il est cependant nécessaire de préciser que l’architecte a été missionnée à la fois comme architecte coordinateur, mais aussi et surtout comme architecte d’opération, lui permettant ainsi de participer à l’éla- boration du programme hybride qui compose le site.

•Cas d’étude n°3 :

La souplesse architecturale au profit d’un pouvoir local 26, rue gauthey, 75 017 Paris

Le cas très particulier de cet immeuble tient dans le fait que les relations de voisinage se sont transformées en relations amicales et ont contaminé toute la rue. Ce qui nous intéresse dans le cadre de cette étude est d’étudier les dispositifs spécifiques mis en oeuvre qui ont contribué à la fortification des liens sociaux à l’échelle du quar- tier. Seulement, il n’y en a pas. Ou s’il y en a, ce sont ceux que l’on retrouve habituel- lement dans la conception de nombreux immeubles, tels le hall d’entrée, la loge, une petite cour. Seulement, ces dispositifs semblent suffire à créer une véritable émulsion collective. En effet, la vie de la rue Gauthey peut être assimilée à celle d’un petit village, dans lequel tout le monde se connait, échange, festoie. La rue n’est pas piétonne mais la circulation des voitures se fait à sens unique. Si l’architecture de la rue, de l’immeuble et des espaces intermédiaires ne semble pas particulièrement influencer les relations de voisinage, elle n’y met cependant pas de limite. Il n’y a pas de planification urbaine qui incite à adopter tel ou tel comportement. L’utilisation du lieu semble libre, mais il est dif- ficile d’en comprendre les raisons. Dans ce cas si singulier, les relations de voisinage au sein de la rue sont le résultat d’une dévotion totale de la part Lourdes Fernandes dans la vie du quartier. En effet, celle-ci, gardienne au 26, rue Moquet, a lancé plusieurs initia- tives personnelles dans le but de réunir les habitants et de partager les lieux en harmonie. Sa loge est ainsi devenue le point névralgique de la rue. Lourdes représente le parfait

71

LEBOIS, Valérie, Op.cit

72

Ibid.

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contre-exemple du pessimisme qui règne vis-à-vis du destin des gardiens. En effet, pré- sidente de l’association «Chez Loulou, au village Gauthey», elle met en place plusieurs événements qui participent à la vie sociale de la rue, et cela se répercute sur la vie de l’im- meuble. Les habitants petit à petit, ont construit une relation de voisinage par le simple fait d’échanger sur le palier de la loge de Lourdes. Puis Lourdes, avec la contribution de certains habitants, a modifié l’agencement de la cour afin de pouvoir y accueillir un bar- becue, tables, chaises, plantes, guirlandes guinguette. Ainsi, les habitants se réunissent quotidiennement dans cet endroit, bénéficiant d’une appropriation libre et dégagée de toute politique sécuritaire. Là encore, Lourdes joue le rôle de médiateur, et cadre les pratiques des habitants. Un respect mutuel s’installe alors entre les différents acteurs de l’immeuble, y compris avec la propriétaire qui fait entièrement confiance à Lourdes dans le choix des locataires lorsqu’un logement se libère. Les différents anniversaires des habitants se fêtent les uns et chez les autres, souvent même dans la loge. Celle-ci a également été le refuge pour beaucoup d’entre eux suite aux attentats de novembre 2016, faisant de Lourdes la une de certains journaux. Un groupe de parole a été mis en place afin de permettre à chacun de ne pas se sentir isolé. Par cette situation singulière, c’est tout l’agencement de l’immeuble qui est perturbé, remis en question. La notion de privacité n’est plus la même, les habitants sortent parfois même de leur appartement sans vérifier s’ils ont bien fermé à clé leur porte d’entrée. Le rez-de-chaussée devient le salon commun de tout le monde, alors qu’il n’est pas conçu pour. Etroit, et composé de recoin, c’est pourtant dans cette configuration que le couloir et le hall semblent favoriser les échanges.

Alors, l’architecture doit-elle gagner en souplesse pour permettre aux relations sociales de s’installer? Doit-elle comporter des «accidents» afin de favoriser les rencontres? Le «moins planifier possible» serait-il une possibilité pour créer des opportunités? Le simple fait de pouvoir poser une chaise et de s’y installer procure t-il à l’habitant le sen- timent de liberté dans sa pratique de l’espace?

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Les études contemporaines liées au sujet des gardien(ne)s tendent à démontrer un déclin du métier de celui-ci. Ce déclin s’observe différemment selon que l’on étudie le domaine privé et le domaine public.

En effet, dans le privé, les nouvelles opérations immobilières ne prennent plus en compte le poste de gardien, jugé inutile et trop onéreux, et suppriment ainsi les « espèces d’es- paces » qui lui sont liés, en particulier la loge du rez-de-chaussée. Cette nouvelle ma- nière de penser l’espace du seuil, cette zone intermédiaire et indéfinie qui sépare la rue du logement, bouleverse les codes et rituels quotidiens des habitants. Le processus d’identification, qui répond à la transformation de l’être lambda marchant dans la rue et respectant ses codes qui lui sont propre, à l’habitant qui vit dans un lieu ayant des codes différents, est désormais réduit à une suite de chiffres confidentiels qu’il faut retenir et taper pour franchir la porte d’entrée avant de se réfugier, plus ou moins précipitamment dans son chez-soi.

A cela s’ajoute le fait que dès la conception du projet de logement, plusieurs acteurs prennent part aux décisions programmatiques et budgétaires : ainsi, en premier lieu, les promoteurs immobiliers étant réticents face aux débordements et à l’insécurité qui peuvent potentiellement régner dans des espaces communs, préfèrent mettre de l’argent ailleurs et réduisent ces potentialités spatiales à leur minimum fonctionnel (couloir, pa- lier, hall d’entrée). Les possibilités d’appropriation de tels lieux sont alors restreintes, et les échanges sociaux limités. Par ce fait, la morphologie du logement collectif, qui façonne la rue, le quartier et à plus grande échelle la ville, est dirigée selon une logique de « gestion préventive » et répond à une politique sécuritaire plus largement appliquée à l’espace public.

Il existe un autre cas de figure dans le privé, qui concerne les loges des anciens immeubles parisiens. Le nombre de loges parisiennes diminuent ; les gardien(ne)s partent à la re- traite et les copropriétés y voient l’opportunité de vendre la loge afin de la reconvertir en logement, et de réduire par la même occasion les charges des propriétaires. Le hall, conçu comme un puzzle dont la loge devient la pièce manquante, perd alors sa vocation initiale. D’ailleurs, l’anagramme de « loge » est « lego » : tel un morceau s’imbriquant dans un autre, si l’espace de la loge disparaît, c’est toute la construction spatiale du rez- de-chaussée qui s’affaiblit.

Dans d’autres cas, la loge est conservée, et habitée par un(e) gardien(ne). Ce type de loge est très singulier : conçus comme des espaces donnant à la fois sur rue, sur cour et/ou sur hall, leur emplacement au sein du rez-de-chaussée donne lieu à des espaces

Conclusion