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Le concept de droit international privé à travers l’Histoire : la quête du singulier

40. L’étude de l’histoire du droit international privé fait apparaître une difficulté originale,

qui est celle de savoir à partir de quel moment on peut parler de l’existence du « droit international privé » au sens moderne du mot174. Autant il est possible de faire remonter le début du droit international privé au commencement de l’histoire de l’homme et de la coexistence de différentes communautés organisées entrant en contact les unes avec les autres, autant il est difficile de déterminer quand est apparue la conception actuelle du droit international privé. Faut-il la faire remonter à Story, pour avoir le premier évoqué le concept de droit international « privé »175 ? A Savigny pour avoir élaboré la théorie de la localisation du rapport de droit, longtemps fondement du droit international privé176 ? A Mancini pour avoir mis en avant le concept de nationalité comme principe universel permettant de trouver

174

Voy., formulant la même question, le cours de Master I de M. Bertrand ANCEL : B. ANCEL, Histoire du droit

international privé (Cours de Master I, Université Paris II, Panthéon-Assas, 2008, accessible sous http://www.u-

paris2.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHE=2880&OBJET=0017&ID_FICHIER= 13069), spéc. p. 13 et s.

175

Dans son célèbre Commentaries on the Conflict of Laws ; J. STORY, Commentaries on the Conflict of Laws,

Foreign and Domestic : In Regard to Contracts, Rights, and Remedies, and Especially in Regard to Marriages, Divorces, Wills, Successions, and Judgments, 1re éd., Hilliard, Gray, Boston, 1834.

176

F. C. von SAVIGNY, Traité de droit romain, t. VIII, trad. Ch Guenoux, 2de éd. Paris 1860, rééd. Ed. Panthéon-

une solution adéquate aux problèmes de droit international privé177 ? Mais on peut tout aussi bien remonter plus loin dans l’histoire, pour voir dans Ulrich Huber (1636-1694) le « père du droit international privé moderne »178 ou pour considérer que « les pères du droit international privé moderne […] sont des juristes vivant à partir du XIe siècle »179, voire que le droit international privé moderne « tire son origine de [l’] époque médiévale (IXe et Xe siècle) »180. Tout comme la découverte véritable de la nature du droit international privé contemporain peut aussi être vue comme le résultat plus tardif des particularistes181, notamment Kahn et Bartin, ou que la « crise du conflit de lois »182 révèle que le droit international privé ne s’est toujours pas véritablement trouvé. Qu’il connaît une « crise de croissance »183, dont il est probable que, malgré la contribution considérable d’auteurs comme Batiffol, Kegel ou Wengler, pour ne nommer qu’eux, il n’est pas encore sorti. Peut-être est-ce justement le droit international privé de l’Union européenne qui révèle que les esprits des spécialistes du droit international privé restent « plongés dans une sorte de sommeil dogmatique »184.

41. Reste à savoir si le droit international privé peut vraiment sortir de cette « crise de

croissance ». Il faut se demander en effet si le droit international privé n’a pas justement cet attribut, comme tout le droit au demeurant, de rester résolument dynamique, de se dérober à une conceptualisation qui le figerait et le condamnerait à un immobilisme irréductible au caractère sans cesse changeant des réalités sociales auxquelles il doit répondre. L’histoire du droit international privé se caractériserait ainsi, ce qui est certainement l’expression la plus heureuse, par une « succession de crises, qui ne font que [le] mettre constamment en épreuve, tout en lui permettant de survivre »185. Cette remarque doit servir de ligne directrice aux 177

P. S. MANCINI, « De l’utilité de rendre obligatoire pour tous les États, sous la forme d’un ou de plusieurs

traités internationaux, un certain nombre de règles générales de Droit international privé pour assurer la décision uniforme des conflits entre les différentes législations civiles et criminelles », préc., note 87.

178

F. STURM, "Comment l'Antiquité réglait-elle ses conflits de lois?, JDI 1979, p. 259-273.

179

M. GUTZWILLER,Le developpement historique du droit international prive, RCADI, tome 29, 1929, p. 287-

400.

180

W. NIEDERER, « Ceterum quaero de legum imperii romani conflictu », Rev.crit. dr. int. pr. 1960. 137 et s.

181

J. FOYER, JCP 1976, I, 2762.

182

Sur laquelle, voy. not. B. AUDIT, Le caractère fonctionnel de la règle de conflit (sur la crise des conflits de

lois), tome 186, coll. RCADI, Leyde, Boston, 1984 ; RCADI ; P.H. NEUHAUS, « Die Krise im internationalen

Privatrecht », Deutsche Rechtszeitschrift, 1948, p. 86 et s. ; KEGEL, The crisis of conflict of laws , RCADI, tome

112, 1963.

183

R. QUADRI, « Quelques considérations sur la contribution du Professeur Wengler au progrés du droit

international privé », dans Josef Tittel (dir.), Multitudo legum, ius unum : Festschrift für Wilhelm Wengler zu

seinem 65. Geburtstag, Interrecht, Berlin, 1973, p.1 et s.

Mélanges Wengler p. 1 et s.

184

Ibid.

185

D. EVRIGENIS,« Regards sur la doctrine contemporaine de droit international prive », dans Multitudo legum,

développements historiques qui vont suivre et qui n’ont pas pour objectif de se résumer à un exposé historique des théories de droit international privé, lesquelles, « étant donné leur obscurité et leur équivocité, ne peuvent guère aider à résoudre les difficultés »186. La tâche n’en est pas moins périlleuse, mais elle en devient d’autant plus nécessaire si l’on veut sortir du « bouillonnement pitoyable de la doctrine »187.

42. En dépassant la question du début du droit international privé, il faut donc se

demander quels sont les éléments qui permettent de concevoir le droit international privé, en espérant que cette étude puisse contribuer à clarifier l’approche théorique du droit international privé. A ce titre l’histoire se montre des plus utiles. Mais non seulement l’histoire du droit, et l’histoire politique qui lui est intiment liée, mais aussi l’histoire de la philosophie, puisqu’il faut garder à l’esprit que « la clef du droit est l’histoire de la philosophie »188. Les conditions matérielles d’émergence du droit international privé existent en effet déjà au moins depuis l’Antiquité189. Pourtant celui-ci n’est alors pas encore conceptualisé d’une façon qui permette d’y voir du droit international privé au sens contemporain du mot. La philosophie doit d’abord progresser pour permettre de saisir ces conditions matérielles à travers un prisme intellectuel autorisant l’émergence d’un « droit de la diversité ». Le concept d’universalité doit d’abord être découvert et développé (chapitre 1er). Ensuite il faut se montrer capable de concevoir une certaine pluralité, y compris juridique, et l’histoire nous révèle que la découverte de la pluralité a impliqué un glissement du concept d’universalité vers le concept de communauté (chapitre 2nd). La prise de conscience de l’absence de cette communauté nous fait alors découvrir la question centrale à laquelle le droit international privé doit trouver une réponse : comment un ordre juridique particulier doit-il organiser son ouverture au monde, autrement dit, organiser, en partant de sa singularité propre, l’universalité des situations qui peuvent se présenter à lui (chapitre 3ème) ?

186

R. QUADRI, « Quelques considérations sur la contribution du Professeur Wengler au progrés du droit

international privé », préc., note 184, spéc. p. 4.

187

Ibid.

188

M. VILLEY, Leçons d’histoire de la philosophie du droit, Réédition de la seconde édition, parue en 1962,

Dalloz, Paris, 2002, spéc. p. 18.

189

Chapitre 1 La découverte du concept d’universel

43. S’interroger sur l’apparition du concept de droit international privé soulève une

difficulté particulière. Il ne suffit en effet pas de constater que les conditions matérielles de son apparition sont données. Celles-ci se résument à la coexistence d’ordres juridiques séparés et de relations existant entre ces différents ordres juridiques. A partir du moment où l’ordre juridique est analysé comme indissociablement lié à l’existence d’une société humaine, les conditions matérielles d’apparition du droit international privé sont sans doute aussi vieilles que l’humanité. A ces conditions matérielles doit donc s’ajouter une condition intellectuelle, c'est-à-dire la conscience de la part d’un ordre juridique de traiter spécialement les relations qui se nouent au contact des ordres juridiques étrangers. Or souvent, et pendant longtemps, ces relations, même si elles existent en pratique, ne sont pas appréhendées de façon juridique. Une attitude exclusiviste absolue, et partant la non reconnaissance de la qualité de sujet de droit aux étrangers, caractérise la majeure partie de l’Histoire humaine. Il faut donc essayer de dégager les voies qui permettent de surmonter cet exclusivisme et rendent ainsi possible l’apparition du concept de droit international privé. Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’une réflexion nourrie notamment de l’étude incroyablement fertile menée par François Jullien autour « de l'universel, de l'uniforme, du commun et du dialogue entre les cultures »190. Cette étude est d’autant plus fructueuse son auteur, éminent sinologue, raisonne dans un cadre allant bien au-delà du seul cadre européen et apporte ainsi un regard externalisé qui permet de dépasser les raisonnements traditionnels de la pensée « européenne »191.

44. Deux voies semblent a priori de nature à permettre de surmonter la difficulté résultant

de cet exclusivisme. Premièrement, il est possible de concevoir que l’ordre juridique peut apporter des solutions à des situations ne concernant pas, ou pas uniquement, les membres de sa société. L’ordre juridique accepte donc d’appréhender juridiquement des situations dont il considère qu’elles ne relèvent pas de son propre champ d’application. Deuxièmement, il est possible d’étendre l’appartenance à la société à des personnes qui ne bénéficient pas « naturellement » ou « initialement » de la citoyenneté de la société, ou du moins de 190

F. JULLIEN, De l’universel, de l’uniforme, du commun et du dialogue entre les cultures, préc., note 156.

191

La lecture de cet essai a été une véritable révélation de la fertilité de la philosophie pour comprendre le droit international privé, mais également de l’importance du droit international privé pour la philosophie. Corroborée par d’autres textes, souvent également d’une qualité remarquable, cette lecture a été certainement un élément déclencheur qui a conduit à conférer une importance aussi grande, du moins en volume, au présent titre.

reconnaître certains droits aux personnes qui, tout en relevant de cet ordre juridique, n’en sont pas des citoyens « à part entière ». L’ordre juridique intègre alors juridiquement des situations initialement étrangères à son champ d’application. Parmi les trois attitudes que l’on peut adopter face à l’extranéité192, ces deux attitudes, acceptation et intégration, impliquent un dépassement de soi et une ouverture sur l’extérieur. Ces deux attitudes semblent donc de nature à permettre une conceptualisation du droit international privé. Le dépassement du refus de l’extranéité implique cependant d’avoir conscience d’une certaine universalité juridique, entendue comme vocation ou prétention de certains principes ou règles à s’appliquer universellement et en dehors des principes et règles juridiques propres à un ordre juridique donné193.

45. Dans le cas de l’acceptation de l’extranéité se dégage une universalité qui est au-

dessus de l’ordre juridique. L’ordre juridique se contente de la constater. Cette universalité permet de régler les relations dépassant le cadre de la seule société considérée en elle-même. La « conscience » d’un commandement supérieur qui impose de tenir compte de la présence des non-membres de l’ordre juridique et de reconnaître certains droits à ceux-ci, tout en continuant à les considérer comme étrangers, comporte les germes d’un traitement spécifique des situations comportant un élément d’extranéité194. La difficulté théorique vient de ce que la reconnaissance de cette universalité dépend de l’attitude de l’ordre juridique qui décide de la « constater » ou qui refuse de la « constater ». L’initiative de cette constatation, et donc de la reconnaissance de l’universalité, relève de l’ordre juridique lui-même. Dans cette hypothèse, il est cependant nécessaire de déterminer pourquoi et dans quelle mesure une conception supérieure peut s’imposer à un ordre juridique au titre d’un « droit naturel » ou jus cogens ayant une source externe à l’ordre juridique. L’approche positiviste qui fait de l’Etat la source du droit condamne cette vision « jus naturaliste » d’un droit pré- et supra-étatique195. Rien 192

Refus, intégration, en appliquant le cas échéant un régime propre aux étrangers « intégrés », ou acceptation de l’extranéité.

193

Cette universalité n’implique pas l’application universelle du droit interne de l’ordre juridique à toutes les situations qui se présenteraient à lui. Elle signifie simplement que cet ordre juridique reconnaît potentiellement la juridicité de toute situation. Le sens précis de cette situation peut ensuite résulter du droit interne de l’ordre juridique, d’une règlementation spéciale applicable aux situations revêtues d’un élément d’extranéité, d’un droit étranger ou du droit d’un ordre juridique supérieur dont l’autorité est reconnue, tels que le droit international, le droit commun ou le droit naturel.

194

Ce que l’on retrouve par exemple déjà dans la Grèce antique et la vision cosmopolite de l’homme. La difficulté viendra cependant ensuite de ce qu’il faut entendre par « homme ».

195

Même si, à partir du moment où l’on parvient à constater l’existence d’un véritable ordre juridique supérieur aux différents ordres juridiques étatiques qui en seraient des composants, la difficulté théorique est surmontée. L’Union européenne est certainement une illustration de ce genre d’imbrication quasiment autopoïétique qui

n’impose cependant, du moins dans une approche historique, de retenir comme axe d’analyse exclusivement l’approche positiviste.

46. Dans le cas de l’intégration de l’extranéité, entendue de façon absolue196, l’universalité apparaît au contraire comme immanente à l’ordre juridique. Ce dernier a alors vocation à s’étendre à un nombre indéfini de situations. La solution juridique est donc à chercher au sein même de cet ordre juridique du « for », mais en constatant que celui-ci a un « champ d’application » universel, au sens d’une vocation à s’appliquer indéfiniment197. Cette vision ne mène à l’apparition d’un droit international privé qu’à condition de ne pas déboucher sur une vision trop uniformisante des relations « internationales ». Ce risque est d’autant plus important que prétendre vouloir s’appliquer à un nombre indéfini de situations va souvent de pair avec la prétention d’être le système le meilleur ou le plus juste198. Il faut donc concevoir à la fois l’universalité et la relativité de l’ordre juridique, c'est-à-dire, d’une part, le fait qu’il peut reconnaître la juridicité de toute situation199, et, d’autre part, que le sens juridique précis de la situation peut ne pas résulter des règles propres à cet ordre juridique200. Mais il est également nécessaire de se doter d’un système organisant les relations entre les différents statuts juridiques reconnus à l’intérieur de cet ordre juridique201. L’ordre juridique se prétendant universel se pose dès lors comme un ordre juridique « supérieur » ou « commun » qui coordonne les différents statuts et ordres juridiques qui coexistent en son sein. L’universalité n’est à vrai dire pas requise pour imposer l’acceptation de la pluralité, puisque la conscience d’une communauté autour d’une pluralité d’ordres juridiques emporte la nécessité d’une organisation de cette pluralité. Mais l’universalité est un élément indispensable dans la prétention de l’ordre juridique d’appréhender des situations étrangères à son champ d’application initial. L’universalité reste donc le moteur essentiel de l’ouverture de l’ordre juridique à l’extranéité.

peut exister entre les ordres juridiques étatiques et l’ordre juridique interétatique, que ces premiers ont créé mais qui désormais s’impose à eux (sur la notion de droit autopoïétique, cf. infra les notes 241 et 820).

196

Il faut ici faire la différence entre la situation qui est déjà intégrée au point d’être assimilée, et qui n’est donc plus étrangère, et la situation susceptible d’intégration ou intégrée de façon à ladistinguer des situations internes, qui est pour le moment encore étrangère ou reste étrangère.

197

Que l’on retrouve avec l'édit de Caracalla de 212 et la conception universelle de la citoyenneté romaine.

198

Ce qui est notamment souvent le cas des systèmes religieux.

199

Ou du moins d’une situation externe à cet ordre juridique.

200

Il faut donc accompagner l’intégration de l’extranéité par l’acceptation de la multiplicité des statuts juridiques, ce qui était notamment le cas du droit romain.

201

Ce qui paradoxalement n’est pas une évidence, comme le montre le maintien de l’exclusivisme à Rome pour les relations familiales, contrairement au droit commercial pour lequel le jus commune se veut applicable.

47. La découverte du concept d’universel est donc au cœur de la construction progressive

du droit international privé. Cette découverte s’opère de façon progressive. Encore inachevé sous l’Antiquité (section 1), le concept d’universel acquiert une dimension – excessivement ? – absolue au Moyen-Age (section 2).

Section 1 L’universalité relative de l’Antiquité

48. Deux périodes doivent être distinguées au sein de l’Antiquité européenne, qui

correspondent à deux périodes nettement distinguées à la fois politiquement, intellectuellement et juridiquement. Deux conceptions de l’universalité apparaissent ainsi successivement, et dans des formes bien inachevées, dans la conscience occidentale. La première, qui a une dimension clairement plus philosophique, nous vient des cités grecques (I), tandis que la seconde, qui prend appui sur l’apport grec, mais pour acquérir une dimension politique, est le résultat de l’Empire romain (II).

I L’universalité du cosmopolitisme grec

49. La naissance de la Philosophie est une étape fondamentale dans la conception du droit

international privé. Il faut en effet être capable de penser l’Homme au-delà de sa seule appartenance collective. A ce titre la conceptualisation de ce qu’est l’Homme est inévitable, afin d’être capable de reconnaître la qualité d’Homme indépendamment du groupe. La philosophie grecque, en permettant déjà la conceptualisation, pose indéniablement une première pierre à l’édifice du concept de droit international privé. Mais l’importance va au- delà, car le cosmopolitisme grec permet aussi une acception universelle de l’homme. Diogène répond ainsi à la question d’où il est : « "Je suis citoyen du monde", kosmopolites eimi »202. Malgré la conscience potentielle d’une nature universelle de l’homme, le statut juridique de l’étranger, c'est-à-dire de l’homme non membre de la Cité, reste cependant très précaire. Cela tient à la fois aux limites du concept cosmopolite de l’homme universel et à l’acception particulière qui est faite du droit. Ce droit reste en effet, à quelques rares exceptions près, un attribut exclusif des citoyens. Si la Grèce antique mérite une place particulière dans l’étude du 202

F. JULLIEN, De l’universel, de l’uniforme, du commun et du dialogue entre les cultures, préc., note 156, spéc.

droit international privé203, ce n’est donc pas en raison de son système juridique, dans lequel l’exclusivisme reste très présent.

50. L’originalité de l’apport grec réside dans la construction d’un concept de l’homme qui

ouvre la voie à l’abandon de l’exclusivisme juridique. Concernant le concept cosmopolite de l’homme universel, le stoïcisme a laissé en effet entrevoir la possibilité d’une première extension de ce concept dans les domaines politique et juridique204. Stobée peut ainsi affirmer que le monde est « la patrie commune de tous les hommes »205. Il y aurait donc la possibilité d’une relativisation de la citoyenneté de naissance au vu de l’universalité d’une « citoyenneté mondiale »206. La difficulté d’une transposition de ces considérations dans le domaine des relations juridiques avec l’étranger, donc le « droit international privé », vient de ce que cette universalité reste de nature « essentiellement morale » et « ne trouve pas de traduction institutionnelle et politique »207. Il n’en reste pas moins qu’une étape décisive vers un dépassement de la communauté et vers l’ouverture à l’autre est ainsi franchie. En posant les 203

Voy. notamment concernant la bibliographie relative à l’Antiquité : M. ALLIOT, Les conflits de lois dans la

Grèce ancienne, thèse, Paris 1953 ; A. AYMARD, Les étrangers dans les cités grecques aux temps classiques,

Rec. Soc. J. Bodin, t. IX « L’étranger », 1958, p. 119 ; C. PREAUX, Les étrangers à l’époque hellénistique

(Egypte, Délos, Rhodes), Rec. Soc. J. Bodin, t. IX « L’étranger », 1958, p. 141 ; F. STURM, « Comment

l’antiquité réglait-elle ses conflits de lois ? », préc., note 179 ; B. T. BLAGOJEVIC, « Théories des statuts à la

lumière de l’histoire générale de l’évolution de la société », in Mélanges Kollewijn et Offerhaus, A. W. Sijthoff,

Leyde, 1969, p. 67 à 81 ; R. BIERZANEK, « Le statut juridique des étrangers dans l’antiquité gréco-romaine »,

dans Mélanges Séfériadès, II, Ecole des sciences politiques « Panteios », Athènes, 1961, spéc.

p. 567‑ 583 ; FRANCESKAKIS, Rev. crit. DIP 1962, p.804 ; G. HAMZA, Racines du droit international privé dans

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