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LE SYMBOLISME ET LES SIGNES

CHAPITRE 2 : IDENTITE CULTURELLE

2.3 L’identité individuelle et le multiculturalisme

2.3.1 Le concept de culture moderne

Le concept de culture à notre époque prend des aspects différents de ceux d’autrefois.‖ Il‖ est,‖ en‖ effet,‖ stimulé‖ et‖ motivé‖ par‖ l’hétérogénéité‖ des‖ pratiques‖

sociales et culturelles de nos jours qui ont tendance à imposer un concept nouveau reconstruit‖à‖travers‖la‖diversité‖et‖l’ouverture‖à‖des‖cultures‖multiples‖ sans pour autant être réduit à la juxtaposition et à‖l’homogénéisation de groupes stéréotypés.

Cette modernité du terme culture n’est‖ pas‖ synonyme‖ de‖ mondialisation‖ de‖ la culture.‖D’un‖point‖de‖vue‖anthropologique,‖selon‖Martine‖Pretceille‖(2011 : 92), la modernité du terme est surtout fondée sur les références individualisées et l’acculturation‖ dont‖ le‖ principe‖ est‖ de‖ s’approprier‖ les‖ savoirs‖ culturels‖ d’un‖

groupe sans pour autant considérer les individus appartenant à une même catégorie nationale, religieuse, linguistique ou autres, comme identiques ou les considérer comme ayant une obligation de ressemblance.

La‖ multiplication‖ des‖ contacts‖ et‖ des‖ échanges‖ pulvérise‖ la‖ notion‖ d’acculturation‖ qui‖

dépasse‖ largement‖ la‖ confrontation‖ binaire‖ et‖ s’inscrit‖ dans‖ une‖ multipolarisation des appartenances.‖ Ainsi,‖ plus‖ aucun‖ individu‖ ne‖ peut‖ se‖ sentir‖ à‖ l’aise dans un seul cadre culturel (Abdallah-Pretceille, 2011: 92).43

43 Abdallah-Pretceille, M. (2011). La pédagogie interculturelle: entre multiculturalisme et universalisme.

Lingvarvm Arena. Vol.2, pp. 91-101. Consulté sur http://ler.letras.up.pt/uploads/ficheiros/9835.pdf

La‖diversité‖culturelle‖dans‖nos‖sociétés‖ne‖peut‖pas‖être‖observée‖d’un‖point‖

de vue rationnel et cartésien qui suppose que tout système complexe est construit à partir‖d’unités‖homogènes‖et‖simples‖et‖que‖le‖regroupement‖de‖ces‖homogénéités‖

présuppose la‖naissance‖d’un‖système‖hétérogène,‖car‖l’hétérogénéité‖ne‖peut‖être‖

simplement construite à travers un découpage de plusieurs unités homogènes, puisque‖ces‖unités‖que‖l’on‖considère‖comme‖homogènes‖ne‖le‖sont‖pas‖a priori. Les individus‖ ne‖ peuvent‖ pas‖ être‖ considérés‖ comme‖ identiques‖ car‖ personne‖ n’est‖

identique‖ à‖ l’autre.‖ Même‖ si‖ nous‖ partageons‖ le‖ même‖ nom‖ de famille, la même religion et la même nationalité, cela ne fait pas de nous des êtres identiques. Les critères‖ d’identification‖ apparents‖ ne‖ sont‖ pas‖ les‖ seuls‖ critères‖ sur‖ lesquels‖ un‖

individu est catégorisé. Comme le précise Martine Pretceille, (2011 : 92) « personne ne‖peut‖se‖sentir‖à‖l’aise‖dans‖un‖seul‖cadre‖culturel », car ce qui nous identifie en tant‖ qu’individus, ce sont surtout nos préférences et nos tendances personnelles qui peuvent ne point être liées aux apparences et aux règles régissant le groupe auquel nous appartenons. Avec la modernité du monde, la mondialisation et l’ouverture‖des‖barrières,‖le‖multiculturalisme‖qui‖prend‖en‖compte‖l’existence‖au‖

sein‖ d’une‖ seule‖ société,‖ de plusieurs groupes culturels, est connu aussi par pluralisme culturel. Or, réduire la diversité à une addition de‖cultures‖n’est‖plus‖

automatique car les cultures ne peuvent pas non plus être réduites à des règles et être conditionnées par des labels et des étiquettes. Les anthropologues considèrent les cultures comme des sortes de métissage et de créolisation. Chaque culture se différencie par des critères propres à elles, comme elle se voit aussi identique ou proche‖ à‖ cette‖ même‖ culture‖ à‖ laquelle‖ elle‖ s’oppose.‖ Afin‖ de‖ comprendre‖ cette‖

pluralité de la modernité existante,‖ nous‖ faisons‖ appel‖ à‖ l’anthropologie,‖ qui‖ est‖

une‖discipline‖de‖référence‖quant‖au‖principe‖de‖variation‖et‖d’altérité.

D’un point de vue anthropologique : « Le concept de culture, entendu comme structure, comme système, comme catégorie, devient inopérant car il envoie à une entité statique, à la notion de différence et de catégorisation » (Abdallah-Pretceille, 2011 : 93). Les critères sur lesquels la catégorisation se fondait, ne sont plus considérés comme des références puisque, dans la société moderne, ces critères sont de plus en plus mêlés.

Le‖rôle‖de‖la‖différence‖est‖d’identifier‖et‖non‖pas‖de‖catégoriser.‖Elle‖a‖pour‖

but et pour volonté de délimiter tout ce qui sort de la norme. Elle sert à démarquer par un trait distinct tout ce qui est autre et ce qui établit des barrières et des frontières,‖ justifiant‖ l’exclusion‖ et‖ la‖ marginalisation‖ des‖ minorités‖ culturelles‖ qui‖

se‖ distinguent‖ par‖ leur‖ différence.‖ Or‖ ce‖ qui‖ conduit‖ à‖ l’universalité‖ c’est‖ la‖

diversité et non la différence, Martine Pretceille stipule que « La reconnaissance des‖singularités‖ne‖doit‖pas‖nous‖conduire‖à‖nier‖le‖principe‖de‖l’universalité‖de‖la‖

culture et de la nature humaine » (2011 : 94).‖Lorsqu’une‖certaine‖culture‖possède‖

des caractéristiques spécifiques et originales, elle sera conduite et dirigée vers l’universalité‖ car‖ c’est‖ par‖ l’originalité‖ qu’une‖ culture‖ se‖ distingue‖ d’une‖ autre‖ et‖

exhibe ses caractéristiques, et par conséquent devient universelle.

L’usage‖ du terme « culture » réduit le sens à des formes simplistes tandis que le besoin et les nécessités actuelles tendent à considérer la culture dans sa complexité, son hétérogénéité et sa dynamique.

La‖ Culture‖ au‖ singulier‖ est‖ devenue‖ synonyme‖ d’enfermement‖ et‖ de‖ repli‖

tandis‖ que‖ les‖ Cultures‖ ont‖ pour‖ synonyme‖ l’ouverture, le métissage et la créolisation, un terme utilisé par Edouard Glissant44.‖L’accroissement‖des‖contacts‖

44 Ménil, A. (2009). La créolisation, un nouveau paradigme pour penser l'identité ? Rue Descartes, (66), 8-19. Tiré de http://www.jstor.org/stable/40979111

entre les cultures peut mener à une anthropologie du métissage car les processus culturels‖sont‖menés‖par‖une‖culture‖de‖métissage‖plus‖qu’un‖métissage‖de‖culture.‖

La culture moderne dont on a parlé au début se reflète à travers le temps, l’espace,‖les‖conjonctures‖et‖les‖structures‖existantes‖dans‖le‖monde. Le tissu social de‖ nos‖ jours‖ témoigne‖ d’une‖ complexité‖ assez‖ accentuée‖ qui‖ n’est‖ pas‖ prise‖ en‖

compte par les approches culturelles du modèle culturaliste présupposant l’existence‖et‖la‖cohabitation‖de‖groupes‖ethniques‖homogènes.‖Comme‖le‖précise‖

Martine Pretceille :

Le culturalisme par son accentuation systématique de la variable culturelle débouche sur une forme de «scientisme culturel ‼,‖une‖forme‖de‖dogmatisme‖voire‖d’intégrisme‖culturel‖

qui induit la négation de la dimension universelle de tout individu (Abdallah-Pretceille, 2011 : 96).

Le courant anthropologique Culture et personnalité considère que la personnalité des individus, leur comportement et leur mentalité sont modelés par une certaine culture donnée. Or‖ l’appartenance culturelle pose problème, car l’individu‖ n’est‖ pas lié à une seule identité, mais à plusieurs, qui parfois sont harmonisées parfois contradictoires. Ses appartenances sociale, culturelle et linguistique seront difficiles à identifier et la réalité‖ d’un‖ individu‖ départagé‖ par plusieurs identités devient difficile à définir. La réalité sociale devient instable et les‖marqueurs‖d’identification‖d’un‖individu‖ne‖seront‖plus‖les‖mêmes.‖L’individu‖

n’est‖pas catégorisé‖selon‖le‖nom‖qu’il‖porte,‖sa‖nationalité‖ou‖son‖statut‖social, etc.

Les catégories culturelles sont entremêlées et ne sont plus homogénéisés comme autrefois,‖l’actualisation‖des‖cultures,‖au‖pluriel,‖n’existe‖pas‖sans‖les‖individus‖qui‖

les portent et les rendent dynamiques en les actualisant. « Les cultures sont des lieux de mise en scène ‼‖d’après‖(Abdallah-Pretceille, 2011: 96). La réalité est autre que la fiction, et la culture en tant que modèle théorique est autre que la culture au

quotidien dans la communication entre les individus et les relations entre eux. La différence entre elles est indéniable. Comme théorie, la culture est étudiée en tant que‖ modèle‖ et‖ comparée‖ à‖ d’autres‖ modèles‖ pour‖ analyse‖ tandis‖ qu’en‖ pratique,‖

elle‖ est‖ vécue‖ et‖ affectée‖ par‖ des‖ individus‖ qui‖ l’incarnent‖ dans‖ des‖ situations‖ de‖

rencontres‖avec‖autrui.‖Sans‖les‖individus,‖il‖n’y‖aura‖pas‖de‖culture,‖elle‖se‖réduira‖

à un modèle focalisant sur les théories prenant en compte les différentes formes de cette dernière en tant que différence et non pas en tant que diversité.

En effet, la reconnaissance‖ des‖ cultures‖ s’est‖ forgée‖ un‖ chemin‖ dans‖

l’ethnographie‖ en reconnaissant les caractéristiques culturelles des différents groupes communautaires ; une‖philosophie‖de‖l’ « humanisme du divers » naît, qui s’appuie sur « une‖ éthique‖ de‖ l’altérité‖ et‖ du‖ divers » (Abdallah-Pretceille, 2011 : 96).‖ En‖ revanche,‖ l’objectif‖ principal‖ reste‖ le‖ même,‖ celui‖ de‖ déchiffrer‖ les‖

informations culturelles qui, parfois, manquent de précision et de clarté. La culture, au sens théorique‖n’a‖pas‖dépassé‖le‖stade‖de‖la‖description ; or ce qui est exigé‖ et‖ sollicité,‖ c’est‖ la‖ compréhension‖ basée‖ sur‖ des‖ connaissances‖ de‖ l’altérité‖

des cultures.

Toute anthropologie essentialiste dont une des formes dérivées est le culturalisme, ne peut aboutir‖ qu’à‖ un‖ scientisme‖ culturel‖ et‖ donc‖ à‖ la‖ négation‖ de‖ l’homme‖ dans‖ les‖ sciences‖

humaines, ce qui est, pour le moins, paradoxal (Abdallah-Pretceille, 2011 : 96).45

La‖diversité‖culturelle,‖traitée‖à‖travers‖l’approche‖ethnologique‖ou‖à‖travers‖

l’internationalisation‖ du‖ quotidien,‖ est‖ banalisée.‖ Ce‖ qui‖ importe‖ le‖ plus,‖ c’est‖ la‖

culture‖ d’autrui,‖ elle‖ est‖ soit‖ acceptée,‖ soit‖ rejetée‖ et‖ ce,‖ au‖ détriment‖ d’une‖

découverte de l’autre comme individu unique et universel. Les travaux menés dans ces domaines privilégient la plupart du temps les études sur la culture

45 Abdallah-Pretceille, M. (2011). La pédagogie interculturelle: entre multiculturalisme et universalisme.

Lingvarvm Arena. Vol.2, pp. 91-101. Consulté sur http://ler.letras.up.pt/uploads/ficheiros/9835.pdf.

menant à une connaissance par identification, où la confusion se concentre sur la connaissance‖et‖la‖conscience‖d’autrui.‖

La culture ne peut pas exister sans être vécue et ne peut pas se connaître sans être‖ vue‖ ou‖ lue,‖ ce‖ qui‖ explique‖ l’importance‖ de‖ la‖ phénoménologie‖ à‖

seconder‖ l’approche‖ sémiotique‖ afin‖ d’éviter‖ de‖ réduire‖ la‖ culture‖ à‖ travers‖ la‖

reconnaissance‖ de‖ la‖ vision‖ et‖ de‖ l’interprétation‖ des‖ acteurs.‖ C’est‖ ainsi‖ que‖ les‖

connaissances culturelles peuvent être remplacées par des interprétations et des hypothèses.

Quand‖on‖s’intéresse‖à‖la‖question‖de‖la‖culture,‖il‖est‖ impossible de ne pas s’intéresser‖ aux‖ philosophies‖ de‖ la‖ diversité,‖ de‖ l’altérité,‖ de‖ la‖ singularité‖ et‖ de‖

l’universalité.‖ L’Autre,‖ n’est‖ pas‖ considéré‖ en‖ tant‖ qu’objet‖ mais‖ en‖ tant‖

qu’aventure,‖ un‖ processus,‖ on‖ ne‖ saurait‖ le‖ réduire‖ ou‖ l’aseptiser.‖ La culture d’autrui‖ ne‖ peut‖ pas‖ être‖ considérée‖ sans‖ l’autre‖ en‖ tant‖ qu’être,‖ elle‖ ne‖ peut‖ pas‖

faire‖un‖objet‖d’étude‖à‖part.‖Elle‖est incarnée par les plusieurs savoir-faire de cet individu et se manifeste dans plusieurs‖traits‖et‖côtés‖de‖l’autre. La philosophie et l’anthropologie‖ s’entendent‖ et‖ sont‖ solidaires‖ sur‖ ce‖ point.‖ ‖ Pour‖ E.‖ Levinas‖

« Autrui‖n’est‖pas‖un‖objet‖de‖compréhension‖d’abord‖et‖interlocuteur‖ensuite.‖Les‖

deux relations se confondent »46 (1991 : 18).

Si on considère la culture d’un‖point‖de‖vue‖mécaniste,‖c’est-à-dire comme un ensemble de signes qui suivent des règles précises, les dysfonctionnements seront‖ analysés‖ comme‖ des‖ erreurs‖ de‖ compréhension‖ et‖ par‖ la‖ suite‖ l’appel‖ aux‖

savoirs factuels devient nécessaire. Cependant, si on considère la culture comme un lieu de rencontre social et relationnel, nous devrons ainsi nous intéresser à une

46 Levinas, E. (1991). Entre Nous. Essais sur le penser-à-l’autre. Paris: Grasset.

science‖ qui‖ s’occupe‖ des‖ évolutions,‖ et‖ à‖ leur‖ mise‖ en‖ scène,‖ et‖ qui‖ s’occupe‖

notamment‖du‖contexte‖d’émergence‖plus‖que‖des‖signes‖eux-mêmes.

Par conséquent, afin de comprendre un propos culturel dont la dimension est‖ assez‖ forte,‖ il‖ ne‖ suffit‖ pas‖ de‖ s’attarder‖ aux‖ signes‖ observables,‖ mais‖ il faut essayer‖ d’analyser‖ la‖ signification‖ qui‖ n’est‖ pas‖ toujours‖ située‖ au‖ premier‖ degré.‖

C’est‖ainsi‖qu’il‖faut‖aborder‖les‖cultures‖et‖leur‖enseignement‖d’un‖autre‖point‖de‖

vue avec un changement radical des processus. Comme le souligne Bourdieu (1992 : 118)47, « Il‖ est‖ impossible‖ d’interpréter‖ un‖ acte‖ de‖ communication‖ dans‖ les‖

limites‖ d’une‖ analyse‖ purement‖ linguistique ». Martine Pretceille (2011 : 98) le souligne ainsi, « Comme toute lecture, comme toute démarche de compréhension, il‖s’agit‖d’opérer‖une‖opération‖de‖décryptage textuelle et intertextuelle ».

Pour comprendre les signes culturels, il ne faut pas se limiter à la simple opération‖ de‖ lecture‖ de‖ signes‖ constituants‖ de‖ la‖ culture‖ qu’on‖ étudie‖ car‖ ces‖

derniers ne peuvent pas être traduits et interprétés intégralement. Cette analyse nous mène donc à un nouveau‖ paradigme‖ qui‖ est‖ l’interculturel‖ auquel‖ on‖

opposera le multiculturel. Deux notions traitées différemment, en France et en Amérique du Nord.