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2. L’aliénation parentale

2.1. Concept de base

Le concept d’aliénation parentale est un concept assez nouveau, qui a été décrit par un pédopsychiatre américain, Richard A. Gardner pour la première fois en 1985 (Cloutier, 2006, Poussin, 2008), sous la forme d’un « syndrome» se référant aux situations où un enfant en vient à rejeter l’un de ses parents. Selon Gardner (1998), il y aurait jusqu’à 90% des séparations conflictuelles, tournant autour de la garde de l’enfant et/ou des droits d’accès, qui présenteraient un syndrome d’aliénation parentale. De tels cas s’observeraient typiquement en contexte de séparation conjugale, surtout lorsque les ex-conjoints entretiennent des conflits importants (Gagné et coll., 2005). En effet, il arrive que l’un des parents influence l’enfant et l’éloigne ainsi de l’autre parent. Ce genre de situation s’avère de plus en plus courante dans nos sociétés occidentales, au regard de l’évolution des rapports familiaux et de l’augmentation des divorces (Cyr et Cyr-Villeneuve, 2008, Haesevoets, 2008, Von Boch-Galhau et Kodjoe, 2005). Selon certaines recherches, près des 2/3 d’un échantillon de parents séparés en litige judiciaire manifesteraient un très haut niveau de conflit lors de la séparation, qui se traduirait par de la violence verbale ou physique entre les ex-conjoints (Gagné et coll., 2005). Deux études québécoises permettent d’avancer que parmi tous les cas de divorce qui impliquent des enfants entre zéro et douze ans, 6.5% présenteraient une aliénation parentale moyenne ou sévère (Van Gijseghem, 2005). C’est justement dans ces cas-là que les enfants se retrouvent dans de graves conflits d’allégeance (Kelly et Johnston, 2001) et présentent des troubles variés, dont ceux que nous étudions ici.

La symptomatologie de l'aliénation parentale tourne autour du dénigrement et du rejet d’un parent, auquel l’enfant était autrefois attaché. Une série de symptômes définis par Gardner en 1992 (Hayez, 2012) permettent l’identification d’un enfant aliéné :

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2) Il justifie ce comportement par des rationalisations infondées (motifs faibles et frivoles pour ne pas aller le voir) ;

3) Il ne manifeste aucune ambivalence, gratitude et culpabilité envers le parent rejeté ;

4) Il le considère comme complètement mauvais tandis que le parent préféré est perçu comme étant complètement bon (l’enfant insiste sur les défauts du parent rejeté) ;

5) L’enfant et le parent préféré se soutiennent inconditionnellement dans le conflit parental ;

6) L’enfant s’attribue la responsabilité unique dans le rejet de l’autre parent et nie toute influence du parent préféré (l’enfant se voit comme un « penseur » indépendant) ;

7) Pourtant les mots de l’enfant sont le reflet de ceux du parent aliénant (présence de scénarios empruntés dans le discours de l’enfant) ;

8) L’animosité et le rejet peuvent s’étendre à la famille et au réseau du parent rejeté.

Selon les tenants des théories de Gardner (1998), nous sommes en présence d’un syndrome, car il s’agit d’un groupe de symptômes qui apparaissent en même temps pour constituer un « trouble mental » à part entière. Le syndrome d’aliénation parentale peut être établi, peu importe le nombre de symptômes présents chez un enfant, parmi les 8 symptômes présentés ci-dessus (Gagné et coll., 2005). Gardner a différencié les cas « légers », « modérés » et « sévères » d’aliénation parentale en fonction du nombre de symptômes présents et de la gravité de la situation (Von Boch-Galhau et Kodjoe, 2005). Le niveau « léger » du syndrome d’aliénation parentale se caractérise par la présence de quelques symptômes chez l’enfant, mais sans que cela interfère vraiment lors des visites chez le parent rejeté (Amourette, 2012). Ensuite vient le « niveau modéré » dans lequel les huit symptômes sont présents. En présence du parent rejeté, l’enfant manifeste des problèmes qui s’apaisent rapidement. À ce stade, le parent aliénant adopte des comportements spécifiques aliénants qui répondent à sa volonté de vengeance (Amourette, 2012). Arrivé au « niveau grave ou sévère » les huit symptômes sont présents de manière très forte, qui rendent les visites chez le parent aliéné impossibles. Le parent aliénant adopte de nombreux comportements

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aliénants, qui peuvent aller jusqu’à enlever l’enfant ou même porter des accusations contre le parent aliéné (Amourette, 2012), telles que des allégations d’abus sexuels, que nous développerons plus bas. Malgré cette description, Gardner n’a pas précisément défini le nombre de symptômes nécessaires pour établir un diagnostic d’aliénation parentale (Van Gijseghem, 2005) ni pour qualifier le niveau faible en particulier. De plus, il ne donne pas davantage d’information concernant la durée de ces symptômes (Gagné et coll., 2005).

Pour définir le syndrome d’aliénation parentale, Gardner (1998) parlait du « lavage de cerveau » fait sur un enfant par sa mère, et qui utilise des techniques particulières pour cela (Gagné et coll., 2005), afin d’amener l’enfant à rejeter le père. C’est ainsi que se développe une relation d’emprise, où le parent préféré est aliénant envers l’enfant et l’autre parent (Amourette, 2012). Selon Gardner ce phénomène serait présent dans les litiges de garde d’enfants en particulier (1998). Il apparaît néanmoins que ces chiffres ne reposent sur aucune étude, mais seraient plutôt le résultat de l’observation de Gardner dans sa pratique professionnelle. De plus, les termes ont un peu évolué avec le temps, il ne s’agit plus nécessairement de la mère, mais du « parent gardien » ou « parent préféré », ce qui ouvre également la porte aux pères, et non plus de « lavage de cerveau », mais de dénigrement (Phelip et Berger, 2012).

Gardner considère qu’il s’agit d’un trouble de l’enfance provoqué par un traumatisme psychologique et qu’il relève de la psychiatrie (Gardner, 1998). Il identifie plusieurs éléments essentiels combinés, pour l’identification d’un syndrome d’aliénation parentale qui sont, d’une part une campagne de dénigrement mené par l’enfant contre un de ses parents, de manière systématique et qui est causé par le comportement du parent aliénant et d’autre part les comportements hostiles et de rejet de l’enfant qui ne reposent sur aucune expérience négative vécue avec le parent aliéné, qui pourrait les expliquer. En raison des différentes controverses qui entourent la notion d’aliénation parentale, Cyr préfère parler quant à elle, d’une dynamique de détérioration du lien parent-enfant qui est parfois présente lors d’un conflit de séparation très intense et qui consiste, pour un enfant à être amené à se ranger au côté d’un de ses parents et à rejeter l’autre (Cyr et Cyr-VIlleneuve., 2008).

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