"Tu me
vois d'ici, moi venant fout droit de Paris,tomber
dans la solitude la plus absolue car à partune
trentained'hom-mes
qui étaient sousmes
ordres, je ne voyaisâme
qtji vive.Des
montagnes, des vallées, des précipices, d'interminables forêts de sapins, rien que ronces et rochers, pas la moindr<> distraction que celle de travailler à relever des plans et étudier des chemins pratiquables.11 faut avoir bes^oin dr paKner sa crofito de pain pour pe livrer à une vie '^emblaVile.
3<>
Il faut avoir bt^soin do g;ii?i»er sa croûte de pain po r se
li-vrer à une vie semblable. C'était parfois d'une monotonie écra-sante, surtout l'hiver, lorsque terrés dans des grottes c
nme
des bêtes fauves, ou vivant dans det^ liuttescomme
leshommes
des chantiers, n'ayant le soir an'une lanterne pour nous éclairer,nous ne savions parfois ci lauiit tuer le temps et la temp.'^ra-ture s'en mêlant, nous ne pouvions sortir travailler au dehors.
"Ah!
mou
bon ami. je regrettais bien alors les beaux jours d'autrefois, les heures d'études passées auprès d'un bon feu et les bibliothèques dans lesquelles je faisaismes
recherches. J'a-vais bien avec moi un petit matériel chimique pour faire des re-cherches, mais le laboratoire rudimentaire que je m'étaiscons-truit était insuffisant et c'était tout juste assez pour procéder à de simples analyses.
"Or j'étais cette fois-là à la tête d'une équipe d'ingénieurs et d'ouvriers. Depuis huit longs jours
nous
avions euun temps
épouvantable, d'abord de la pluie, puis de la neige etun
vent à ne pouvoir se tenir debout.Profitaiit d'un jour que le
temps
semblait d'avoir des inten-tions de se mettre au beau, je voulus en profiter afin de prendreun
peu d'exercice et donner àmes membres
lemouvement
réclamaient. Je dis à
mes hommes
que j'allais voir dans les crons si je ne trouverais pas du gibier, car nous étions à court ae viande fraîche.
Je saisis donc
mon
fusil et allègrement je prenais lechemin
de la montagne.Le gibier qui généralement était très abondant en cet en-droit, ce matin-là était d'une rareté désespérante.
Ne
voulant cependant pas revenir bredouilleau camp
et croyantque
je trou-veraisceque
je cherchais sur les crêtes escarpées qui étaient au-dessus de moi, je m'élançais dansun
sentier débouchant àun
endroit où j'avais d'un côté unmur
de pierre coupé presqu'à pic et de l'autreun
précipice. Devantmes
yeux se déroulaitun
pa-norama
de toute beauté.A mes
pieds, mais à une hauteur verti-gineuse, je pouvais voir notrecampement
etmes compagnons
qui m'apparurent
comme
des pygmées.Au
loin et bordant l'ho-rizon, desmontagnes immenses
qui, se découpant dans l'azurdu
ciel,toutesblanches deneige, leurs glaciers miroitant
aux
rayonsdu
soleil, prenaientun
aspect vraiment féerique que le pinceau d'un peintre— même
très habile—
aurait eu de la difficulté à reproduire.:"
-n.w
1
37
"Je marchais donc r-ur î-- h*m' du irêcipice et quoique
j"«>u.s-se fait bien ait» nrion où je mettais
mon
jiied, je glissais tout: ;'icoup ft tombais sur le sol. la i)eute était assez forte et j'aurais été entraîné vers le gouffre lorscjne. linstinct de la conservation l'emportant, je saisis le ro(her et pus enfin après un effort dé-sespéré
me
ret nre en sûreté."J'étais ] ut frémissant
cramponné
à l'aspérité d'un rot-, et lorsque je revins demon
émoi je m'aperçus que dansma main
je tenais
une
parcelle de pierre qui dans les efforts que j'avais faits pour ne pastomber
danslabime
s'était détachée du rocher.Je jetai tout d'abcrd sur ce caillou un coup d'oeil distrait et le laissai
tomber
àmes
pieds, lorsque je m'aperçus, oh! prodige!qu'av lieu de tomber lourdement
comme
toute autre jiierre au-rait fait, elle tombait lentement coniirie si une force surnaturelle la retenait en l'air."Très étonné, du pied je
lempêchai
de rouler dans l'abîme, etme
baissant je la pris et ia mis dansma
poche,in
peu plus loin etme
trouvant enuu
endroit oii j<' i)ouvais circuler i)lus àmon
aise et sans danger, je renotivelai avec cettemême
pierre l'expérience et à plusieurs reprises le caillouretomba
avecune
lenteur extrême.
De
x'ius en plus étonné je.xaminai cette pierre qui, dans l'ordre naturel des choses, aurait dû peser près d'une li\Te n'en avait à peineun
once."Décidément,
me
dis-je, voici une particularité qui mérite d'être éclairée, et je glissai la pierre dansma
poche, cette foisdans l'intention de l'emporter au
camp
et tirer au clair l'étrangephénomène
que j'avais observé."De
retour au camp, sans rien dire demon
aventure àmes compagnons,
je plaçai le minerai dansmon
coffre remettant au lendemain le soin de l'examiner attentivement."Et qu'en advlnt-il?
demanda
Titoine Pelquier, qui écoutait l'histoire avec intérêt tout en lançant au plafond des nuages de fumée."Tu
vas voir, dit BaptisteCourtemanche
en se ver; .. .t àboire:
"Le lendemain,
comme
le beautemps
continuait et cette fois-là probablement pour un certain temps,mes compagnons
partirent continuer leurs travaux d'arpentage et je leur donnai
—
ceci dans le but de rester aucamp — une
raison qui leur pa-rut logique."Lorsque je fus seul, j'allai à
mon
coffre, y prit le caillou etK'l««q4U»-.i«jW^ *.'^t,fA
38
encore à plusieurs reprises je renouvelai lexpérienceet ceci avec toujours le
même
résultat."Voyons,
me
dis-je. il n'est pas naturelque
cette pierre à1 encontre de ce que f.-raient ses congénères,