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La composition du total des passifs des ménages canadiens et sa

À l’échelle fédérale, le cours du total des passifs des ménages canadiens a connu trois périodes distinctes depuis 1990 (figure 4.1.1). La première fut marquée par une faible hausse des passifs entre 1990 et 1995. Elle est suivie par une période marquée par une hausse modérée de 1996 à 2004, alors qu’une hausse considérable des passifs à partir de 2005 caractérise la troisième période. Bien qu’il soit difficile de distinguer visuellement la différence entre les deux premières phases, l’examen des chiffres absolus ne laisse aucune place à l’ambiguïté. Le total des passifs, qui était demeuré entre 359 et 461 milliards de dollars de 1990 à 1995, est par la suite passé à 871 milliards de dollars en 2005 et puis à 1 721 milliards de dollars en 2013.

Figure 4.1.1 L’évolution du total des passifs des ménages canadiens de 1990 à 2013 en milliards de dollars constants de 2015

Source : Statistique Canada, Tableau CANSIM 380-0073.

En mi lli ard s (d ol la rs de 2 01 5) 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000 2200

Grâce à l’Enquête sur la sécurité financière, il est possible de décomposer le total des passifs et de l’analyser à l’échelle des ménages pour les années de 1999, 2005 et 2012. Afin d’identifier les facteurs qui sous-tendent cet endettement accru, nous avons analysé la composition du total des passifs selon notre classification en huit catégories : l’hypothèque principale, l’hypothèque secondaire, le prêt sur la valeur immobilière, la ligne de crédit, la carte de crédit, le prêt automobile, le prêt étudiant et les autres dettes (tableau 4.1.1). D’emblée, soulignons que le total des passifs des ménages canadiens est passé de 608 à 1 460 milliards de dollars au cours de la période, ce qui constitue une hausse de 140,0 %. De loin, la plus grande contribution à la hausse du total des passifs provient de l’hypothèque principale et de l’hypothèque secondaire. À elles seules, en 2012, elles représentaient 1 125 milliards de dollars sur un total des passifs de 1460 milliards. Le total de la dette hypothécaire principale a augmenté de 122,5 % de 1999 à 2012, ce qui représente une augmentation de 403 à 897 milliards de dollars. Le total de la dette hypothécaire secondaire a augmenté de 235,6 %, ce qui représente une hausse de 68 à 228 milliards de dollars. Compte tenu de la croissance spectaculaire de la dette hypothécaire de 1999 à 2012, il n’est pas surprenant que les discours des médias aient soulevé régulièrement au cours de cette période la possibilité d’une bulle immobilière sur le marché canadien. Bien que la définition d’une bulle immobilière ne fasse pas l’objet d’un consensus, elle est généralement définie comme une période marquée par une forte croissance des prix de l’immobilier suivie d’un krach soudain (Mayer 2011). Le problème est que les bulles immobilières sont seulement définies comme telle de manière post hoc après le krach, car elles sont imprévisibles – ce qui n’empêche pas certains chercheurs de tenter de les prédire (Keen 2013). Les préoccupations sur les dangers d’une bulle immobilière se sont accentuées à partir de la crise financière de 2008, mais le marché immobilier canadien n’a rien connu de comparable à ce qui s’est produit aux États-Unis jusqu’à présent. Une chute importante et de longue durée des prix de l’immobilier aurait de graves répercussions sur le patrimoine des ménages canadiens. Notamment, il y a le danger que la valeur de l’hypothèque soit supérieure à la valeur du logement, ce que Sullivan, Warren et Westbrook (2001) nomment la catégorie des « house poors ». C’est-à-dire les ménages dont la valeur de leur logement a connu une baisse importante après avoir signé leur hypothèque.

Tableau 4.1.1 La décomposition du total des passifs des ménages canadiens selon la classification des passifs en milliards de dollars constants de 2015

1999 2005 2012 1999-2012 1999-2012 % % % % Hypothèque principale 403 66,2 574 63,9 897 61,4 122,5** -4,8** Hypothèque secondaire 68 11,2 102 11,3 228 15,6 235,6** 4,5** Cartes de crédit 19 3,2 30 3,4 39 2,6 100,8* -0,5** Prêt sur valeur hypothécaire 17 2,8 48 5,4 118 8,1 582,5** 5,2** Prêts étudiants 20 3,3 24 2,6 31 2,1 51,5* -1,2* Prêts automobiles 39 6,3 54 6,1 83 5,7 115,0** -0,7* Lignes de crédit 17 2,8 32 3,6 40 2,8 135,0* -0,1* Autres 25 4,1 33 3,7 25 1,7 1,9 -2,4 Total 608 100 897 100 1 460 100 140,0** n 15 900 5 300 12 000

Source : Enquête sur la sécurité financière, cycles 1999, 2005, 2012 Statistique Canada, calculs de l'auteur. * p < 0,05; ** p < 0,01

Il est notable que la catégorie de crédit qui a connu la troisième plus grande croissance soit aussi liée au marché immobilier : le prêt sur la valeur immobilière. Ce type de crédit, créé à la fin des années 1990, a connu une grande popularité dans les années 2000, car il permettait aux ménages d’emprunter des sommes en utilisant la valeur accumulée de leur logement, hypothéqué ou non, comme garantie. La popularité du prêt sur la valeur immobilière se constate par le fait qu’il a augmenté de 582,5 % de 1999 à 2012, soit de 17 à 118 milliards de dollars. Selon Bailliu, Kartashova et Meh (2012), les Canadiens utilisent ce crédit pour cinq raisons principales : la consommation, la rénovation, l’investissement financier, l’investissement non financier et le service à la dette. 66

S’inquiétant de la croissance rapide des prêts sur la valeur nette immobilière, le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada a souligné en 2012 que certaines institutions financières offraient ce crédit trop facilement et recommandait ainsi l’adoption de critères plus stricts. À ce sujet, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney a affirmé, lors d’une conférence de presse en avril 2012, que « [l]ike any financial innovation, home equity lines

66 À titre d’illustration, le prêt sur la valeur nette immobilière est un élément fondamental de la manœuvre de

of credit have both positives and negatives associated with them. The issue, as with any debt, is if these innovations or this access to debt is taken too far ».67

Vu négativement, ce type de crédit augmente le risque financier des ménages qui y ont recours face à une baisse soudaine du prix de l’immobilier. À titre d’illustration, cela est un danger important auquel les Albertains font face aujourd’hui dans le contexte d’une baisse des prix immobiliers. À savoir, le marché immobilier albertain a connu une baisse de prix de 3,8 % de la fin d’octobre 2014 à janvier 2016. Vu positivement, ce type de crédit peut servir de stimulus économique important en temps de récession. Par exemple, lors de la dernière récession de 2008, certains estiment que la croissance économique de la Colombie-Britannique a été principalement alimentée par le prêt sur la valeur nette immobilière.

La catégorie qui a connu la quatrième plus grande croissance de 1999 à 2012 en termes absolus est le prêt automobile. Le total des prêts automobiles a augmenté de 115,0 % de 1999 à 2012, c’est-à-dire de 39 à 83 milliards de dollars. Les quatre autres catégories de passifs ont très peu contribué à la croissance du total des passifs, mais elles ont néanmoins connu une croissance importante. La valeur totale des dettes en cartes de crédit a augmenté de 100,8 % de 1999 à 2012, c’est-à-dire de 19 à 39 milliards de dollars. La carte de crédit est une autre forme d’endettement qui fait souvent l’objet d’inquiétudes dans les médias. Il est convenu que les cartes de crédit sont très pratiques pour ceux ayant les moyens de s’acquitter du solde avant l’échéance du délai de grâce. Elles s’avèrent problématiques, par contre, pour ceux qui accumulent un solde de plus en plus élevé au-delà de ces échéances mensuelles. Les rapports de recherche publiés en 2015 par les banques canadiennes estimaient que la proportion de ménages qui ne repayaient pas leur solde avant l’échéance de la période de grâce variait de 18 % à 24 %, mais il ne s’agissait pas toujours des mêmes ménages.68

Le total des lignes de crédit a augmenté de 135,0 % de 1999 à 2012, soit de 17 à 40 milliards de dollars. Il mérite de souligner que les lignes de crédit exigent généralement des taux d’intérêt moins élevés que les cartes de crédit. Il s’agit donc du crédit à la

67 Shmuel, J., « Bank of Canada takes aim at home equity lines of credit, » Financial Post 18 avril 2012.

http://business.financialpost.com/2012/04/18/bank-of-canada-takes-aim-at-home-equity-lines-of-credit/

68 Bank of Montreal, « Household debt in Canada – the good, the bad, and the ugly, » BMO Wealth Institute,

consommation le moins dispendieux. Pour ces raisons, les planificateurs financiers recommandent aux ménages de transférer leurs soldes de cartes de crédit tant que possible dans des lignes de crédit bancaire.69

Le total des prêts étudiants a pour sa part augmenté de 51,5 %, c’est-à-dire de 20 à 31 milliards de dollars. Enfin, la catégorie des autres dettes n’a pas enregistré une différence significative au cours de la période. La documentation de l’ESF ne précise pas les types de dettes qui sont inclus dans cette catégorie, mais, par déduction, on pourrait croire qu’il s’agit entre autres des prêts personnels.

Une autre manière d’appréhender les changements dans la composition du total des passifs est d’observer le pourcentage de chaque type de dettes sur le total des passifs (tableau 4.1.1). L’examen de ces pourcentages montre que le poids de l’hypothèque principale a baissé de 66,2 % à 61,4 % de 1999 à 2012, tandis que le poids de l’hypothèque secondaire a augmenté de 11,2 % à 15,6 %. Cependant, c’est le prêt sur la valeur immobilière qui a connu la plus forte croissance de 1999 à 2012, son poids sur le total des passifs étant passé de 2,8 % à 8,1 %. En somme, la croissance supérieure de l’hypothèque secondaire et du crédit hypothécaire a eu pour effet de baisser (ou « diluer ») le pourcentage des autres types de passifs. En effet, hormis l’hypothèque secondaire et le crédit hypothécaire, les autres dettes ont toutes connu une baisse.

La contribution des types de passifs à la croissance du total des passifs de 1999 à 2012

Afin de résumer la contribution précise de chaque type de crédit sur la dette accrue du total des passifs, nous avons produit une version modifiée du tableau précédent. Le tableau 4.1.2 calcule la différence en milliards de dollars de chaque type de crédit. Ce faisant, il est possible de constater que le total des passifs a augmenté de 852 milliards de dollars (dès lors la dette accrue) de 1999 à 2012. Ce montant comprend notamment 494 milliards de dollars en dette hypothécaire principale, 160 milliards de dollars en dette hypothécaire secondaire, 101 milliards de dollars en prêt sur la valeur immobilière et ainsi de suite. En divisant les différences de chaque catégorie de crédit de 1999 à 2012 par le total de la dette

accrue (852 milliards de dollars), il est possible de déterminer la contribution (en %) de chaque type de crédit sur la croissance totale des passifs (voir la dernière colonne). Cet examen révèle que 88,6 % du total de la dette accrue est attribuable aux hypothèques et aux prêts sur la valeur immobilière. Précisément, l’hypothèque principale représente 58,0 % de la dette accrue, tandis que l’hypothèque secondaire en représente 18,8 % et le prêt sur la valeur immobilière 11,8 %. Le complément de 11,4 % qui n’est pas attribuable aux hypothèques et aux prêts sur la valeur immobilière se partage entre les prêts automobiles (5,2 %), les lignes de crédit (2,7 %), les cartes de crédit (2,3 %) et les prêts étudiants (1,2 %).

Tableau 4.1.2 La contribution de la croissance du total des passifs en pourcentage selon la classification des actifs en milliards de dollars constants de 2015

1999 2005 2012 diff 2012-1999 % de la diff

Hypothèque principale 403 574 897 494** 58,0

Hypothèque secondaire 68 102 228 160** 18,8

Prêt sur la valeur immobilière 17 48 118 101** 11,8

Prêts automobiles 39 54 83 44** 5,2 Lignes de crédit 17 32 40 23* 2,7 Cartes de crédit 19 30 39 19* 2,3 Prêts étudiants 20 24 31 11* 1,2 Autres 25 33 25 0 0,1 Total 608 897 1460 852** 100 n 15 900 5 300 12 000

Source : Enquête sur la sécurité financière, cycles 1999, 2005, 2012 Statistique Canada, calculs de l'auteur. * p < 0,05; ** p < 0,01

Cet examen permet d’affirmer que l’augmentation du total des passifs de 852 milliards de dollars qui a eu lieu de 1999 à 2012 est largement composée de dettes garanties soit par la valeur physique d’un bien (logements, véhicules) soit par l’engagement de l’État (le prêt étudiant). Pour 2012, lorsqu’on calcule la part du total des dettes garanties (hypothèques, prêt sur la valeur immobilière, prêt automobile, prêt étudiant), on conclut que 94,9 % de l’augmentation de 852 milliards de dollars est composée de dettes garanties (tableau 4.1.3). Ainsi, le crédit non garanti représente seulement 5,1 % du 852 milliards de dollars de la dette accrue de 1999 à 2012, c’est-à-dire, 2,3 % pour les cartes de crédit, 2,7 % pour les lignes de crédit et 0,1 % pour la catégorie des autres dettes. Le fait que la dette accrue de 1999 à 2012 soit largement composée de dettes garanties suggère que l’endettement des

ménages canadiens n’a pas mené à la détérioration généralisée de leur patrimoine, car une dette garantie est par définition liée à un actif. Il est vrai qu’un prêt étudiant n’est pas lié à un actif en tant que tel, mais la scolarité à laquelle il donne accès offre un potentiel de revenu plus élevé. Lorsqu’on analyse les dettes garanties sur le total des passifs au lieu de la dette accrue entre 1999 à 2012, on observe que le pourcentage des dettes garanties a en fait augmenté de 89,9 % à 92,9 % (tableau 4.1.3). Cela s’explique par le fait que le pourcentage de dettes garanties de la dette accrue de 852 milliards de dollars de 1999 à 2012 (94,9 %) était plus élevé que le pourcentage de la dette garantie du total des passifs en 1999 (89,9 %).

Tableau 4.1.3 Les dettes garanties et non-garanties du total des passifs de 1999 à 2012 en milliards de dollars constants de 2015

1999 2005 2012 1999-2012

Dettes garanties

Hypothèque principale 403 574 897 +494**

Hypothèque secondaire 68 102 228 +160**

Prêt sur la valeur immobilière 17 48 118 +101**

Prêts automobiles 39 54 83 +44**

Prêts étudiants 20 24 31 +11*

Sous-total des dettes garanties 547 801 1 356 +809*

% des dettes garanties sur le total 89,9 89,3 92,9 +3,0*

Dettes non garanties

Lignes de crédit 17 32 40 +23*

Cartes de crédit 19 30 39 +19*

Autres 25 33 25 0

Sous-total des dettes non garanties 61 96 105 +43*

% des dettes non garanties sur le total 10,1 10,7 7,1 -3,0*

Total des passifs 608 897 1 460

n 15 900 5 300 12 000

Source : Enquête sur la sécurité financière, cycles 1999, 2005, 2012 Statistique Canada, calculs de l'auteur. * p < 0,05; ** p < 0,01

La répartition du total des passifs selon les classes socioéconomiques de 1999 à 2012

La prochaine étape consiste à analyser la répartition du total des passifs selon les classes socioéconomiques. Le tableau 4.1.4 indique la part du total des passifs détenue par les classes socioéconomiques de 1999 à 2012. Il en ressort que le total des passifs est réparti d’une manière fortement inégalitaire selon les classes socioéconomiques et que le degré d’inégalité dans la répartition a augmenté de 1999 à 2012. D’emblée, puisque les classes plus riches en revenus ont des capacités financières plus élevées, il n’est pas surprenant qu’elles assument une plus grande part du total des passifs (Marron 2009). Il aurait été improbable, par exemple, que la classe populaire inférieure détienne 50 % du total des passifs, ce qui équivaudrait à 304 milliards de dollars en 1999 et à 730 milliards de dollars en 2012. L’examen du tableau 4.1.4 montre clairement que les classes les plus riches détiennent toutes un pourcentage plus élevé du total des passifs que les classes les plus pauvres. À titre d’illustration, en 2012, la classe populaire inférieure détenait 7,0 % du total de la dette tandis que la classe aisée en détenait 55,0 %. La seule exception à cette règle est la partie supérieure de la classe populaire qui détient moins de dettes (4,4 %) que la partie inférieure (7,0 %), mais cela s’explique par le fait que, comme nous l’avons vu au chapitre 3 (section 3), les ménages y sont trois fois moins nombreux. Puisque par définition les trois premières classes représentent exactement 50 % des ménages canadiens, en 2012, la première moitié des ménages canadiens les moins riches en revenus détenait 21,1 % du total des passifs, tandis que la deuxième moitié en détenait 78,9 %. Dans cette deuxième moitié, la classe moyenne supérieure détenait une plus petite part du total des passifs (23,9 %) que la classe aisée (55,0 %). La vaste majorité de la dette est donc détenue par les ménages qui ont les revenus les plus élevés, c’est-à-dire ceux qui peuvent, en théorie, assumer plus de dettes.

Tableau 4.1.4 Le total des passifs détenu par les ménages canadiens selon les classes socioéconomiques de 1999 à 2012 (en pourcentage)

Classe... 1999 2005 2012 1999-2012 ... populaire inférieure 7,7 7,4 7,0 -0,7* ... populaire supérieure 3,4 4,0 4,4 1,0* ... moyenne inférieure 9,6 9,7 9,7 0,1 ... moyenne supérieure 25,5 21,2 23,9 -1,6* ... aisée 53,8 57,7 55,0 1,2* Total en % 100 100 100 Total en milliards 608 897 1 460 n 12 003 5 200 15 000

Source : Enquête sur la sécurité financière, cycles 1999, 2005, 2012, Statistique Canada, calculs de l'auteur. Les différences sont calculées en points de pourcentage.

* p < 0,05; ** p < 0,01

Non seulement que la répartition du total des passifs est fortement inégalitaire, mais nos analyses diachroniques révèlent que cette répartition inégalitaire s’est accentuée légèrement au cours de la période étudiée. L’examen du tableau 4.1.4 indique qu’il y a eu quatre différences significatives de 1999 à 2012. Les différences apparaissent relativement mineures lorsqu’elles sont représentées en pourcentages, comme c’est le cas ici, mais elles représentent des changements de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Le pourcentage du total des passifs détenu par la classe populaire inférieure est passé de 7,7 % à 7,0 % de 1999 à 2012. À l’autre extrême, la part de la classe aisée a augmenté de 53,8 % à 55,0 % de 1999 à 2012. Mais le pourcentage accru de la classe aisée n’est pas seulement dû à la baisse du pourcentage de la classe populaire inférieure, mais aussi à la baisse du pourcentage de la classe moyenne supérieure qui est passé de 25,5 % à 23,9 %. La seule classe qui déroge ici au constat de l’accentuation de la répartition inégalitaire est la classe populaire supérieure, dont le pourcentage du total des passifs a augmenté de 3,4 % à 4,4 %. Les analyses dans la section 4.2 montrent que cette croissance est attribuable au fait qu’une proportion accrue de ménages dans cette classe a accédé à la propriété.

Le recours au crédit selon les classes socioéconomiques de 1999 à 2012

Le tableau 4.1.4 a permis de constater la répartition fortement inégale du total des passifs selon les classes socioéconomiques. Il faut cependant tenir compte, à ce stade-ci, que ce n’est pas l’ensemble des ménages canadiens qui détiennent des dettes. Par conséquent, la proportion de ménages endettés varie selon les classes socioéconomiques (tableau 4.1.5). Notons que pour cet exercice, nous définissons un ménage endetté comme étant celui qui détient au moins 1 $ de dette. Cet examen révèle le même constat que nous avons fait dans le tableau précédent : les classes les plus riches en revenus comprennent toujours une proportion supérieure de ménages endettés que les classes les moins riches et cela, sans exception. La proportion des ménages endettés est donc aussi répartie de manière inégalitaire selon les classes socioéconomiques. À titre d’illustration, en 2012, seulement 52,8 % de la classe populaire inférieure détenait une dette, comparativement à 83,6 % de la classe aisée. Les trois classes intermédiaires détenaient respectivement 65,3 %, 71,8 % et 79,8 % de ménages endettés. Ce résultat n’exclut pas la possibilité que la classe populaire inférieure ait une plus grande proportion de ménages surendettés, mais nos analyses ne nous permettent pas de le déterminer à ce stade-ci. Tel que discuté dans le chapitre 1, mesurer le surendettement pose de nombreuses difficultés. C’est ainsi qu’il nous importe de déterminer les effets de l’endettement sur le patrimoine des ménages.

Les analyses diachroniques révèlent que l’ensemble des différences observées de 1999 à 2012 est significatif. La proportion globale des ménages endettés a augmenté de 67,3 % à 71,1 % de 1999 à 2012, ce qui représente une hausse de 3,8 points de pourcentage. Cela signifie qu’en tout moment, entre un tiers et un quart des ménages canadiens ne détiennent aucune dette. Cette hausse de la proportion des ménages endettés s’observe dans l’ensemble des classes, mais est plus forte au sein de la classe populaire supérieure (+7,9 points de pourcentage) et la classe moyenne inférieure (+7,7 points de pourcentage). La classe populaire inférieure et la classe moyenne supérieure ont connu une hausse modérée (+3,6 points et +3,6 points), tandis que la classe aisée a connu une légère hausse (+1,6 point). Soulignons que la proportion des ménages endettés ne renseigne en rien sur l’ampleur des dettes médianes détenues par les classes et sur les types de dettes contractées.

Tableau 4.1.5 La proportion des ménages canadiens endettés selon les classes socioéconomiques de 1999 à 2012. Classe… 1999 2005 2012 Diff 1999-2012 … populaire inférieure 49,2 48,9 52,8 3,6* … populaire supérieure 57,4 60,5 65,3 7,9** … moyenne inférieure 64,1 71,9 71,8 7,7** … moyenne supérieure 76,2 76,4 79,8 3,6* … aisée 82,0 84,3 83,6 1,6* Total 67,3 69,4 71,1 3,8* n 12 003 5 200 15 000

Source : Enquête sur la sécurité financière, cycles 1999, 2005, 2012, Statistique Canada, calcul de l'auteur. Les différences sont calculées en points de pourcentage.

Note : les ménages ayant au moins un dollar de dette ici ont été définis comme étant endettés. * p < 0,05; ** p < 0,01

Sommaire

Les analyses de cette section donnent lieu à quelques constats. D’une part, la croissance du total des passifs de 140,0 % de 1999 à 2012 a été soutenue principalement par les hypothèques (principales et secondaires) et les prêts sur la valeur immobilière (tableau 4.1.1). À eux seuls, ces trois types de dettes représentent 88,6 % de la croissance du total