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Composition lipidique des membranes de Plasmodium falciparum

Données bibliographiques

D. Composition lipidique des membranes de Plasmodium falciparum

La composition lipidique de Plasmodium falciparum, ainsi que son métabolisme et sa dynamique, ne peuvent être envisagés indépendamment de la relation parasitaire, et en particulier du statut lipidique de la cellule hôte. Il est par ailleurs très difficile de fractionner les compartiments membranaires du parasite, justifiant les connaissances assez fragmentaires relatives à sa composition fine des lipides chez P. falciparum. Des études anciennes ont défini la composition lipidique (en particulier en acides gras et phospholipides) des membrane du globule rouge humain sain (Dodge

and Phillips, 1967). Dans le globule rouge non infecté, les phospholipides et le cholestérol sont les

lipides majoritaires. Parmi ces phospholipides, les plus représentés sont la phosphatidylcholine (PC, 30 à 35% des phospholipides environ), la phosphatidyléthanolamine (PE, 25 à 30%), la sphingomyéline (SM, 25 à 30%) et la phosphatidylsérine (PS, 10 à 15%). Les autres espèces de phospholipides (phosphatidylinositol PI, acide phosphatidique AP, cardiolipide ou diphosphatidylglycérol DPG et lysophosphatidylcholine LPC) représentent chacune moins de 2% des phospholipides totaux (Tableau 3).

La composition lipidique de la membrane plasmique érythrocytaire révèle par ailleurs une asymétrie de répartition entre les feuillets interne et externe de la bicouche phospholipidique constituant la membrane plasmique du globule rouge (Op den Kamp, 1979). Ainsi, le feuillet cytoplasmique de la bicouche apparaît préférentiellement enrichi en PE, PS et PI, tandis que le feuillet exoplasmique apparaît, lui, préférentiellement enrichi en PC, SM, cholestérol et glycolipides .

Comme nous l’avons vu précédemment, l’invasion du globule rouge par le parasite Plasmodium falciparum et le développement de ce dernier s’accompagnent de nombreux remaniements membranaires de la cellule hôte et du parasite.

L’analyse du contenu phospholipidique de la seule membrane plasmique érythrocytaire montre une distribution inchangée avant et après infection. Cependant, un remaniement de la distribution des lipides a lieu d’un feuillet à l’autre, comme le révèle la différence de composition phospholipidique différentes entre les deux feuillets (Schwartz et al., 1987; Moll et al., 1988). Le feuillet exoplasmique contient une quantité augmentée de PE et de PS mais une quantité diminuée de PC au cours des stades matures de développement (trophozoïte, schizonte). Ces remaniements sont indépendants de la présence ou de l’absence de protubérances.

La composition lipidique des membranes du parasite Plasmodium et du globule rouge infecté par rapport au globule rouge non infecté a été étudiée chez divers espèces parasitaires : Plasmodium knowlesi (Beaumelle and Vial, 1986), Plasmodium chabaudi (Simoes et al., 1993) et Plasmodium falciparum (Hsiao et al., 1991), depuis la mise au point du maintien de cultures in vitro. La composition des membranes générées par le parasite est enrichie en PC et PE, et appauvrie en cholestérol, PS et SM en comparaison de la composition des membranes de la cellule hôte (Vial et al., 2003). Une

augmentation de la quantité de phospholipides (pouvant atteindre un facteur 6) par rapport à la quantité initiale a lieu au cours du cycle érythrocytaire du parasite (Beaumelle and Vial, 1986).

Composition en phospholipides (en % des phospholipides totaux)

PC PE SM PS PI PA DPG LPC

Globules rouges non infectés 31,7±2,1 27,1±2,3 28,0±1,2 11,7±0,4 0,8±0,4 1,4±0,5 0,0 0,8±0,4 MP de globules rouges infectés 38,7±3,2 25,0±3,3 14,6±2,6 9,2±3,1 2,1±0,9 1,6±0,7 0,0 1,5±0,9 Parasites P. falciparum libres 56,7±2,0 26,8±2,1 5,7±1,4 4,0±1,0 2,7±0,6 <0,1 5,5±0,5 <0,1 Tableau 3: Compositions phospholipidiques comparées de membranes plasmiques de globules rouges non infectés, de membranes de globules rouges parasités par P. falciparum et de parasites libres (Hsiao

et al., 1991). PC, phosphatidylcholine ; PE, phosphatidyléthanolamine ; SM, sphingomyéline ; PS, phosphatidylsérine ; PI, phosphatidylinositol ; PA, acide phosphatidique ; DPG, diphosphatidylglycérol ou cardiolipide ; LPC, lysophosphatidylcholine.

L’analyse du contenu lipidique des membranes de parasites libres (Tableau 3) identifie la PC (plus de 50% des phospholipides totaux) et la PE (entre 25 et 30% des phospholipides totaux) comme les composants phospholipidiques majoritaires. Les membranes parasitaires sont donc des membranes eucaryotes inhabituelles dans le sens où elles ne renferment que peu de SM et de PS et peu ou pas de cholestérol.

Outre l’augmentation spectaculaire de la teneur des globules rouges infectés en phospholipides, une augmentation notable des DAG (diacylglycérols), TAG (triacylglycérols) et des lipides neutres en général est observée.

Chez le globule rouge sain, la plupart des acides gras et des lipides neutres sont à la limite de détection par les méthodes conventionnelles (Dodge and Phillips, 1967). Mais dès l’invasion par Plasmodium falciparum, l'accroissement de lipides neutres totaux (qui incluent les acides gras, DAG et le TAG) est significatif (Vial and Ben Mamoun, 2005), vraisemblablement du fait de synthèses de novo.

Les lipides indispensables à la croissance rapide du parasite intracellulaire, ont deux sources possibles : soit ils sont importés depuis la cellule hôte (le globule rouge), soit ils dérivent d’intermédiaires de synthèse importés ou ils sont synthétisés de novo.

II. Synthèse et dynamique des acyl-lipides chez Plasmodium falciparum

Les lipides ont été définis comme étant les corps gras qui composent le Vivant. Leur propriété physico-chimique d’hydrophobicité peut être portée par une grande diversité structurale. Cette diversité s'étend de molécules compactes polycycliques telles que les stérols, aux longues chaînes de carbones telles que les dérivés des acides gras ou des isoprénoïdes.

Les lipides sont dits polaires lorsqu’ils sont amphiphiles, c'est-à-dire lorsqu’ils possèdent une partie hydrophile (souvent appelée « tête » hydrophile) et une partie hydrophobe (souvent appelée « queue » hydrophobe). Les lipides polaires sont les composants essentiels qui structurent les

membranes biologiques, sous forme d’une bicouche très dynamique dans laquelle s’insèrent des protéines selon le modèle de la mosaïque fluide (Singer and Nicolson, 1972). Les lipides n’ont pas uniquement un rôle structural pour la compartimentation cellulaire. Ils possèdent également d’autres fonctions vitales : ils sont précurseurs métaboliques, servent pour le stockage de l’énergie et représentent d’importantes molécules de signalisation (Dowhan and Bogdanov, 2002; Eyster, 2007).

Au delà de la diversité structurale (et métabolique) qui les caractérise, les glycérolipides et les sphingolipides sont avec les stérols les composant majeurs structurant les membranes. Glycéro- et sphingolipides sont avec les thioesters simples acyl~S-ACP et acyl~S-CoA collectivement qualifiés d’acyl-lipides, car ils comportent des groupements dérivés des acides gras. Les acyl-lipides sont plus particulièrement traités dans ce chapitre. La plupart des acyl-lipides membranaires sont constitués d’acyls liés (i) via une liaison ester ou éther, à un trialcool, le glycérol (formation de glycérolipides); (ii) via une liaison amide à des bases sphingoïdes (céramides, sphingolipides et gangliosides) ou plus rarement à des amines.