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CARACTERISATION DES MATERIAUX

3. CRISTALLOCHIMIE DES PHASES

3.2. Sulfures et autres phases métalliques

3.2.3. Autres composés intermétalliques

3.2.3.3. Composés intermétalliques de Cu

S n 4

Figure III-23 Diagramme du système binaire Ni-Sn (d’après Smithells, 1976).

3.2.3.3. Composés intermétalliques de Cu

Une seule phase intermétallique de Cu a été observée et analysée au MEB et à la microsonde électronique. Il s’agit d’un composé de formule chimique Cu2Sb (tableau 19, figure III-24). Le résultat analytique correspond à la formule (Cu1,88Sn0,22)1,90(Sb0,93As0,07)1,00. Les

substitutions As⇔Sb et Sn⇔Cu jouent également un rôle dans ce composé (la teneur en As dépasse 2 % at. et la teneur en Sn atteint 1 % at. environ). La structure de Cu2Sb est quadratique de type C38 (Hansen & Anderko, 1958). Les composés du système binaire Sn-As (SnAs, Sn3As2) ne sont certainement pas à l’origine des faibles teneurs en As et en Sn dans le composé Cu2Sb, car ils possèdent une structure cubique. En contrepartie, les composés intermétalliques Fe2As, Ni2As ont une structure de même type (C38). Le composé Ni3Sn2 dans sa modification de haute température (> 900°C) et l’étain métallique sont également quadratiques (Smithells, 1962, Hansen & Anderko, 1958). Les teneurs en Fe et en Ni dans ce composé intermétallique ne sont pas suffisamment élevées pour être intégrées dans la formule chimique. Cependant, ils proviennent très probablement des composés binaires de As (Fe2As, Ni2As), isostructuraux avec Cu2Sb.

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 400 500 600 700 800 900 1000 10 20 30 40 50 60 70 80 90 liquide+α 645° 450° 682° α α+β α+β’ β β’ 425° β+liq γ+liq β +γ’ β+γ 525° γ+δ 630° δ δ+liq Sb % de poids Sb % atomique Tem p é ra ture ° C C u 3 S b C u 2 S b

Cu Sb

Selon Pascal (1933) le composé Cu2Sb se forme par une réaction péritectique à 585 °C et contient environ 48 % de Sb, teneur proche de celle mesurée dans ce composé provenant des mattes de Příbram. Des travaux plus récents précisent les conditions de formation de Cu2Sb: température 580-586°C, teneur en Sb (44-46 % at. ≈ 60-62 %) (Hansen & Anderko, 1958). 3.2.4. Métaux natifs

3.2.4.1. Plomb (Pb)

Le plomb natif est une phase assez abondante des mattes sulfurées ou des gouttelettes métalliques complexes de grande taille (jusqu’à 300 µm). Dans les mattes, le plomb est très souvent associé à de fines baguettes de Sb natif. Pour cette raison, les analyses ponctuelles sont souvent contaminées par le voisinage de ces phases riches en Sb et montrent des teneurs significatives en Sb dans le plomb natif (environ 3-4 % at.). Selon Hansen & Anderko (1958), la solubilité de Sb dans Pb peut atteindre 5,8 % at. à la température de l’eutectique (247°C). Au total, 15 analyses ponctuelles du plomb natif ont été effectuées à la microsonde électronique (les analyses sélectionnées sont données dans le tableau III-19). Les analyses du plomb natif des scories de Bohutín (XIIIe siècle) montrent des teneurs importantes en Sb et Ni (4,33, respectivement 2,31 % at.) (échantillon B2, tableau III-19). La structure du plomb métal est cubique de type A1. Smithells (1962) considère que le composé Ni3Sb a également une structure cubique. En revanche, d’autres auteurs proposent une structure hexagonale pour cette phase (Hansen & Anderko, 1958). Ni métallique est isostructural avec Pb (Hansen & Anderko, 1958) et c’est très probablement celui-ci qui est responsable des teneurs élevées en Ni. Par ailleurs, le plomb natif des scories médiévales révèle des teneurs élevées en Ag (plus de 12 % at.) (tableau III-19). Ce fait résulte probablement d’une technologie de traitement des minerais (galènes argentifères). Lors du traitement dans le bas fourneau, l’argent n’est pas entièrement séparé du minerai et il reste piégé dans le plomb natif (effet de basse température ?). Dans le système binaire Ag-Pb, la solubilité de Sb dans Pb est restreinte (0,19 % at. à 300-304°C) (Hansen & Anderko, 1958). Le diagramme du système Ag-Pb est donnée dans le chapitre Technologie du traitement (figure II-11). Il est donc très probable que le plomb natif contient des démixtions d’argent natif de taille micrométrique difficilement visibles au microscope électronique à balayage.

3.2.4.2. Antimoine (Sb)

L’antimoine natif est le plus souvent associé au plomb natif. Les analyses ponctuelles à la microsonde électronique (5 points) mettent en évidence la présence d’autres éléments comme

As (6 % at.) et Sn (3 % at.)(tableau III-19). L’arsenic natif est isostructural avec l’antimoine (structure rhomboédrique de type A7) ce qui explique les teneurs significatives en As (Hansen & Anderko, 1958). La concentration en Sn dans l’antimoine résulte d’une solution solide ; la solubilité de Sn dans Sb peut atteindre 10 % at. de Sn (Hansen & Anderko, 1958). Parfois, les fines aiguilles d’antimoine natif sont difficilement analysables. Les teneurs significatives en Pb (environ 2 % at.) peuvent résulter i) d’une contamination par le plomb intimement associé à l’antimoine ou ii) d’une solubilité de Pb dans Sb qui se situe entre 3 et 5,5 % at. de Pb (Hansen & Anderko, 1958).

3.2.4.3. Cuivre (Cu)

Le cuivre natif est une phase peu abondante, présente exclusivement sous forme de plages micrométriques, le plus souvent situées dans des fissures. Ces plages sont donc difficiles à analyser, ayant un diamètre proche de celui du faisceau électronique de la microsonde. Au total 4 analyses ponctuelles ont été effectuées (analyse sélectionnée dans le tableau III-19). Les teneurs en Si (jusqu’à 1 %) sont certainement due à une contamination par les phases minérales-hôtes.

3.2.5. Discussion

Les sulfures et les autres phases métalliques sont les principaux porteurs des métaux dans les mattes, ainsi que dans les vitrifiats (scories, laitiers). Leur présence dans les déchets métallurgiques a été mise en évidence par plusieurs auteurs (Kucha et al., 1996, Chaudhuri & Newesely, 1993, Lastra et al., 1998, Pauliš et al., 1998, Gee et al., 1997, Mahé-Le Carlier, 1997, Gasser et al., 1996, Wearing, 1982). D’autres matériaux vitrifiés (comme mâchefers ou REFIOM) peuvent également contenir des métaux natifs, des phases métalliques ou des sulfures (Clozel-Leloup et al., 1999, Traber et al., 1998, Le Forestier, 1996).

La wurtzite est un sulfure de zinc de haute température de structure hexagonale. Scott & Barnes (1972) ont examiné la stabilité des phases du système sphalérite-wurtzite en fonction de la fugacité de soufre. Ils ont démontré que la wurtzite se forme à plus faible fugacité en soufre que la sphalérite et que l’effet de la présence d’autres éléments dans sa structure sur sa stabilité est largement inconnu. Par contre, leurs expériences montrent que la sphalérite et la wurtzite peuvent largement coexister en-dessous de 1020°C. La température de 1020°C est donnée par Deer et al. (1992) comme une température de transformation sphalérite →

système. Les mêmes auteurs confirment que, malgré sa métastabilité, la wurtzite peut exister en-dessous de la température de conversion. C’est très probablement le cas des laitiers et des mattes, rapidement refroidis par la trempe et gardant la modification hexagonale de ZnS de haute température.

Le fer est un élément principal substituant le zinc dans la structure de ZnS. Craig & Scott (1974) montrent que le système binaire Zn-S est proche du au système Fe-S. Le système ternaire Zn-Fe-S fait ainsi l’objet de nombreuses études. Selon Deer et al. (1992), la teneur maximale en Fe dans (Zn,Fe)S peut atteindre 26 %, ce qui correspond à 45 % mol. de FeS. Les travaux concernant le système FeS-ZnS-S à 1 atm (Scott & Barnes, 1971) montrent que pour une association sphalérite + pyrrhotite entre 300-600°C environ, la structure ZnS contient au minimum 25 % mol. de FeS. Par contre, à haute température (750°C) cette association peut déjà exister à partir de 13 % mol. de FeS environ dans ZnS (Scott & Barnes, 1971). Les autres études expérimentales montrent que les teneurs en Fe autour de 40 mol % sont assez fréquentes à 900°C et à 1 atm (Deer et al., 1992). Chaudhuri & Newesely (1993) supposent que les teneurs en fer dans les sulfures de zinc des scories métallurgiques résultent du remplacement isomorphe de FeS dans la structure de ZnS autour de la température de transformation sphalérite → wurtzite (1020±5°C).

Comme nous avons pu l’observer dans nos échantillons, Chaudhuri & Newesely (1993) ont montré que, dans les scories de Harz, les sulfures de Zn sont assez fréquemment associés aux sulfures de Fe et forment fréquemment des textures myrmékitiques. En comparaison avec notre wurtzite, les phases à composition (Zn,Fe)S des scories de Harz sont plus riches en Fe (jusqu’à 31,45 %). Par rapport aux teneurs maximales en Fe dans la structure de (Zn,Fe)S (par exemple Deer et al., 1992) le résultat analytique de Chaudhuri & Newesely (1993) est certainement erroné, très probablement dû à l’analyse de deux phases (wurtzite/sphalérite + pyrrhotite). Barton & Toulmin (1966) ont démontré qu’une augmentation de pourcentage molaire de FeS dans la sphalérite augmente significativement le paramètre de la maille cristalline. En dépit de l’absence de données pour le système pyrrhotite-wurtzite, le même effet pourrait être envisagé sur la maille élémentaire de la wurtzite. Par rapport aux standards JCPDS, le calcul des paramètres de la maille cristalline d’une wurtzite de Příbram a mis en évidence une augmentation du paramètre a0 et une légère diminution du paramètre c0 (tableau III-18). Les faibles concentrations en Cu détectées, en particulier pour les wurtzites de Bohutín (tableau III-17), sont en accord avec les observations de Kucha et al. (1996).

Il est très probable que, pendant le refroidissement rapide des mattes et des vitrifiats étudiés, le fer et/ou les autres éléments ainsi que les phases associées puissent influencer la stabilité de la wurtzite et sa température de formation.

Dans le système binaire Fe-S, la pyrrhotite est une phase qui se forme à haute température. Sa température de fusion maximale est de 1190°C (Craig & Scott, 1974). Elle est hexagonale, de structure de type B8 (NiAs). Les études expérimentales (par exemple Arnold, 1971) mettent en évidence une difficulté de trempe de la pyrrhotite de haute température, stable de 1190°C à 308°C. En-dessous de cette température, elle se transforme systématiquement en formes de basse température (Craig & Scott, 1974). Cependant, la structure de la pyrrhotite des mattes de Příbram n’a pas été déterminée par la diffraction aux rayons X.

Les pyrrhotites des mattes étudiées sont déficitaires en Fe par rapport à la formule stœchiométrique (Deer et al., 1992). Dans le système Fe-Zn-S il existe une substitution possible Fe → Zn dans ZnS. Par contre, la substitution de Zn dans FeS est très faible ou nulle (Deer et al., 1992). Les analyses des pyrrhotites des scories de Harz (Chaudhuri & Newesely, 1993) révèlent jusqu’à 31,60 % de Zn. Selon toute vraisemblance, dans ce travail de Chaudhuri & Newesely (1993), il s’agit d’une erreur analytique comparable à celle de la wurtzite mentionnée plus haut.

De faibles quantités d’autres métaux (par exemple Cu) peuvent entrer dans la structure de la pyrrhotite (Deer et al., 1992), ce qui est le cas des pyrrhotites des mattes de Příbram (tableau III-18) et qui a également été observé par Kucha et al. (1996).

La galène est la phase porteuse principale du plomb dans les vitrifiats et dans les mattes. Gee et al. (1997) ont étudié les scories romaines et médiévales provenant des sites historiques de production de Pb en Grande Bretagne. Comme nous l’avons observé dans nos échantillons, ces auteurs confirment que la plupart des gouttelettes métalliques riches en Pb sont constituées de galène. Selon Deer et al. (1992), la galène peut contenir de faibles concentrations d’autres éléments. La faible teneur en Cu, notée pour les galènes étudiées, résulte très probablement d’une entrée de cet élément dans la structure cubique de la galène. En effet, la galène et le cuivre natif sont isostructuraux, possédant une structure de type A1 (groupe spatial Fm3m) (Hansen & Anderko, 1958, JCPDS file 05-0592). Dans certaines galènes de Příbram, de faibles concentrations en Sn sont également détectées ; Cependant l’étain natif n’est pas isostructural avec la galène et la teneur en Sn provient vraisemblablement d’une contamination par les phases associées.

La présence de la galène dans les vitrifiats et des mattes a été évoquée par les nombreux auteurs. Chaudhuri & Newesely (1993) ont observé la galène associée à la sphalérite/wurtzite dans les scories de Harz. La galène des scories belges (Kucha et al., 1996), comme celle de nos échantillons, forme des intercroissances avec la bornite et d’autres sulfures. Ces auteurs rapportent de faibles teneurs en Cu, Fe et Sb dans la galène.

Les sulfures de cuivre (bornite et digénite) sont les porteurs principaux de cuivre dans les matériaux étudiés. Les analyses à la microsonde électronique montrent que ces deux sulfures de Cu sont intimement associés formant une solution solide, en particulier à haute température (>600°C°) (Cabri, 1973, Craig & Scott, 1974). La solution solide est complète à partir de 335°C environ. Le point de fusion de ces espèces est de 1129°C pour la digénite (exprimée comme ~ (Cu,Fe)9S5) et de 1100°C environ pour la bornite. Par ailleurs, les formes de haute température possèdent la même structure cubique appartenant au groupe spatial Fm3m (Craig & Scott, 1974). La trempe de la solution solide bornite-digénite formée à haute température permet probablement le développement de formes métastables à structure cubique avec le paramètre de maille variant selon la composition (Morimoto & Kullerud, 1966).

Les sulfures de cuivre sont des phases fréquemment observées dans les déchets métallurgiques provenant en particulier du traitement des minerais polymétalliques. La présence de la bornite a été notée par Chaudhuri & Newesely (1998) dans les scories métallurgiques de Harz et par Kucha et al. (1996) dans les laitiers belges. L’excès de fer par rapport à la formule stœchiométrique observé dans les bornites de nos échantillons (tableau III-17) a été également mis en évidence dans les bornites des laitiers belges (Kucha et al., 1996). Ceci est très probablement dû à la solution solide entre la digénite ((Cu,Fe)9S5) et la bornite (Cu5FeS4) à haute température (Craig & Scott, 1974). Kucha et al. (1996) suggèrent une présence possible de covellite en démixtion dans la bornite. A noter que la stabilité de la covellite est beaucoup plus faible (température de fusion 507°C) que celle de la bornite de haute température. Par ailleurs, leur structures sont différentes, et par conséquent ces phases ne peuvent former une de solution solide (Craig & Scott, 1974).

Les structures et les compositions chimiques des composés intermétalliques ont été partiellement discutées au cours de la présentation des résultats. Selon toute vraisemblance, ces composés représentent les porteurs principaux de Sb, Sn et As. Outre ces éléments, le cuivre et le fer sont également présents. Certaines de ces phases intermétalliques (NiSb, Ni3Sn2) dont la composition demeure stable, pourraient servir de thermomètres. Ainsi, on peut

estimer que la matte contenant la phase Ni3Sn2 a commencé à cristalliser à haute température -à 1280°C environ (voir figure III-23). La matte contenant le composé NiSb se formerait -à partir de 1160°C environ (figure III-22).

Les températures de cristallisation élevées de certaines phases intermétalliques, ainsi que la présence de la wurtzite (forme de haute température de ZnS) montrent que les mattes et les gouttelettes métalliques complexes ont commencé à cristalliser dès le début du refroidissement, c’est-à-dire immédiatement après la coulée. La connaissance de la composition chimique des phases et une interprétation des textures des assemblages métalliques, ne permettent qu’une reconstitution très approximative des séquences de cristallisation dans un système aussi complexe. Dans les assemblages métalliques contenant plus de deux phases, on rencontre des problèmes de liquides non miscibles, de complexité chimique du système, de formation des composés intermétalliques et très probablement de différences en fugacité en soufre et en oxygène.

Il est vraisemblable que certains composés intermétalliques (Ni3Sn2, NiSb ou Fe2As) se forment au début de la cristallisation. Par conséquent, la séquence de cristallisation des phases plus tardives (wurtzite, pyrrhotite) est plus difficile à déterminer. Les myrmékites fréquentes se forment probablement en fin de séquence de cristallisation. Les zones particulièrement riches en arsenic (sous forme de löllingite ou de Fe2As) peuvent être considérées comme les « speiss » contenant également du nickel, de l’antimoine, de l’étain ou du plomb (Gilchrist, 1989).

Parfois, comme la production des mattes est effectuée sous les fugacités en soufre et en oxygène contrôlées, les mattes complexes peuvent contenir des oxydes (magnétite - Fe3O4, voir planche photos 7d) qui piègent la quasi totalité de l’oxygène présent dans les mattes (Gilchrist, 1989).