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verre altéré

1.3. Altération des mattes

Les mattes composées de sulfures et de phases métalliques sont considérées comme des matériaux plus réactifs que les laitiers silicatés. Ceci est confirmé par la présence des phases secondaires développées sur les mattes entreposées sur les aires de stockage des haldes. A l’échelle microscopique, les deux phénomènes suivants ont été observés au sein des mattes :

• dissolution de la matte sulfurée riche en Fe (contenant en particulier la pyrrhotite et la wurtzite ferrifère), puis la formation des phases secondaires proches d’oxy-hydroxydes de

fer (composition confirmée par l’analyse EDS ; échantillon 20c – planche photos 7-f ; échantillon 72c – planche photos 9-c,d) ;

• formation de carbonates (PbCO3) sur les gouttelettes de plomb natif, observée dans les mattes riches en Pb, entreposées à l’air libre au laboratoire.

Dans l’échantillon 20c (planche photos 7f), les oxy-hydroxydes de fer se développent sous forme d’une couche superficielle, résultant apparemment de la dissolution des phases primaires de la matte (pyrrhotite Fe1-xS et wurtzite ferrifère (Zn,Fe)S). La matrice de l’échantillon 72c est principalement composée de pyrrhotite et d’une wurtzite ferrifère. La fissuration est développée et les cavités sont très fréquentes au sein de cet échantillon. On y observe des oxy-hydroxydes de fer remplissant des fissures et formant des textures rubanées dans les cavités (planche photo 9-c). Localement, des cristaux géodiques, perpendiculaires aux parois des cavités sont observés (planche photo 9-d). Ces phénomènes semblent liés à une circulation de fluides riches en Fe dans les cavités connectées par les fissures. Les fluides s’enrichissent en fer en interagissant avec la matte. En cas de sursaturation, les oxy-hydroxydes de fer précipitent dans les espaces libres.

1.4. Discussion

Les observations macroscopiques sur le terrain montrent que les mattes sont généralement plus réactives à l’altération que les laitiers. La réactivité certaine des déchets métallurgiques a été confirmée par les observations à l’échelle microscopique. Par contre, les laitiers et les scories se révèlent assez stables et peu altérés, les transformations étant liées à la durée d’exposition aux conditions météoriques. A l’exception des scories médiévales de composition particulière, les zones d’altération sont d’autant plus abondantes que les échantillons sont anciens.

Oxydation des mattes

Les mattes sont plus sensibles que les laitiers à l’altération météorique, suite à leur contenu en phases métalliques et/ou en sulfures (Lastra et al., 1998). En milieu oxydant caractéristique des conditions superficielles, l’oxygène réagit directement ou non avec les sulfures qui libèrent les ions métalliques et les sulfates dans l’environnement (Sato, 1992). Les indices d’altération des mattes de Příbram sont doubles : i) existence de minéraux secondaires à la surface des mattes altérées sur les haldes et ii) formation de couches d’oxy-hydroxydes de fer

à l’échelle microscopique et micrométrique. Les observations à Příbram montrent que ces dernières s’y développent particulièrement sur les parties riches en fer (pyrrhotite et wurtzite ferrifère). Récemment, dans ce vaste thème, le « drainage acide » des déblais miniers (mine tailings), les mécanismes et les produit d’altération de la pyrrhotite (Fe1-xS) ont été intensivement étudiés (par exemple Alpers et al., 1994, McGregor et al., 1998, Jambor, 1994, Janzen et al., 2000).

A l’air libre, la cérusite (PbCO3) se développe aisément à la surface des mattes particulièrement riches en Pb. Gee et al. (1997) ont étudié d’une façon préliminaire la minéralogie et l’altération des scories métallurgiques provenant du traitement historique des minerais en Grande Bretagne. Ils évoquent la dissolution significative des gouttelettes métalliques de composition Pb ou PbS piégées dans le verre, et la formation des phases secondaires chimiquement proches des oxydes/carbonates de plomb.

Altération de verre

La métastabilité des verres dans les conditions de surface a été évoquée par plusieurs auteurs (Abrajano et al., 1990, White & Claasen, 1980). Par rapport aux phases cristallisées, le verre est considéré comme moins stable. Cette observation est en accord avec les données thermodynamiques pour les phases cristallines et le verre de la même composition. Par exemple, l’énergie de formation de NaAlSi3O8 (∆G°f) montre que l’albite sous forme cristalline est plus stable (-3935,1 kJ) que sous sa forme amorphe (-3665,1 kJ). La même tendance a été démontrée pour SiO2 : quartz (énergie de formation -856,6 kJ), cristobalite (-855,4 kJ), tridymite (-855,3 kJ) et la silice amorphe (-850,7 kJ) (Wagman et al., 1992).

En 1979, Ewing a proposé de considérer les roches volcaniques comme des analogues naturels des verres de stockage des déchets nucléaires. Depuis, le processus d’altération naturelle des verres volcaniques a été intensément étudié (Magonthier et al., 1992, Jercinovic et al., 1990). Un grand nombre d’études a permis de caractériser le comportement de ces verres au cours des tests d’altération expérimentale afin de déterminer leur stabilité dans les différentes conditions (Gislason et al., 1993, Crovisier et al., 1983, Crovisier et al., 1987, Crovisier et al., 1992, Thomassin, 1984, Berger et al., 1994). Récemment, certaines études ont été focalisées directement sur les verres nucléaires de différents types en examinant leur altération à long terme (Abrajano et al., 1990, Abdelouas et al., 1995, Abraitis et al., 2000). Au cours des dernières années, d’autres types de verres ou de matériaux vitrifiés (mâchefers,

REFIOM, scories et laitiers) ont fait l'objet des études approfondies de leur altération (Chaulet et al., 1999, Freyssinet et al., 1998, Zevenbergen et al., 1996, Mahé-Le Carlier et al., 2000). L’étude des zones d’altération de type « lessivage du verre » illustre que la dissolution du verre va i) libérer les gouttelettes métalliques de taille micrométrique, dont la réactivité est plus significative (Lastra et al., 1998) et ii) mobiliser les métaux piégés dans la structure du verre.

Le lessivage des alcalins et des autres modificateurs de réseau (Ca, Mg, Mn, Fe(II)) est un phénomène typiquement observé dans l’altération des verres volcaniques (par exemple Crovisier et al., 1990, Berger et al., 1994, Magonthier et al., 1992) comme dans celle des laitiers métallurgiques (Mahé-Le Carlier et al., 2000). Ce processus correspond probablement à une dissolution non stœchiométrique de mode sélectif (Touray, 1980, Crovisier et al., 1987). Un appauvrissement en alcalins (Na, K) et en alcalino-terreux (Ca, Mg) est généralement lié à l’interaction et à l’échange ionique contrôlé par la diffusion entre ces ions et H+ (Doremus, 1975, Crovisier et al., 1990). D’autres auteurs lient ce phénomène à la percolation de l’eau qui libère les alcalins à partir du réseau vitreux (Smets & Lommen, 1982). Eick et al. (1996) supposent que toutes les espèces aqueuses (H2O, H+ ou H3O+) peuvent interagir avec le verre par des processus d’hydratation, d’échange ionique et par des réactions d’hydrolyse (réaction [IV-1]). Si O Al Ca H+ + 2H O2 Si OH Al(H O)2 n n-3 + Ca2++ H O2 + + [IV-1]

Ces mêmes auteurs ont observé les zones d’altération appauvries en Ca, Mg, Al et Fe lors d’une dissolution non congruente du verre des basaltes lunaires. Ils supposent que Fe(II) lessivé à partir du verre s’oxyde et précipite à la surface de la zone altérée, ce qui est en accord avec nos résultats. Nous avons montré que le fer divalent est lessivé du verre altéré et précipite à la surface de la zone d’altération ou dans les fissures (discussion cf. ci-après). Par contre, ces résultats semblent en désaccord avec ceux de Mahé-Le Carlier et al. (2000), qui

supposent que le fer provenant d’une zone d’altération de ce type est quasi immédiatement oxydé et demeure immobile dans une couche de verre résiduel. Ces résultats peuvent être réconciliés, si l’on admet que dans le second cas, la cinétique de la précipitation des hydroxydes de fer à été plus rapide. D’autre part, les résultats de Eick et al. (1996) montrent un enrichissement du verre résiduel en Si et Ti. En effet, le lessivage des modificateurs de réseau est parfois accompagné d’un enrichissement relatif en Si du verre résiduel, comme ceci est observé sur nos verres altérés (zone d’altération de l’échantillon 30a). Macquet & Thomassin (1992) ont montré que l’altération des verres archéologiques conduit parfois à la formation d’une couche hydratée de verre résiduel particulièrement enrichi en Si. Des résultats contradictoires sont proposés pour le comportement de l’aluminium : i) lessivage conjoint de l’aluminium et des modificateurs de réseau (Eick et al., 1996), ii) enrichissement en Al dans la zone altérée (par exemple Mahé-Le Carlier et al., 2000). La localisation possible d’Al en position « formateur » ou « modificateur » de réseau vitreux est peut-être la cause de ces différences.

Crovisier et al. (1990) et Eick et al. (1996) proposent un deuxième stade d’altération qui suit la dissolution sélective et le lessivage des modificateurs de réseaux vitreux. Ces auteurs ont observé, lors d’une dissolution expérimentale de verres volcaniques, une extraction simultanée congruente de tous les constituants du verre, y compris la silice, suite à une élévation du pH. Ce deuxième stade peut être également suivi par une destruction de la « structure » vitreuse et par la formation d’un gel hydraté (par exemple Cooper & Cox, 1996, Petit et al., 1990). Malgré le fait que les paramètres physico-chimiques de l’altération naturelle observée sur les laitiers de Příbram ne sont pas connus, un tel phénomène n’est guère envisageable, compte-tenu de l’enrichissement en Si observé au sein de la zone altérée (échantillon 30a, planche photos 8). Par ailleurs, les verres des laitiers de Příbram ont une teneur en SiO2 plus faible (30-40 %) que les verres riches en silice étudiés par Crovisier et al. (1990) et par Eick et al. (1996) (50 % environ). Il est donc fort probable, que la zone d’altération de type « lessivage du verre » résulte plutôt du premier stade de dissolution, c’est-à-dire d’une dissolution sélective à pH relativement acide. A noter que Crovisier et al. (1990) supposent que la dissolution du verre pourrait rester sélective à long terme. Pour conclure cette discussion, il est évident que la méconnaissance des conditions d’altération limite sérieusement les interprétations.

Précipitation des phases

La précipitation des phases est un processus rigoureusement lié à une interaction entre le solide et le liquide. Ce phénomène peut être abordé par une approche cristallogénétique, cinétique ou thermodynamique ; seule cette dernière nous intéresse. Dans le concept thermodynamique, la précipitation et la dissolution d’une phase dépend de la valeur de l’énergie libre de réaction (∆Gr) et de l’indice de saturation (SI). L’indice de saturation décrit l’état de saturation d’un minéral dans la solution aqueuse. Il est défini par l’équation SI = log10(Q/Keq), où Q est un produit de solubilité et Keq est la constante d’équilibre de réaction. La précipitation d’une phase s’effectue si l’énergie libre de réaction (∆Gr) et l’indice de saturation (SI) ont des valeurs positives (Langmuir, 1997).

Les phases secondaires observées au sein des zones d’altération des laitiers de Příbram et des scories de Bohutín sont parfois assez complexes. Les couches précipitées dans une zone d’altération de l’échantillon 20a (type « dépôt des phases secondaires ») semblent être fixées à la surface du laitier intact. Etant riches en éléments lourds (Pb, Fe, As), elles proviennent très probablement d’une précipitation à partir de solutions riches en métaux qui semblent résulter de la dissolution de gouttelettes métalliques ou de mattes à proximité du dépôt. Les couches d’épaisseur micrométrique se sont également développées à la surface de la zone d’altération du type « lessivage du verre » (échantillon 30a). Celles-ci peuvent se former soit par le même processus que la zone discutée précédemment, soit à partir de solutions lessivant le verre au sein même de la zone d’altération. Le remplissage des fissures s’effectue très probablement par dissolution et précipitation à partir de solutions percolantes. Les oxy-hydroxydes de fer sont les phases les plus souvent observées dans les fissures. Ils peuvent cristalliser à partir des solutions particulièrement riches en fer qui est lessivé des laitiers ou des mattes.

Le remplissage des fissures et la précipitation des phases secondaires sont des processus fréquemment observés au cours de l’altération des verres basaltiques (par exemple Gislason et al., 1993), des laitiers métallurgiques (par exemple Mahé-Le Carlier et al., 2000), mais aussi des déchets de type mâchefer (Zevenbergen et al., 1996). Le caractère de ces produits d’altération varie d’une manière significative en fonction de la composition chimique et minéralogique des matériaux initiaux, comme la composition et des flux des solutions d’altération. Pour les verres basaltiques, de nombreux auteurs mentionnent la présence de quartz, chrysotile, talc, calcite, zéolites ou de minéraux argileux (Gislason et al., 1993,

Jercinovic et al., 1990). Cependant, ces phases apparaissent pendant les stades les plus avancés de l’altération. Au cours de l’altération naturelle des mâchefers, la présence des minéraux argileux a été notée par Zevenbergen et al. (1996) qui signalent un pourcentage significatif d’Al et Si dits « actifs » qui prédisposent à la formation des argiles de type « illite » pendant une période relativement courte. L’étude de Mahé-Le Carlier et al. (2000) est focalisée sur la description des zones d’altération naturelle des scories métallurgiques. Ce travail démontre que le colmatage des fissures par des oxy-hydroxydes de fer est un processus très courant. Contrairement à nos observations, ces auteurs évoquent une possibilité de piégeage de Pb dans les oxy-hydroxydes de fer des scories « polymétalliques » provenant du traitement des minerais à Pb-Zn. Magonthier et al. (1992) indiquent la formation d’hydroxydes de fer dans les verres rhyolitiques altérés. Outre les minéraux argileux, des oxy-hydroxydes de manganèse ont été observés par Abrajano et al. (1990) dans les produits d’altération des verres nucléaires.

1.5. Conclusions partielles

L’étude de l’altération naturelle a confirmé que les mattes sont plus réactives que les laitiers. Les indices de l’altération naturelle des laitiers sont rares. Ils ont été trouvés à l’échelle microscopique, le plus souvent associés à la dissolution sélective du verre ou à la dissolution des gouttelettes métalliques. Les zones d’altération sont localisées en particulier dans les laitiers provenant du traitement des minerais exposés sur les aires de stockage depuis 100-200 ans. Aucune dissolution des verres des laitiers modernes n’a été observée, ce qui suggère qu’il s’agit d’un processus extrêmement lent.