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A.2 Composés polymériques à transition de spin

A.2.2. Composés bidimensionnels

La condensation de deux cycles 1,2,4-triazole via le groupe amine en position 4 donne le ligand bis-monodendate 4,4′-bis-1,2,4-triazole (btr).[62] L‘auto-assemblage du ligand btr, de l‘ion thiocyanate et du sel de fer(II) a permis de synthétiser le premier complexe polymérique 2D à transition de spin sous la forme [Fe(btr)2(NCS)2]H2O.[63] Les ions fer(II) sont dans un

environnement octaédrique distordu dont les positions équatoriales sont occupées par les ligands btr, ces derniers connectent 2 ions fer(II) afin de définir un plan ou réseau moléculaire. Les 2 groupes thiocyanates se placent sur les positions axiales (figure A.2.2.1.a). Le composé montre une transition abrupte centrée à 134 K avec une large hystérèse de 21 K (figure A.2.2.1.b). De même, le dérivé sélénié iso-structural présente également un caractère coopératif avec une transition de spin à 214 K avec une hystérèse de 6 K.[64]

Concernant l‘origine de la coopérativité du dérivé thiocyanate il a été suggéré que la transition de spin soit la conséquence d‘une transition de phase cristallographique. Néanmoins les travaux récents de Pillet et al. ont réfuté cette hypothèse dans la mesure où le groupe d‘espace C2/c reste inchangé au cours de la transition de spin.[65]

Dans leur démarche cristallographique, les auteurs ont également montré la coexistence de deux couches cristallographiques correspondant aux espèces ordonnées LS et HS. Le comportement coopératif associé aux fortes interactions élastiques entre les centres métalliques est assuré par la rigidité du ligand btr. Cette hypothèse a été démontrée par l‘analyse de solutions solides isostructurales [FexM1-x(btr)2(NCS)2]H2O avec M = Ni(II) et Co(II), dans lesquelles la largeur

de l‘hystérèse décroît avec x jusqu‘à disparaître complètement pour x = 0,26 et x = 0,37 pour les dérivés du Ni(II) et du Co(II), respectivement.[66]

Des recherches sur l‘effet de la pression sur la transition de spin ont été aussi réalisées pour ce dérivé. Lorsqu‘on augmente la pression la TS devient moins abrupte et est décalée vers les hautes températures, la largeur du cycle d‘hystérésis diminue jusqu‘à disparaitre pour une pression de 1 GPa. A cette pression, et de façon inattendue, le système montre une considérable stabilisation de l‘état HS. Après la diminution de la pression à 1 atm, le système redevient LS. Ce comportement est expliqué par l‘apparition d‘une nouvelle phase cristallographique qui stabilise l‘état haut spin à hautes pressions.[67]

Des études XANES sous pression ont confirmé ce résultat. Le dérivé btr montre une pression de transition élevé Pc =

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2.04 GPa pour laquelle les fractions HS et LS sont équivalentes.[68] Les effets de la pression sur le système [Fe(btr)2(NCS)2]H2O pur ou dilué avec du nickel ont été étudiés par

réflectivité optique sous une pression variable. De ces expériences est obtenu le cycle d‘hystérésis induit par la pression à température constante.[69]

Figure A.2.2.1.- Fragment des plans et leur empilement (a) et propriétés magnétiques (b) de [Fe(btr)2(NCS)2]∙H2O.

La recherche de nouveaux polymères de coordination, basés sur l‘assemblage d‘ion fer(II) et de ligands pontant, autre que le traditionnel 1,2,4-triazole, a également été décrite dans la littérature. Il s‘agit de polymères de formule générale [FeL2(NCS)2]nSolv dont la substitution

du ligand btr est réalisée par un ligand de type bis-monodendate pyridine comme le bispyridyléthylène (bpe, n = 1, Solv = MeOH),le trans-4,4′-azopyridine (azpy, n = 1, Solv = MeOH, EtOH et PrOH), ou le 1,4-bis(4-pyridylbutadiyne) (bpb, n = 0,5, Solv = MeOH). Tout comme dans les dérivés btr, les sites pseudo-octaédriques [FeN6] se définissent comme des nœuds de plan carré ou rhomboèdre qui constituent le maillage du réseau moléculaire. Cependant l‘espace occupé par les ligands bpe[70a]

et azpy,[70b] est beaucoup plus important que celui du btr, l‘empilement conduit à une interpénétration diagonale et perpendiculaire des couches moléculaires.

Dans les dérivés bpe, l‘intersection des deux couches définit un canal rectangulaire, où les molécules de solvant sont localisées, ce qui confère au réseau moléculaire un caractère poreux (Figure A.2.2.2).

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Figure A.2.2.2.- Fragment d‟une couche et vue schématique de l‟interpénétration des couches dans le composé [Fe(bpe)2(NCS)2] ∙MeOH.

Pour le ligand bpb, encore plus volumineux que le bpe et l‘azpy, la formation du complexe [Fe(bpb)2(NCS)2]0,5MeOH a été toutefois possible. La structure du complexe est un réseau

polymérique constitué de 3 plans moléculaires 2D perpendiculairement interconnectés formant un réseau en trois dimensions.[71] (Figure A.2.2.3).

Figure A.2.2.3.- Fragment d‟une couche et vue schématique de l‟interpénétration des couches dans le composé [Fe(bpb)2(NCS)2]∙0,5MeOH.

Quoiqu‘il en soit, ces dérivés sont définis par un caractère coopératif très faible qui est en outre dépendant du taux de solvant présent entre les couches du réseau moléculaire. Indépendamment de l‘intérêt que ces composés peuvent posséder du point de vue

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cristallographique, de la chimie supramoléculaire ou de la chimie d‘inclusion, l‘absence de coopérativité rend ces composés moins intéressants dans le cadre du phénomène de transition de spin. Il semblerait qu‘en comparaison avec le ligand btr, les ligands bpe, azpy et bpb ne soient pas suffisamment rigides, et par conséquent les conversions de spin ne sont pas coopératives.

La nécessité d‘améliorer « la communication » entre les centres Fe(II) a conduit à la recherche de nouvelles stratégies synthétiques qui permettent obtenir non seulement des réseaux plus rigides, mais aussi des systèmes plus versatiles du point de vue chimique et structural. La possibilité d‘induire la polymérisation par des anions de coordination appropriés, à savoir des ligands cyanides, a été ainsi considérée. A cet égard, les polymères de coordination homo- et hétéro-métalliques à base de ponts cyanure ont révélé être une grande source d‘inspiration, puisqu‘ils présentent une large diversité structurale, avec des propriétés magnétiques, électrochimiques et magnéto-optiques intéressantes.[72]

En particulier, les clathrates d‘Hofmann {Ni(NH3)2[Ni(CN)4]}2G ont stimulé l‘intérêt des

chimistes puisque des molécules hôtes (G), tels que le benzène, le pyrrole, le thiophène ou le furane, peuvent s'insérer entre les couches du réseau moléculaire.[73] Les premiers composés ont été synthétisés par Hofmann et Küspert en 1897 et leur structure, résolue dans les années 1950 par Powell et Rayner,[74] est formée de 2 types d‘ions nickel (II) : l‘anion diamagnétique plan-carré [Ni(CN)4]2- et l‘autre ion paramagnétique coordonné octaédriquement à quatre

atomes d‘azote des groupes CN appartenant à 2 unités [Ni(CN)4]2- ; les deux sites restants,

étant occupés par des atomes d‘azote de molécules d‘ammoniaque (figure A.2.2.4.a). Dans les années 1980 à 1990, Iwamoto et al. ont contribué de façon décisive à l‘étude de cette famille de composés grâce à la modification de la nature des centres métalliques et des molécules de solvant hôtes.[75] De plus, ces auteurs ont substitué les molécules d‘ammoniaque par des ligands bis-monodentes tels que l‘éthylènediamine, la diaminobutane ou la méthanolamine dans le but d‘étudier la possibilité du changement de dimensionnalité. (Figure

A.2.2.4.b).

C‘est dans ce contexte que le premier composé clathrate de type Hofmann, {Fe(pyridine)2[Ni(CN)4]}, présentant un comportement de transition de spin a été étudié par

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allongé où les positions équatoriaux sont occupés par de groups CN- qui font parti des anions [Ni(CN)4]2-, qui connectent quatre atomes de fer, en constituant un réseau 2D. Les positions

axiales sont occupées par des ligands pyridine (figure A .2.2.5).

Figure A.2.2.4.-a) Perspective du clathrate d‟Hofmann 2D {Ni(NH3)2[Ni(CN)4]} ∙benzène b) Perspective du clathrate d‟Hofmann 3D {Co(1, 4-diaminobutane)[Ni(CN)4]}∙benzène

Etant donné que la taille de la molécule de pyridine est beaucoup plus grande que la molécule d‘ammoniaque, un déplacement des plans se produit, de sorte que l‘atome de fer d‘un plan donné se place dans le plan contenant les atomes de nickel immédiatement supérieur et inferieur. Ceci conduit à un espace plus restreint entre ces plans d‘où une plus grande difficulté d‘accueillir des molécules invitées au sein de ce type de matériaux par rapport aux structures poreuses citées précédemment.

L‘étude des propriétés magnétiques de ce composé montre une TS centrée à 191 K, avec une boucle d‘hystérésis de 10 K (T1/2↓ = 186 K et T1/2↑ = 196 K).

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Plus récemment, Real et al. ont observé des résultats similaires pour des composés homologues à base des briques [Pd(CN)4]2- et [Pt(CN)4]2-. Ces complexes présentent aussi une

TS avec une boucle d‘hystérésis et des températures critiques T1/2↓ = 208 K, T1/2↑ = 213 K et

T1/2↓ = 208 K, T1/2↑ = 216 K pour les dérivés de Pd et Pt, respectivement.[77]

Pour ces trois systèmes {Fe(py)2[M(CN)4]} (M = Ni, Pd, Pt), un changement de couleur

caractéristique est observé lors de la TS : les complexes sont respectivement orange, jaune pale ou blanc dans l‘état HS et rouge orangé dans l‘état LS.

Durant ces dernières années ont également été reportées la synthèse et la caractérisation des polymères 2D à transition de spin {Fe(pmd)2[Cu(CN)2]2}et {Fe(3-CNpy)2[Au(CN)2]2},

où pmd = pydimidine et 3-CNpy = 3-cyanopyridine. Le premier composé présente la topologie de type CdCl2, où l‘entourage [FeN6] est constitué par un octaèdre distordu avec les

positions équatoriales occupées par les groupes CN des anions [Cu(CN)2]2-. Chaque centre fer

est connecté à deux centres adjacents pour définir une chaine linaire. Les positions axiales sont occupées par les ligands pyrimidine, qui remplissent la fonction de pont connectant les atomes de Fe(II) et de Cu(I) des chaines adjacentes (figure A.2.2.6.a). Ce composé présente une transition de spin induite par la température et par la lumière (effet LIESST) avec des températures critiques T1/2↓ = 132 K et T1/2↑ = 142 K, accompagnée par un changement

drastique de la couleur du jaune à l‘état HS vers le rouge à l‘état LS (figure A.2.2.6.b).[ 78]

a) b)

Figure A.2.2.6.-(a) Structure et (b) courbes M T vs.T pour le composé {Fe(pmd)2[Cu(CN)2]2} (chauffage en bleu et refroidissement en rouge avant l‟irradiation , puis irradiation en vert et enfin réchauffement en

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Le système {Fe(3-CNpy)2[Au(CN)2]2} (figure A.2.2.7) est défini par des couches

légèrement ondulées de losanges {Fe4[Au(CN)2]4}. Ces couches sont organisées de manière à

ce que les atomes de fer d‘une couche soient au dessus et au dessous du centre des losanges définis par l‘autre couche. Cette disposition permet l‘interaction entre les paires d‘atomes d‘or (Au···Au = 3.1060(7) Å) en définissant des bicouches empilées dans le solide. La structure présente deux types d‘atomes de fer cristallographiquement différents et seuls ceux qui présentent les distances Fe-N les plus courtes donnent lieu à une transition de spin vers 113.5 K, avec une hystérésis d‘environ 13 K. Cette transition s‘accompagne aussi d‘un changement drastique de la couleur du blanc dans l‘état HS au rouge foncé dans l‘état LS.[79]

Figure A.2.2.7.-Vues d‟une bicouche du composé {Fe(3-CNpy)2[Au(CN)2]2} (en pointillé les interactions Au···Au) et propriétés magnétiques.