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4.3- Comportement volumique des matériaux gonflants lors d’un chargement

La différence significative du comportement entre les sols gonflants saturés et les sols peu ou non gonflants saturés s’observe essentiellement en décharge. Les résultats de Bélanteur et al. (1997) obtenus lors de cycles de charge-décharge-recharge sur une argile gonflante (smectite) et une argile non gonflante (kaolinite), présentés sur la figure I.28, font apparaître que la pente de déchargement est d’autant plus grande que l’argile est gonflante. Les résultats de Yahia-Aïssa (1999) obtenus lors du cycle mécanique sur une argile très gonflante FoCa compactée et saturée, montrent que la pente de déchargement est sensiblement équivalente à la pente de chargement (fig. I.29a). Par ailleurs, Alshihabi (2002) a trouvé, en travaillant sur l’argile de Bavent, que la pente de déchargement est dix fois plus grande que celle de la partie surconsolidée pendant le chargement (fig. I.29b). En revanche, les résultats obtenus par Cuisinier (2002), sur un mélange de bentonite et de limon de Xeuilley lors d’un cycle de chargement-déchargement sous succion nulle, montrent que la pente de décharge est faible et égale à celle de la partie surconsolidée de chargement. D’après ces différents résultats, on peut conclure que la pente de déchargement à l’état saturé est fortement liée au type de sol. Elle semble augmenter en fonction de la fraction d’argile gonflante présente dans le sol.

Figure I.29 - Évolution de l’indice des vides avec la contrainte appliquée lors d’un cycle mécanique sur des échantillons d’argile a) FoCa compactée (Yahia-Aïssa, 1999) et b) Bavent saturée (Alshihabi, 2002) La prise en compte expérimentale de la non saturation se fait par le biais d’essais à succion contrôlée. Différents travaux ont été effectués à l’œdomètre et au triaxial à succion contrôlée afin d’étudier l’effet de la succion sur la compressibilité. La plupart de ces travaux ont révélé une augmentation de la rigidité du matériau avec une augmentation de la succion, comme pour les sols non saturés non gonflants (Delage et Howat, 1993 ; Guiras-Skandaji, 1996 ; Robinet et al., 1997 ; Yahia-Aïssa, 1999 ; Al-Mukhtar et al., 1999 ; Alonso et al., 2001 ; Collin et al., 2002 ; Alshihabi, 2002 ;…).

Delage et Howat, (1993) ont réalisé à l’œdomètre des essais de chargement/déchargement à succion contrôlée sur des échantillons d’argile gonflante FoCa compactés (wi = 12,5 %, γdi = 18,5 kN/m3). Après hydratation à succion contrôlée sous faible contrainte verticale (σv = 25 kPa), et stabilisation du gonflement, un cycle de chargement/déchargement par paliers à succion contrôlée a été réalisé. Les résultats sont présentés sur la figure I.30. Ils montrent que le comportement volumique est marqué par trois caractéristiques principales :

- un comportement de type surconsolidé, avec une contrainte limite analogue à la pression de préconsolidation des sols saturés ″p0″ (dans le cas des sols non saturés, le terme de pression de préconsolidation apparente est adopté) séparant un comportement élastique raisonnablement réversible d’un comportement plastique, dont la valeur augmente avec la succion ; Delage et Cui, (2001) ont montré que cette contrainte limite est fonction de la contrainte de compactage et de la succion appliquée ensuite ;

- un raidissement avec l’augmentation de la succion, dans la zone normalement consolidée où le comportement est plastique, qui engendre une diminution des coefficients de compression vierge, notés λ(s), avec l’augmentation de la succion ;

- la pente de déchargement est sensiblement équivalent à la pente de la partie surconsolidée, noté κ. Pour des succions supérieures à 1,5 MPa, cette pente peut être considérée comme indépendante de la succion.

Figure I.30 - Variations volumiques lors de cycles charge-décharge à l’œdomètre à succion contrôlée (Delage et Howat, 1993)

De même, Yahia-Aïssa (1999), a réalisé des essais de compression-décompression isotrope à succion contrôlée (entre 0 et 113 MPa) en utilisant la technique des solutions salines saturées. L’étude a été réalisée sur une argile gonflante FoCa fortement compactée (wi = 13 %, γdi = 19,2 kN/m3). Le programme expérimental consiste en une phase d’équilibre suivie par un chargement en cellule isotrope jusqu’à 60 MPa puis un déchargement puis un rechargement. Les résultats obtenus indiquent que la réponse mécanique dépend fortement de la succion (fig. I.31). On observe un bon ordonnancement des différentes courbes et de leurs pentes en fonction de la succion imposée ; la pente de compressibilité diminue avec la succion, ce qui rigidifie le matériau. Par ailleurs, le cycle chargement-déchargement-rechargement fait apparaître une boucle d’hystérésis d’autant plus importante que la succion est faible. Ce phénomène peut être interprété suivant le modèle micro-macro, développé par Gens et Alonso (1992) et Alonso

et al. (1999), et explicité dans le chapitre suivant (§ II.3.1), attribuant la réversibilité à la

microporosité et l’irréversibilité à l’effet de la macroporosité. En effet, à fortes succions, l’eau est principalement adsorbée, avec des propriétés très proches de celles du solide, conséquence de la très forte orientation des dipôles d’eau. Dans ce cas, la réponse volumique lors de l’application d’une contrainte extérieure est réversible. La réduction de la succion conduit au gonflement des agrégats argileux, et à la création de macropores. De par leurs tailles, les macropores contiennent de l’eau faiblement liée, et sont plus sensibles aux effets de la contrainte mécanique appliquée, qui peut se manifester par des irréversibilités. De plus, on remarque qu’à l’exception de l’essai réalisé sous une succion de 12,6 MPa, les courbes de compression à succion contrôlée tendent à rejoindre la courbe de compressibilité à l’état saturé (s = 0), pour s’y confondre ensuite. Cette observation est clairement mise en évidence avec l’essai de compression à succion contrôlée s = 38 MPa. En revanche, les essais à plus fortes succions contrôlées semblent rejoindre la courbe de compressibilité à l’état saturé à des contraintes plus fortes que la gamme de pression étudiée. Ce résultat est typique du comportement des sols fins non gonflants non saturés (Delage et al., 1992). On peut ainsi mentionner qu’il existe une pression limite relative à chaque succion, qu’on peut appeler ″pression de gonflement en

compression″ au-delà de laquelle l’influence de la succion sur la déformation volumique devient négligeable. Le comportement du matériau dans ce cas est identique à celui de l’échantillon à l’état saturé. Cette pression, limitant la zone d’influence de la succion, augmente avec l’augmentation de la succion.

Figure I.31 - Évolution de l’indice des vides lors du cycle chargement-déchargement-rechargement à succions contrôlées sur une argile gonflante FoCa fortement compactée (Yahia-Aïssa, 1999)

Des résultats concordants sur une bentonite calcique ont été trouvés par Guiras-Skandaji (1996) à l’œdomètre en adoptant la méthode osmotique. Le sol a été préparé par compactage statique à l’optimum ; γdi = 14,9 kN/m3, wi = 22,4 %. Les résultats obtenus (fig. I.32) montrent de nouveau que la courbe de compressibilité à l’état saturé (s = 0) se trouve au-dessus des courbes à succion plus élevée et si on prolonge la pente de la partie vierge (normalement consolidée), elle coupe les autres courbes. Ces résultats montrent également que, dans la gamme de succion choisie pour les tests (entre 0 et 1 MPa), la compressibilité baisse et la pression de préconsolidation apparente p0(s) augmente avec

l’augmentation de la succion. L’augmentation de la pression de préconsolidation apparente avec la succion a été constatée dans les travaux de plusieurs auteurs ; Robinet

et al. (1997) sur une poudre de smectite, Romero (1999) sur l’argile de Boom compactée,

Alonso et al. (2001) sur un mélange sable-bentonite, Cuisinier (2002) sur un mélange limon-bentonite, Medjo Eko (2002) sur un sol argileux agricole du Québec, Lloret et al. (2003) sur une bentonite contenant plus que 90 % de montmorillonite et Sun et al. (2004) sur une argile peu gonflante (argile de Pearl).

Figure I.32 - Évolution des courbes œdométriques en fonction de la succion (Guiras-Skandaji, 1996)

Dans l’étude menée par Alshihabi (2002) sur l’argile de Bavent (wP = 28 %,

wL = 44 %) compactée en utilisant un œdomètre à surpression d’air, où la teneur en eau initiale est de 24 % et le poids volumique sec après compactage est de l’ordre de 16,2 kN/m3, après la mise en place des échantillons dans l’œdomètre, une charge nette axiale de 25 kPa et des succions initiales de (0, 150, 300 et 450 kPa) ont été appliquées respectivement. Après la phase d’équilibre, le chargement-déchargement est effectué par paliers. Les résultats sont représentés sur la figure I.33. Ces résultats mettent en évidence clairement l’existence de la ″pression de gonflement en compression″ définie précédemment. De même, l’augmentation de la succion se traduit par une augmentation de la contrainte de préconsolidation apparente et par une réduction de la pente de compression vierge qui indique une augmentation de la rigidité du sol avec l’augmentation de la succion. Dans la zone surconsolidée, les courbes ont presque la même pente en chargement, alors que les pentes pendant le déchargement pour les essais SP1, SP2, et SP3 sont différentes de celle de l’état saturé.

1000 100 10 1 0.75 0.70 0.65 0.60 0.55 0.50

Contrainte verticale (kPa)

Indice de s vides

y

État saturé  S = 150 kPa (SP1) c S = 300 kPa (SP2) × S = 450 kPa (SP3)

Figure I.33 - Effet de la succion sur le comportement mécanique de l’argile de Bavent (Alshihabi, 2002) En revanche, d’après les résultats de Cuisinier (2002) sur un mélange limon-bentonite compacté statiquement dans la cellule œdométrique à 12,7 kN/m3 et en utilisant la méthode osmotique et la méthode des solutions salines, il apparaît que l’existence de la ″pression de gonflement en compression″ n’est confirmée que pour des succions inférieures ou égales à 2 MPa (fig. I.34). En effet, lorsque la succion appliquée est inférieure ou égale à 2 MPa, les courbes de compressibilité correspondantes tendent vers la courbe de compressibilité obtenue sous une succion nulle. Lorsque la succion imposée est supérieure à 2 MPa, les courbes de compressibilité coupent la courbe de compressibilité à l’état saturé sans la rejoindre.

La plupart des résultats disponibles dans la littérature s’accordent donc sur le fait que la pente de compression vierge, λ(s), diminue avec l’augmentation de la succion (Soemitro,

1994 ; Guiras-Skandaji, 1996 ; Robinet et al., 1997 ; Al-Mukhtar et al., 1999 ; Romero, 1999, Rampino et al., 2000 et Alonso et al., 2001). Certains auteurs trouvent cependant qu’elle peut varier de manière différente avec la succion (Cuisinier, 2002). En effet, les résultats obtenus par cet auteur montrent une variation non monotone de la pente λ(s)

(fig. I.35) ; elle est quasi constante dans le domaine de faibles succions (entre 0 et 2 MPa) puis la compressibilité du matériau augmente entre 2 et 4 MPa. Au-delà de 4 MPa, l’augmentation de succion se traduit par une décroissance très importante de la pente λ(s).

Une relation λ(s) similaire à celle trouvé par Cuisinier (2002) a été obtenue par Geiser

(1999) à partir d’un limon compacté et Sivakumar & Wheeler (1993) et Wheeler & Sivakumar (1995) en travaillant sur du kaolin compacté. Geiser (1999) associe la succion pour laquelle la compressibilité est maximale au point d’entrée d’air du matériau.

OWL6 (0 MPa) OWL4 (1,2 MPa) OWL2 (4 MPa) OWL5 (0,5 MPa) OWL3 (2 MPa) OWL1 (8,5 MPa) SWL1 (8,5 MPa) SDL2 (38,9 MPa) SDL4 (150,06 MPa) SDL5 (287,9 MPa) SDL1 (20,5 MPa) SDL3 (83,6 MPa) 10 100 1000 0,75 1,00 1,25 1,50 0,50 σv* (kPa)

Indice des vides

10 100 1000 10000 0,8 0,6 1,0 1,2 σv* (kPa)