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Comportement visqueux des suspensions granulaires de type boue

matériaux in situ

1.2 Comportement visqueux des suspensions granulaires de type boue

De nombreux matériaux, aussi bien industriels (peintures, encres, béton frais, produits ali-mentaires, cosmétiques, etc...) que naturels (neige, boue, magma, etc..), font partie des sus-pensions granulaires. Leur étude constitue donc un enjeu scientifique important.

Dans le contexte des mouvements de terrain, analysons tout d’abord -brièvement- la faisabilité de l’étude des coulées gravitaires à leur échelle globale.

1.2.1 Difficultés de l’étude rhéologique des mouvements de terrain de type écoulement

Concernant les mouvements de terrain de type coulée, la première difficulté de leur étude rhéologique réside dans leur hétérogénéité dans la masse. En effet, du fait du phénomène de ségrégation, les éléments les plus volumineux sont concentrés sur les frontières de l’écoulement, en front de coulée et latéralement. Lorsqu’il y a une forte dispersion granulométrique (comme dans les coulées de débris), ce phénomène est très visible (voir expérimentations de Iverson (2003) et schéma de Pierson (1986) à la figure 1.8).

Dans le cadre de nos travaux, nous considérons, en première approche, que les matériaux d’une coulée gravitaire peuvent être approximés par un mélange homogène (bien que de gra-nulométrie polydisperse). Cette hypothèse n’est cependant pas négligeable puisque dans le cas de coulées réelles, le front chargé en matériau grossier a tendance à ralentir tout l’écoulement. La deuxième difficulté est la grande taille de certains éléments solides. Une coulée de boue naturelle, par exemple, contient une part importante de particules fines, mais peut transpor-ter une proportion non négligeable de graves, et même des blocs décimétriques à métriques. La taille des éléments devant être négligeable devant les dimensions d’un rhéomètre afin que le volume étudié puisse être considéré représentatif de tout le matériau, il devient impen-sable d’étudier ces matériaux dans des rhéomètres classiques (de dimension décimétrique). Coussot et Piau (1993) ont défini les dimensions minimales de différents rhéomètres par rapport à la taille des éléments. Des appareils d’expérimentation bien particuliers ont donc

Figure 1.8: Mise en évidence de la ségrégation Iverson (2003) dans un canal à écoulement 2D (matériaux argileux en couleur claire, graveleux en couleur sombre)(a). Schéma de l’hé-térogénéité à l’échelle d’une coulée de débris, d’après Pierson (1986)(b)

a. b.

parfois été conçus pour l’étude spécifique de la rhéologie des écoulements gravitaires en condi-tion naturelle. Ils sont alors de très grandes dimensions comme le tapis roulant de Hubl et Steinwendtner (2000) ou de Chambon et al. (2009), de longueur plurimétrique et de largeur décimétrique.

En général la rhéologie des écoulements gravitaires est donc étudiée en se concentrant sur la phase la plus fine des matériaux en mouvements. Une autre stratégie est d’étudier des matériaux simplifiés, comme des mélanges artificiels eau+bentonite ou eau+kaolinite. Pour ces raisons, la rhéologie des mouvements de terrain de type écoulement est relativement peu étudiée. Nous nous concentrons dans la suite de cette section à l’état de l’art sur la rhéologie des suspensions granulaires de type boue.

1.2.2 Caractères principaux de la rhéologie des suspensions concentrées Une viscosité à seuil

La principale caractéristique des suspensions concentrées est la présence d’un seuil de contrainte, en deçà duquel les vitesses de déformations sont nulles, et le matériau acquiert alors un com-portement de type solide (il ne "tend pas à s’écouler"). Leur comcom-portement n’est donc pas Newtonien (viscosité linéaire sans seuil).

Ce caractère apparaît de manière qualitative au regard des masses immobilisées issues des mouvements de terrain de type coulées. En effet, si ces coulées étaient des fluides Newtoniens, elles s’arrêteraient nécessairement sur des zones horizontales avec une épaisseur qui tendrait à être nulle. Or, non seulement les matériaux d’une coulée se stabilisent avec une épaisseur non nulle, voire conséquente, mais en plus ces coulées s’immobilisent souvent sur des surfaces en pente (voir figure 1.9).

De manière quantitative, plusieurs travaux ont mis en évidence ce seuil de contrainte grâce à des expériences au rhéomètre (figure 1.10). En conséquence, un modèle rhéologique basique qui représente relativement bien les suspensions concentrées est le modèle de Bingham. Ce dernier dépend de deux paramètres, la viscosité η (en Pa.s) et le seuil de contrainte s0 (en Pa). Son expression 1D est la suivante :

τ = s0+ η ˙γ, (1.39)

1.2. Comportement visqueux des suspensions granulaires de type boue 39

Figure 1.9: Morphologie d’une coulée de débris à l’arrêt sur des pentes non nulles (coulée de débris de Super-Sauze, France, d’après Malet et al. (2004))

Il a été largement utilisé pour représenter, à plus grande échelle les mouvements de terrain de type coulées (Johnson, 1970; Jeyapalan et al., 1983; Pastor et al., 2008; Soga, 2011; Blasio et al., 2004).

Certains modèles, plus élaborés, prennent en compte la relation entre les paramètres visqueux et la fraction volumique solide Cv des coulées (cette influence de Cv est visible sur les courbes de la figure 1.10.a et b.). Il en résulte des modèles où η et s0 sont fonctions de Cv, comme dans le modèle de Fei (1981) où :

η = η0  1 − Cv Cm  − 2.5, s0= exp " 8.45 Cv− 1.26(Cm)3.2 Cm ! + 1.5 # , (1.40)

avec Cmun coefficient dépendant de la dispersion granulaire et de l’épaisseur d’eau liée autour des particules et η0 la viscosité de l’eau.

Comme η et s0dépendent également de la nature de la fraction solide (matériau fin, sableux ou plus grossier), ils présentent donc une grande variabilité et il n’est pas possible d’en donner des valeurs précises. Cependant, d’après plusieurs études portant sur l’analyse de coulées gravitaires à l’aide du modèle de Bingham (Jeyapalan et al., 1983; Pastor et al., 2008; Soga, 2011; Blasio et al., 2004) nous avons pu relever des valeurs de viscosité comprises entre 30 et 1000 Pa.s et des seuils de contrainte entre 0,1 et 12 kPa.

Une viscosité non linéaire

La deuxième caractéristique des suspensions concentrées (et donc des mouvements de terrain de type coulée) est la non-linéarité de la viscosité. Les figures 1.10a et b mettent en évidence l’augmentation de la viscosité (augmentation de la pente des courbes) avec le taux de défor-mation : les suspensions granulaires sont dites ’rhéo-épaississantes’. En effet, à faible vitesse de sollicitation les grains sont libres dans le fluide, alors qu’à vitesse élevée ils entrent en contacts les uns avec les autres.

Le modèle de comportement qui représente au mieux cette caractéristique des suspensions concentrées est celui d’Herschel Bulkley. La relation constitutive est la suivante :

τ = s0+ η ˙γn, (1.41)

où le coefficient n conditionne la concavité de la courbe rhéologique. Pour n<1, le matériau est rhéo-fluidifiant et pour n>1 le matériau est rhéo-épaississant.

Figure1.10: Mise en évidence de la viscosité à seuil : dans les fines (<100 µm) de coulées de débris réelles à différentes fractions solides (d’après Coussot et Piau (1994)) (a), dans un mé-lange artificiel kaolonite+eau à différente fractions solides (d’après Coussot et al. (1996))(b), dans un béton haute performance (d’après Hu et de Larrard (1996))

a.

b. c.

La thixotropie

Enfin, la réponse d’une suspension granulaire évolue également même pour un chargement constant. Ce caractère, nommé thixotropie, traduit le mécanisme de structuration du maté-riau au repos par création de contacts granulaires (ou ’aging’ en anglais) et de déstructuration de ces réseaux de contacts sous cisaillement (ou ’rejuvenation’).

La thixotropie d’un matériau est donc une dépendance du comportement à l’histoire du ma-tériau. Nous reviendrons sur cet aspect dans la section 1.3.

En définitive, même si le modèle d’Hershel-Bulkley est utilisé pour décrire les coulées de débris (Malet et al., 2004), dans l’ensemble, le modèle de Bingham est beaucoup plus répandu pour décrire ces phénomènes, et le seuil de contrainte constitue ainsi la caractéristique majeure des suspensions concentrées. Voyons à présent la diversité des seuils qui ont pu être considérés.

1.2.3 Diversité des seuils d’arrêt considérés

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