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1.3. Propriétés générales des milieux granulaires

1.3.2. Comportement quasistatique

Lorsqu’un milieu granulaire est soumis à des déformations suffisamment faibles, le comportement est élastique. Quand la déformation dépasse un seuil extrêmement petit (de l’ordre de10−5), le comporte-ment est plastique en raison de la mobilisation du frottecomporte-ment entre grains et des réarrangecomporte-ments de la structure granulaire. Ces déformations vont mener à la rupture, soit suivant un plan unique (localisées), soit par addition de ruptures plus petites (diffuses).

Les déformations du milieu sont représentées par un tenseur de déformation ε, et les contraintes par un tenseur σ. La réponse en déformation à l’application de contrainte σ dépend de la rhéologie du matériau. Pour fixer les idées nous allons considérer dans ce chapitre uniquement le cas 2D. L’extension au cas 3D sera considérée, au cas par cas, dans les chapitres2et3.

Ainsi, pour un système 2D, on définit le déviateur de contrainte q = (σ1 − σ2)/2 et la contrainte

moyennep = (σ1+ σ2)/2 avec σ12les valeurs propres du tenseur σ. De même, on définit la déforma-tion de cisaillementεq= ε1− ε2et la déformation volumétriqueεp = ε1+ ε2, avecε1etε2les valeurs principales du tenseur ε. Une propriété majeure des milieux granulaires est que toutes les contraintes et les forces au contact varient proportionnellement àp [131]. Ainsi, le comportement peut être décrit par le rapportq/p.

En partant d’un système soumis à des contraintes isotropes, et une compacité initiale ρ0 donnée, le rapport q/p augmente d’abord avec le cisaillement εq et tend vers un plateau plastique caractérisé par un déviateurqc/p constant (contrainte résiduelle), en passant éventuellement par un pic de contrainte ;

figure1.31. De la même manière, la compacité ρ du milieu évolue et tend vers une compacité critique ρc sur le pallier plastique [131]. La compacité initialeρ0 joue un rôle majeur dans l’évolution deq/p.

Siρ0 > ρc (état dense), alors q/p passe au cours de la déformation par un pic avant de relaxer vers

l’état critiqueqc/p comme illustré sur la figure1.31(gauche). Siρ0 < ρc(état lâche),q/p augmente de

manière monotone pour atteindre la valeurqc/p dans l’état critique.

De même l’évolution de la compacité ρ dépend de la compacité initiale ρ0. Siρ0 < ρc, la compacité augmente versρc. Mais siρ0 > ρc, la compacité diminue versρc.

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Cette propriété de changement de volume sous l’effet de cisaillement s’appelle la dilatance de Rey-nolds ; figure1.31. Remarquons que, exprimé en termes de déformations volumiques,εp diminue légè-rement dans le cas dense avant le début de la dilatance. Cette déformation volumétrique initiale est en partie élastique mais surtout elle représente des réarrangements initiaux nécessaires pour la mise en place d’un mode de déformation cohérent dans le système [120].

ε

q

εq

ε

p

Figure 1.31: Variation de la contrainte déviatoriqueq normalisée par la pression moyenne p (à gauche) et de

la dilatanceδV (à droite) en fonction de la déformation ε d’un échantillon granulaire lâche (en trait plein) et

compact (en trait hachuré).

On peut résumer le comportement quasi-statique pour un cisaillement monotone par les propriétés suivantes :

1. La dilatance, caractérisée souvent par un angle de dilatance définie par :

sin ψ = εp

εq, (1.4)

où le signe négatif est lié à la convention de signe telle que les contraintes compressives et les raccourcissements (et donc diminution de volume) sont comptés positivement.

2. La résistance au cisaillementq/p, également caractérisée par un angle appelé angle de frottement

interneϕ du matériau défini par :

sin ϕ = q

p, (1.5)

En mécanique des sols, on s’intéresse généralement à la valeur deϕ au pic et dans l’état critique. De

même, on détermineψ au pic, sachant que la valeur de ψ dans l’état critique est nulle (ce qui correspond

à un écoulement plastique sans changement de volume).

L’existence d’un angle de frottement interne maximal ou résiduel, correspond au critère classique de « Mohr-Coulomb ». Le critère de Mohr-Coulomb correspond à un cône dans l’espace des contraintes. Pour représenter l’état des contraintes et le critère de Mohr-Coulomb, on considère un planΠ

d’orienta-tion n dans le milieu. Les contraintes appliquées agissant sur ce plan sontσnetσt, avec :

σn = σn.n, (1.6)

σn

σt

σ1 σ2

. .

p

.

q ϕc

(a) (b)

ϕ

c

(Π)

t

n

θ

Figure 1.32: (a) Cercle de Mohr : le cercle représente l’ensemble des états de contrainte(σn, σt) stables.

L’angleϕ est l’angle de frottement interne du matériau. (b) Plan de glissement associé.

Les contraintes normale et tangentielle, σn etσt, varient avec la direction de n ; figure1.32(b). L’en-semble des états de contraintes pour différentes direction de n est représentée par le cercle de Mohr de rayonq = (σ1−σ2)/2 et centré sur le point σn= p et σt= 0 (état isotrope) ; figure1.32(a). Sur le même plan, le critère de Mohr-Coulomb est représenté par un cône dont le sommet est situé à l’origine (dans le cas non cohésif) et fait un angleϕ avec l’axe σn. Il s’agit de l’angle de frottement interne maximal ou résiduel. On a la relation suivante :

σt= µ σn, (1.8)

avecµ = tan ϕ. Le cercle de Mohr est à l’intérieur du cône de Coulomb. Le seuil plastique est atteint

lorsque le cercle de Mohr touche le cône de Coulomb [79,114]. On peut voir géométriquement que cet état correspond bien à la condition q/p = sin ϕ, où σtn = tan ϕ. Il est facile à voir que le plan Π

pour lequel cette condition est satisfaite, fait un angle égale àβ = π/4 + ϕ/2 avec la direction principale

majeure des contrainte. C’est donc un plan de glissement ou plus généralement un plan de localisation des déformations. Remarquons que, l’angle de frottementµ au pic est dépendant de la compacité initiale,

tandis que l’angle de frottement résiduel peut être considéré comme une propriété du matériau et varie de 20˚ pour un empilement de billes de verre, jusqu’à 50˚ pour des graviers non traités [72].

Le modèle de Mohr-Coulomb ne prend pas en compte les variations de volume et la dilatance. Il s’agit en fait d’un modèle rigide plastique caractérisé par un seul paramètre. Or, le pic de contrainte est lié aux variations de volume et à la densité initiale. De même, les variations de volume déterminent l’importance des contraintes générées dans un matériau granulaire confiné ou cinématiquement contraint. Par exemple, dans un sol lâche et saturé d’eau, le cisaillement induit par une vibration peut entraîner la liquéfaction du sol. Une approche plus complète, connue sous le nom de « Théorie des états critiques » inclut un écrouissage gouverné par la déformation volumique [115]. Ce modèle est en partie validé par l’expérience [131].

Les aspects discutés plus haut ne concernent que le comportement d’un matériau granulaire pour une sollicitation monotone. Or, une propriété fondamentale des milieux granulaires est justement la

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Figure 1.33: Déformation volumiqueεven fonction de l’inclinaisonθ du système [35].

pendance de la réponse par rapport à la direction de sollicitation. Par exemple, sous l’effet de sollicita-tions cycliques la compacité augmente progressivement si l’amplitude des déformasollicita-tions est suffisamment faible ; figure1.33. Actuellement il n’existe aucun modèle phénoménologique satisfaisant permettant de décrire la rhéologie quasi-statique d’un milieu granulaire prenant en compte l’anisotropie et les variations de volume [124]. De même, de nombreux travaux sur la micromécanique des systèmes granulaire depuis 20 ans montrent qu’une modélisation réaliste prenant en compte les mécanismes locaux implique la ca-ractérisation fine de la microstructure. Une telle modélisation devrait, entre autres, permettre de calculer les grandeurs macroscopiques associées à l’état critique (dilatance, déviateur de contrainte, pression...) sur la base uniquement des particules et de leurs interactions et de permettre de calculer l’évolution du système en termes des variables internes telles que , la coordinance et l’anisotropie [107,124]. Ce point est discuté dans la section suivante.

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