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Chapitre 5. Discussion et conclusion

5.1 Comportement navigationnel

Les résultats ont démontré que les participants des deux groupes maintenaient des vitesses similaires pour chacune des conditions expérimentales. Les usagers de fauteuil roulant motorisé démontraient toutefois une plus grande variabilité dans la vitesse. Malgré que la vitesse maximale d’un fauteuil roulant motorisé soit établie à ~10 km/h au Québec, ces usagers choisissaient une vitesse bien inférieure à cette limite, et ce, pour les trois conditions. Le fait que ces usagers aient adopté une vitesse plus lente peut être le reflet d’un comportement plus sécuritaire dans le contexte de l’environnement plus restreint du laboratoire, leur permettant ainsi d’ajuster plus facilement leur navigation en fonction des contraintes environnementales présentes. Cooper et collègues (2002) ont par ailleurs rapporté que les usagers de fauteuil roulant motorisé conduisaient à ou près de 10 km/h seulement pour de courtes périodes d’accélération sur quelques mètres et que cette vitesse était davantage reliée à une traversée d’une intersection, à l’évitement de piétons à l’extérieur ou lors de compétition sportive. Ils ont également rapportés que la vitesse moyenne par jour des usagers en fauteuil roulant motorisé étaient d’environ 0,5 m/sec, ce qui incluait tous les déplacements, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur (Cooper et al., 2002). Bien que manœuvrer un fauteuil roulant motorisé soit très différent du fauteuil roulant manuel par son contrôle via une manette (joystick), aucune différence significative entre les deux groupes n’a été démontré concernant le dégagement minimal du corps, pour les conditions de CD et CO. Le fauteuil roulant manuel est souvent considéré comme étant une extension de soi. En saisissant les cerceaux du fauteuil roulant manuel, la personne reçoit un feedback somato-sensoriel à propos de la dimension du fauteuil, ce qui contribuerait à une meilleure estimation des ses propres exigences spatiales dans l’environnement (Higuchi, Hatano, et al., 2009). Les résultats de la présente étude

suggèrent que les utilisateurs de fauteuil roulant motorisé (9/10 participants ont une tétraplégie) démontrent une bonne perception de leurs exigences spatiales. Higuchi et collègues (2009) avaient également démontré que malgré la présence de déficits somato- sensoriels au niveau des membres supérieurs, les individus ayant une tétraplégie avaient une bonne perception de leurs propres exigences en fauteuil roulant manuel lors de la locomotion pour traverser un cadre de porte (Higuchi, Hatano, et al., 2009). Ils ont également proposé que les individus ayant une tétraplégie étaient plus propices à utiliser la mémoire visuelle pour déterminer si une ouverture était passable ou non, plutôt que de se fier aux informations somato-sensorielles de la dimension du fauteuil roulant manuel avec le positionnement des mains sur les cerceaux. Ainsi, bien que les deux groupes se comportent de la même façon, il est possible que les usagers de fauteuil roulant motorisé aient employé une stratégie sensorielle différente pour naviguer dans les environnements. Contrairement à nos hypothèses, le point de déviation de la trajectoire durant le CD survient au même moment, peu importe le type de fauteuil roulant utilisé. Toutefois, un contre-mouvement vers la gauche avant le changement de direction vers la droite a été observé chez 9/10 participants en fauteuil roulant motorisé et seulement chez 5/12 en fauteuil roulant manuel. Ce résultat suggère que peu importe le type de fauteuil roulant utilisé et la présence ou non d’un contre-mouvement, il y a une cohérence temporelle dans l’initiation de la déviation de la trajectoire durant le changement de direction. Le contre- mouvement réalisé avant le changement de direction est également un comportement navigationnel observé lors de la conduite automobile dans une courbe (Mars, 2008) et également retrouvé chez les usagers novices en FR manuel (Charette et al., 2015). Par contre, dans la présente étude, il semble que ce comportement est principalement utilisé chez les usagers de FR motorisé. Toutefois, le dégagement entre le corps et le FR est similaire entre les deux groupes. Le contre-mouvement observé chez les usagers de FR motorisé peut possiblement indiquer que manœuvrer un FR motorisé est davantage similaire à la conduite d’un véhicule. D’autres études sont nécessaires afin de mieux comprendre le rôle fonctionnel du contre-mouvement. Il serait intéressant de regarder la navigation lors de changement de direction avec et sans la présence d’un indice physique, tel qu’était la tige verticale dans cette étude. Néanmoins, il est très intéressant de noter que malgré la présence d’un contre-mouvement, l’initiation de la déviation de trajectoire reste constante au niveau temporelle, ce qui suggère que la planification de la trajectoire

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est indépendante du mode de locomotion (manuel vs motorisé) et de la stratégie de mouvement (avec ou sans contre-mouvement).

Durant le contournement d’obstacle, le premier point de déviation de la trajectoire se produit dès que les sujets débutent la tâche, pour les deux groupes. Pour la majorité des participants, un deuxième point de déviation plus prononcé latéralement survient plus tard, à environ 2,6 mètres et 2,3 mètres de l’obstacle pour les usagers de fauteuil roulant manuel et motorisé respectivement. Cette stratégie à deux points de déviation durant le contournement d’obstacle a également été rapporté à la marche chez les sujets sans incapacités (Paquette & Vallis, 2010), ce qui suggère un comportement généralisé indépendamment du mode de locomotion. À la marche, ce second ajustement locomoteur était réalisé à une distance d’environ 1,5 mètres de l’obstacle (Paquette & Vallis, 2010). La différence observée dans le moment de l’initiation du second point de déviation entre le fauteuil roulant et la marche reflète que le contrôle d’un véhicule externe est plus complexe et nécessite possiblement une planification plus hâtive des ajustements locomoteurs anticipatoires afin d’avoir assez de temps pour modifier la locomotion au besoin selon les contraintes environnementales.

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