• Aucun résultat trouvé

partie III Propriétés mécaniques des nanocomposites à matrice PMMA 77

8. Discussion

8.2 Comportement mécanique

8.2 Comportement mécanique

Les expériences d'analyse mécanique dynamique et les tests de compression eectués sur les échantillons contenant de la cloisite, de la laponite ou des silicates de calcium hybrides, permettent de dégager les comportements suivants :

 le module de conservation en DMA (gure 8.13) et le module d'Young en compres-sion (gure 8.14), tous deux pris à 25 °C, augmentent lors de l'ajout de charges. L'évolution en fonction du pourcentage massique de charge n'est jamais linéaire.  dans certains cas, comme la laponite MAETA ou la laponite (C18)2, le module

augmente fortement entre 0 et 0,5 % massique de charge, ensuite il reste constant ou augmente peu.

 dans le cas des silicates de calcium hybrides, quel que soit l'agent de couplage em-ployé, après l'augmentation initiale, le module diminue à mesure que la concentration augmente, jusqu'à une valeur à peine supérieure à celle de la matrice pure.

 le cas de la cloisite échangée (C18)2 est plus dicile à qualier. Dans la gamme de concentration étudiée, après l'augmentation initiale, l'évolution du module de conservation en analyse dynamique est erratique, alternant diminution et augmen-tation jusqu'à 3%. La tendance semble toutefois être une augmenaugmen-tation, le module reste systématiquement supérieur à celui de la matrice.

La modélisation la plus simple pour borner le module d'un composite est de remplacer le composite réel à deux phases par un empilement de deux couches dont on calculera les limites parallèle et série.

(φcharge Echarge +

1 − φcharge Ematrice )

−1 ≤ Ecomposite≤ φcharge.Echarge+ (1 − φcharge).Ematrice

où le module des argiles, Echarge, est égal à 80 GPa, et le module de conservation du PMMA pur déterminé par DMA, Ematrice égal à 3,1 GPa. Le modèle série prévoit un module de 3,13 GPa pour 5 % en volume de charge, tandis que le modèle parallèle donne 6,95 GPa. Les composites élaborés ont un module très proche de la borne inférieure.

D'après nos résultats, il semblerait qu'il existe un pourcentage optimum pour améliorer le module en compression et la contrainte au seuil de plasticité. Ce pourcentage est faible, de l'ordre de 1 à 2 % en poids quels que soient la charge et l'agent de couplage choisi. La présence d'un maximum ne peut s'expliquer que par une interface entre charge et matrice faible. Si le couplage était idéal, les propriétés ci-dessus devraient augmenter avec la fraction massique de charge, entre les bornes dénies plus haut. Dans le cas d'interface faible, deux eets antagonistes participent à l'évolution du module. L'ajout de charges de module élevé, favorable, augmente le module du matériau. Mais la contribution du volume interfacial, défavorable, augmente avec la fraction massique.

130 8. Discussion

Figure 8.13 : Module de conservation en analyse mécanique dynamique en fonction du pour-centage massique de charge, mesuré à 25 C.

Figure 8.14 : Module d'Young en compression en fonction du pourcentage massique de charge, mesuré à 25 C.

8.2. Comportement mécanique 131

Figure 8.15 : Contrainte au seuil de plasticité en fonction du pourcentage massique de charge, mesurée à 25 C.

Figure 8.16 : Déformation au seuil de plasticité en fonction du pourcentage massique de charge, mesurée à 25 C.

132 8. Discussion

La fraction volumique d'objets participant à l'augmentation de module et la fraction volumique d'interface participant à la diminution du module varient toutes les deux avec le nombre d'objets. Comment expliquer que, dans certains cas, un eet l'emporte (aug-mentation du module sur toute la gamme de concentration), tandis que, dans d'autres cas, les deux eets se compensent (augmentation puis plateau) ou encore que l'eet dû à l'interface l'emporte lorsque la fraction volumique augmente (module avec un maximum) ? Pour cela il faut que l'un des deux eets varie plus vite que l'autre avec le nombre d'objets. L'hypothèse que l'on peut avancer est que les particules s'agrègent en agrégats avec un rapport d'aspect variable selon les systèmes. En admettant que la zone interfaciale occupe un volume lié au plus grand axe des agrégats (voir gure 8.17), on peut concevoir que, pour des agrégats allongés, l'eet d'aaiblissement puisse l'emporter sur l'eet renforçant. En eet, Van Damme et al. [95] ont montré que le rapport d'aspect des agrégats était le même que le rapport d'aspect des feuillets les composant en utilisant un modèle d'agrégation fractale, l'agrégation limitée par la diusion (DLA).

Figure 8.17 : Agrégat de particules plaquettaires, le rapport d'aspect reste identique.

C'est dans les cas où la densité de greage ou d'adsorption est la plus élevée que la diminution du module après la croissance initiale est la plus importante. En supposant que le nanocomposite est constitué de 3 phases : la charge, la zone interfaciale de courtes chaînes greées et la matrice avec des chaînes de masse molaire plus grande, comme cela est déjà suggéré pour expliquer la diminution de température de transition vitreuse, on peut penser que la forte densité de greage ou d'adsorption conduit à la création, d'une zone pauvre en chaînes de PMMA au voisinage de l'interface. L'eet de l'interface l'emporte alors sur l'eet renforçant des charges.

Conclusion

Nous avons étudié l'inuence de la nature de la charge et de l'interface sur les propriétés mécaniques et sur la transition vitreuse des nanocomposites méthacrylate de méthyle -silicates lamellaires. Nous avons pu dégager un certain nombre de points importants :

 l'introduction de nanoparticules lamellaires dans une matrice thermoplastique pou-vait conduire tantôt à une augmentation, tantôt à une diminution de la température de transition vitreuse. De manière surprenante, c'est l'abaissement de la Tg qui est le comportement le plus fréquemment observé et c'est l'eet le plus intense.

 l'abaissement de Tgsemble décorrélé de la qualité de l'interface charge-matrice. C'est dans le cas d'une interface continûment covalente que des baisses de Tg parmi les plus importantes ont été observées.

 la diminution de Tg semble décorrélé du facteur de forme des charges, pour une morphologie qui reste malgré tout plaquettaire.

 l'abaissement de Tg semble corrélé à la densité, soit de greage, soit d'adsorption à l'interface.

 une baisse de Tg n'est pas incompatible avec un eet renforçant, i.e. une augmenta-tion du module de compression, mais ce dernier n'est alors perceptible que pour des fractions volumiques de charges de l'ordre du pourcent. A des fractions volumiques supérieures, l'eet renforçant peut soit demeurer constant, soit s'évanouir.

De ces observations, seule la coexistence d'une baisse de Tg et d'un éventuel eet renforçant est relativement évidente à expliquer puisque les mesures de module ont, dans tous les cas, été eectuées dans une gamme de température située largement en dessous de Tg. Compte tenu de la faible variation du module de la matrice sous Tg, il est normal d'obtenir un eet faible sur ce module. Seul subsiste alors l'eet renforçant de la charge.

134 Conclusion

La saturation, ou même la diminution, de l'eet renforçant lorsque la fraction volu-mique de charge dépasse environ 1 % et l'indépendance de cette évolution par rapport au facteur de forme indique, d'une part, que le volume exclu des particules n'est pas un paramètre pertinent du renforcement et, d'autre part, que l'eet renforçant entre en compétition avec un eet défavorable. Ce dernier apparaît, lui aussi, indépendant de la qualité de l'interface puisque c'est avec l'interface en principe la plus forte (dans le cas des charges CSH) que le passage par un maximum puis la diminution de E sont observés. Le point le plus dicilement interprétable est sans aucun doute la baisse de Tg dans le cas d'une interface forte. Les schémas proposés jusqu'à présent pour expliquer la variation de Tg dans les polymères aux interfaces conduisent à la prédiction, intuitivement évidente, que la transition vitreuse doit augmenter lorsque la qualité de l'interface augmente. Ce n'est pas ce que nous avons observé, malgré une densité de greage élevée. Qui plus est, la densité de l'interface semble, elle aussi, agir en sens inverse du sens attendu. Tout se passe comme si une densité de greage (pour les charges CSH) ou d'adsorption (dans le cas de la cloisite) élevée induisait une mobilité accrue des chaînes situées au voisinage de l'interface. On ne peut s'empêcher de penser au caractère autophobe des brosses denses de polymères.

Nos résultats remettent donc en cause un certain nombre de points considérés comme acquis dans la littérature portant sur les nanocomposites. Il convient malgré tout de rester prudent dans la mesure où nous manquons d'éléments d'information directs sur la qualité des interfaces.

Plusieurs voies pourraient être explorées an de compléter cette étude. Dans les sys-tèmes chargés en phyllosilicates, outre la nature de la charge, il serait intéressant de modier la nature chimique des ammoniums compatibilisants et leur densité à la surface des argiles. De même, dans les silicates de calcium hybrides, où lors de la synthèse, il est possible de xer le nombre de chaînes pouvant réagir avec la matrice PMMA, nous pour-rions éventuellement améliorer la force de l'interface entre charge et matrice, en diminuant la densité de greage. On pourrait alors envisager de déterminer la densité de greage par des techniques spectroscopiques (résonance magnétique nucléaire, infrarouge) en séparant les particules de la matrice par extraction.