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1.1 Les alliages de zirconium

1.1.4 Comportement mécanique

Les alliages de zirconium ont un comportement élastoviscoplastique anisotrope. Plus précisément, la contrainte d’écoulement évolue avec la déformation plastique (écrouissage), la vitesse de déformation (sensibilité de la contrainte à la vitesse de déformation) et la direction de sollicitation (anisotropie). Ces propriétés dépendent notamment de la température, l’irradiation, la teneur en hydrogène, l’état métal- lurgique et la composition chimique du matériau. Cette partie dresse une synthèse bibliographique des principales propriétés abordées durant notre étude ; les proprié- tés telles que la croissance sous irradiation, le fluage d’irradiation ou la restauration par exemple ne sont pas traitées.

a) Résistance mécanique

D’une manière générale, la contrainte d’écoulement des alliages de zirconium diminue avec la température (figure 1.12) (Kelly and Smith, 1973; Thorpe and Smith, 1978; Bauer and Lowry, 1978; Derep et al., 1979; Lowry et al., 1981; Yi et al., 1992; Lee et al., 2001, 2007; Elbachiri et al., 2003; Kim et al., 2005; Desquines et al., 2005b; Cazalis et al., 2007). Néanmoins, un « plateau athermique » est parfois observé, en particulier dans les alliages recristallisés, entre 200 °C et 450 °C selon la vitesse de déformation (figure 1.13). Ce palier est attribué au phénomène de vieillissement dynamique, lié aux interactions entre les dislocations mobiles et les atomes d’oxygène. Dans certains cas, ce phénomène est associé à des discontinuités périodiques caractéristiques de l’effet Portevin le Châtelier, résultant d’une valeur négative de la sensibilité de la contrainte à la vitesse de déformation. Les effets du vieillissement disparaissent avec l’irradiation, en raison du piégeage des atomes d’oxygène par les lacunes (Veevers and Rotsey, 1968; Kelly and Smith, 1973). Pour plus d’informations sur le phénomène de vieillissement dynamique dans les alliages de zirconium, on pourra se référer aux revues bibliographiques de Prioul (1995) et Graff (2006).

L’irradiation conduit à un fort durcissement du matériau, qui se traduit par une augmentation de la contrainte d’écoulement, due aux boucles de dislocations qui entravent le glissement des dislocations de déformation (figures 1.12 et 1.14) (Higgy and Hammad, 1972; Rieger and Lee, 1974; Bauer and Lowry, 1978; Northwood et al., 1979; Lowry et al., 1981; Yasuda et al., 1987; Tomimura et al., 1996; Regnard et al., 2002; Onimus et al., 2005, 2006; Christodoulou et al., 2007). Conformément à l’évolution de la densité des boucles de dislocations hai, le durcissement d’irradiation

Figure 1.12 – Evolution en fonction de la température de la contrainte maximale mesurée en traction axiale (vitesse de déformation 0.025 min−1) sur des échantillons de gaines en Zircaloy–4 non irradiées et irradiées durant 1, 2 et 3 cycles en REP (Lowry et al., 1981).

Figure 1.13 – Limite d’élasticité du Zircaloy–4 non irradié en fonction de la tempé- rature à différentes vitesses de déformation (Lee et al., 2001).

(Christodoulou et al., 2007) : la recombinaison des défauts ponctuels est facilitée par les températures d’irradiation élevées. Lorsqu’il est soumis à des températures supérieures à sa température d’irradiation, le matériau retrouve progressivement – d’autant plus rapidement que la température est élevée par rapport à la température d’irradiation – le comportement du matériau non irradié, du fait de la restauration des défauts d’irradiation (figure 1.15) (Bauer and Lowry, 1978; Lowry et al., 1981; Adamson and Bell, 1985; Tomimura et al., 1996; Ribis et al., 2006; Nakatsuka et al., 2007).

Figure 1.14 – Evolution en fonction de la fluence (en n.cm−2) de la limité d’élasticité, de la contrainte maximale et de l’allongement réparti (en %) du Zircaloy–4 irradié à 335 °C (Higgy and Hammad, 1972).

Enfin, Berat-Robert et al. (Berat-Robert et al., 2000; Berat-Robert, 2001) ont constaté que le comportement mécanique du Zircaloy–4 recristallisé sollicité en trac- tion axiale à 400 °C, et dans une moindre mesure en pression interne, est légèrement renforcé (augmentation de la résistance mécanique et diminution de l’allongement réparti) par la couche d’oxyde (jusqu’à une épaisseur de 30 µm).

b) Ecrouissage

Les natures isotrope et cinématique (effet Bauschinger observé durant des essais cycliques de traction/compression) de l’écrouissage des alliages de zirconium ont été mises en évidence (Delobelle et al., 1996; Prat et al., 1998; Geyer, 1999; Schäffler et al., 2000; Onimus et al., 2006). Un coefficient d’écrouissage moyen de 0.07 à tem- pérature ambiante et de 0.06 à 300 °C a été déterminé, à partir d’essais de traction circonférentielle, par Link et al. (1998) et Daum et al. (2002b) pour le Zircaloy–4 détendu. L’allongement réparti décroît légèrement en fonction de la température (figure 1.16).

Figure 1.15 – Influence de la température et du temps de recuit sur la limite d’élas- ticité et l’allongement réparti de gaines en Zircaloy–4 irradiées à environ 350 °C (fluence de 2.3 · 1025n.m−2) testées en traction axiale à 371 °C (vitesse de déforma- tion de 0.025 /min) (Bauer and Lowry, 1978).

Figure 1.16 – Evolution en fonction de la température de l’allongement réparti me- suré en traction axiale (vitesse de déformation de 0.025 /min) sur des échantillons de gaines en Zircaloy–4 non irradiées et irradiées (Lowry et al., 1981).

irradié en début de plasticité (Yasuda et al., 1987; Onimus et al., 2005, 2006), en raison d’une augmentation de l’écrouissage cinématique avec l’irradiation. Le taux d’écrouissage du matériau irradié décroît rapidement en fonction de la déformation plastique et atteint, pour une même déformation plastique, des valeurs plus faibles que celui du matériau non irradié, qui décroît plus lentement. De nombreux auteurs ont constaté une diminution de l’allongement réparti avec l’irradiation (figures 1.14 et 1.16) (Higgy and Hammad, 1972; Rieger and Lee, 1974; Rosenbaum et al., 1974; Bauer and Lowry, 1978; Derep et al., 1979; Lowry et al., 1981; Yasuda et al., 1987; Garde, 1989; Garde et al., 1996; Tomimura et al., 1996; Adamson, 2000; Regnard et al., 2002). Ce phénomène est associé à une localisation précoce de la déformation dans des bandes de cisaillement macroscopiques étroites.

Un renforcement du matériau par les hydrures (limite d’élasticité peu affectée et augmentation linéaire de la contrainte maximale en fonction de la teneur en hy- drogène) est couramment observé à température ambiante lorsque les hydrures sont parallèles à la direction principale de sollicitation (figure 1.17) (Bai et al., 1994b; Prat et al., 1998; Wisner and Adamson, 1998; Bouffioux and Rupa, 2000; Grange et al., 2000a; Arsène et al., 2003a; Yagnik et al., 2004; Kim et al., 2007a). Ce renforcement est souvent attribué à un effet composite, les hydrures étant plus durs que la matrice à cette température (Prat et al., 1998; Yamanaka et al., 1999; Bouf- fioux and Rupa, 2000; Grange et al., 2000a; Arsène et al., 2003a). Une diminution de l’allongement réparti a également été constatée lorsque la teneur en hydrogène augmente. L’influence des hydrures sur le comportement mécanique du matériau décroît avec la température (Arsène et al., 2003a; Yagnik et al., 2004; Kim et al., 2007a). Il a été montré que le module d’Young et la limite d’élasticité d’hydrures de zirconium solides δ évoluent de manière significative avec la température (figure 1.18) (Barraclough and Beevers, 1969; Puls et al., 2005).

L’hydrogène en solution solide renforce la résistance au fluage du Zircaloy–4 détendu (Bouffioux and Rupa, 2000) tandis qu’il accentue la vitesse de fluage du Zircaloy–4 recuit (Rupa et al., 2002). L’adoucissement du matériau par l’hydrogène en solution solide, également observé par Yamanaka et al. (2004), est attribué à une diminution de l’ancrage des dislocations par les atomes interstitiels (oxygène), une augmentation de la mobilité des dislocations (Rupa et al., 2002) et/ou une réduction de l’énergie de liaison des atomes de zirconium (Yamanaka et al., 2004).

c) Sensibilité de la contrainte à la vitesse de déformation

La sensibilité de la contrainte à la vitesse de déformation est globalement positive (la contrainte d’écoulement augmente avec la vitesse de déformation) et croissante en fonction de la température (Kelly and Smith, 1973; Thorpe and Smith, 1978; Derep et al., 1979; Lowry et al., 1981; Yi et al., 1992; Lee et al., 2001, 2007; Elbachiri et al., 2003). Toutefois, un creux de sensibilité à la vitesse de déformation a été rapporté dans certaines conditions de température et de vitesse de déformation, en particulier

(a)

(b)

Figure 1.17 – (a) Influence de la teneur en hydrogène (hydrures parallèles aux parois des tôles) sur (a) la limite d’élasticité, la contrainte maximale et (b) l’allongement réparti du Zircaloy–4 recristallisé (sous forme de tôle) testé à température ambiante selon les directions longitudinale (L), transverse (T) et à 45◦ des directions L et T (Grange et al., 2000a).

(a) (b)

Figure 1.18 – Evolution en fonction de la température du (a) module d’Young appa- rent et de (b) la limite d’élasticité en compression d’hydrures de zirconium δ massifs de différentes compositions stoechiométriques sollicités en compression (Puls et al., 2005).

dans le cas des alliages recristallisés (figures 1.13 et 1.19). Cette « anomalie » est associée au phénomène de vieillissement dynamique. La sensibilité de la contrainte à la vitesse de déformation du Zircaloy–4 vierge et irradié diminue avec le niveau de contrainte (Delobelle et al., 1996; Geyer, 1999; Schäffler et al., 2000; Nam et al., 2002). Une augmentation avec l’irradiation, liée à l’activation du glissement basal, de la sensibilité de la contrainte à la vitesse de déformation a été observée à 350 °C par Onimus et al. (2006) dans des alliages de zirconium recristallisés. On peut également envisager que cette augmentation est liée à la disparition de l’effet de vieillissement dynamique avec l’irradiation.

d) Anisotropie plastique

La texture marquée du matériau et le faible nombre de systèmes de glissement autorisé par la maille hexagonale compacte confèrent au matériau un comportement mécanique anisotrope (figure 1.20) (Murty and Mahmood, 1991; Limon et al., 1995; Delobelle et al., 1996; Geyer, 1999; Schäffler et al., 2000; Grange et al., 2000a; Murty and Charit, 2006). Plus précisément, dans le cas d’une géométrie tubulaire, son comportement est orthotrope avec pour directions principales les directions ra- diale, circonférentielle et axiale du tube. L’anisotropie plastique du Zircaloy–4 évolue avec la température, en particulier au–delà de 300 °C (Limon et al., 1995; Schäf- fler, 1997; Murty and Charit, 2006). Une modification ou plus précisément une réduction de l’anisotropie avec l’irradiation a été observée vers 300 °C dans le Zir- caloy recristallisé (Nakatsuka and Nagai, 1987; Mahmood et al., 1989; Murty and

Figure 1.19 – Coefficient de sensibilité de la contrainte à la vitesse de déformation (×100), m = ∂ ln σ/∂ ln ˙ǫ, en fonction de la température pour le M5 et le Zircaloy– 4 détendu et recristallisé testés en traction sens long (SL) et sens travers (ST) à 5 · 10−5s−1 (Elbachiri et al., 2003).

Mahmood, 1991; Mahmood et al., 1992; Yagnik et al., 2005) et le Zircaloy–4 détendu (Bauer and Lowry, 1978; Fandeur, 2001; Yagnik et al., 2005) (figures 1.21 et 1.22). L’anisotropie mesurée lors d’essais de fluage évolue en fonction de la contrainte appliquée ; elle tend vers l’anisotropie obtenue lors d’essais d’écrouissage (vitesse de déformation imposée) lorsque le niveau de contrainte augmente (Limon et al., 1995; Schäffler, 1997). L’évolution de l’anisotropie peut être corrélée à celle des mécanismes de déformation activés. Grange et al. (2000a) n’ont pas constaté de modification par les hydrures de l’anisotropie plastique de tôles en Zircaloy–4 re- cristallisé testées à température ambiante. En revanche, une réduction, en fonction de la teneur en hydrogène (hydrures circonférentiels), de l’anisotropie plastique de gaines en Zircaloy–4 détendu et recristallisé non irradiées a été observée par Yagnik et al. (2005) à température ambiante (figure 1.22).

e) Modélisation

Plusieurs modèles ont été proposés pour représenter, de manière unifiée, le com- portement élastoviscoplastique anisotrope des alliages de zirconium.

Par exemple, un modèle macroscopique phénoménologique a été développé par Robinet (1995) et Delobelle et al. (1996), à partir d’essais multiaxiaux monotones et cycliques (vitesses de déformation comprises entre 6.6 · 10−7s−1 et 6.6 · 10−4s−1 pour les chargements à vitesse de déformation imposée), pour décrire le comportement mécanique à 350 °C des gaines en Zircaloy–4 détendu et recristallisé non irradiées. Le modèle a ensuite été étendu au cas du Zircaloy–4 détendu irradié en REP jusqu’à 8.5 · 1025n.m−2 (Schäffler, 1997; Schäffler et al., 2000), en y incluant par ailleurs les effets de la température entre 350 °C et 400 °C (vitesses de déformation entre 2 · 10−6s−1 et 2 · 10−3s−1). Le modèle a finalement été enrichi pour représenter

Figure 1.20 – Coefficients de Lankford R et P (rapports entre les déformations plastiques mesurées à travers la largeur et l’épaisseur d’une éprouvette sollicitée en traction uniaxiale selon la direction de laminage et la direction transverse respecti- vement) de tôles en Zircaloy–4 en fonction de la température (matériau isotrope : R = P = 1) (Murty and Charit, 2006).

Figure 1.21 – Surfaces de charge normées déterminées à partir de mesures de dureté Knoop sur des tubes en Zircaloy–2 non irradiés et irradiés (fluence de 2.8·1025n.m−2 et température de 300 °C) (Nakatsuka and Nagai, 1987).

Figure 1.22 – Rapports, en fonction de la température de recuit, des contraintes maximales mesurées à température ambiante en traction plane circonférentielle et en traction axiale sur des gaines en Zircaloy–4 non irradiées contenant différentes teneurs en hydrogène et des gaines irradiées à 1026n.m−2 (Yagnik et al., 2005).

l’influence de la température entre 320 °C et 420 °C, ainsi que le fluage thermique à long terme et le fluage d’irradiation (Richard et al., 2003).

Des modèles polycristallins, prenant en compte la microstructure du matériau et les mécanismes physiques à l’origine de la déformation plastique, ont par ailleurs été élaborés. Geyer (1999) a développé un modèle polycristallin pour le Zircaloy–4 recristallisé non irradié, pour des températures d’essais de 20 °C et 350 °C. Fandeur (2001) a identifié ce modèle pour les gaines en Zircaloy–4 détendu non irradiées et irradiées testées à 350 °C. Onimus et al. ont enrichi le modèle de Geyer en prenant en compte les effets de l’irradiation sur l’activation des plans de glissement et les cinétiques d’écrouissage du Zircaloy–4 recristallisé (Onimus, 2003) et du M5 (Onimus et al., 2005) testés à 350 °C. Récemment, un modèle polycristallin simplifié, incluant un nombre de systèmes de glissement et de grains réduit, a été proposé (Rousselier and Leclercq, 2006) et appliqué au Zircaloy–4 recristallisé (Leclercq et al., 2007). Ce modèle permet d’obtenir des temps de calcul acceptables pour les calculs de structure – ce qui n’est, encore à l’heure actuelle, pas le cas de la majorité des modèles polycristallins – tout en conservant les avantages des modèles polycristallins.

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