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Chapitre 3. Caractérisation des nanofeuillets d'oxyde de graphène et de graphène

2. Réponse tribologique des nanocomposites

2.1. Comportement en frottement des nanocomposites

Une évolution typique du coefficient de frottement de la matrice XNBR non chargée, considérée comme référence, avec le nombre de cycles est présentée sur la figure 5.3. Après une première phase de rodage limitée à quelques cycles, le coefficient de frottement du XNBR pur présente deux stades différents lors de son évolution en fonction du temps. Le premier stade,

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qui s’étend jusqu’à environ 8000 cycles, est caractérisé par une décroissance progressive du coefficient de frottement en fonction du nombre de cycles. Pour le deuxième stade, le coefficient de frottement bien que quasiment constant présente une grande instabilité (il fluctue de manière plus prononcée jusqu’à la fin de l’essai). Il est à noter que les processus d’usure dans les contacts glissants sont supposés être également conditionnés par plusieurs facteurs tels que la température à l’interface. En effet, le caoutchouc pur conserve, à température ambiante, une résistance élevée produisant ainsi un large coefficient de frottement initial. Une fois que le glissement a débuté, des particules d’usure sont émises, ainsi un lit de particules à faible cisaillement vient s’installer et couvrir une partie de la surface de contact. Ceci engendre une baisse continue du coefficient de frottement. Au cours du glissement, des débris d’usure sont de plus en plus détachés ainsi l’élastomère subit de fort creusement jusqu’à sa dégradation. En effet, les fluctuations intenses du coefficient de frottement au-delà de 8000 cycles (deuxième stade) sont expliquées par des irrégularités à la surface de l’échantillon qui pourraient être due principalement à sa dégradation.

Figure 5.3. Evolution typique du coefficient de frottement du XNBR pur avec le nombre de cycles

Il est à noter que la courbe du COF lissé est obtenue par lissage des valeurs du COF en fonction du nombre de cycles en appliquant la méthode de la moyenne glissante sur un horizon de travail de vingt points.

Une évolution typique du coefficient de frottement avec le nombre de cycles, à différentes proportions d’oxyde de graphène incorporés dans la matrice en XNBR, est reportée sur la figure 5.4. Une réduction notable du coefficient de frottement est observée suite à l’addition des

-1 0 1 2 3 4 5 0 2000 4000 6000 8000 10000 C o ef fi ci em t d e fr o tt em en t N-cycles

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nanoparticules d’OGe à la matrice XNBR. En ce qui concerne les nanocomposites XNBR/OGe, les courbes donnant l’évolution du COF en fonction du nombre de cycles présentent sensiblement des allures similaires. On observe tout d’abord une période de décroissance du coefficient de frottement avant ‘stabilisation’ de celui-ci, période qui est propre aux différents composites.

Figure 5.4.Evolution typique du coefficient de frottement avec le nombre de cycles des nanocomposites en XNBR chargés de différentes teneurs en OGe

En effet, le coefficient de frottement diminue progressivement au début d’essai jusqu’à atteindre une valeur minimale à laquelle il se stabilise. Ce régime d’accommodation est établi après un nombre de cycles variable selon la quantité d’OGe dans le nano composite. Cette stabilisation est d’autant plus rapide ou « accélérée » que le taux d’OGe incorporée est élevé. Le coefficient de frottement reste alors stable jusqu’à la fin de l’essai.

Une représentation schématique (figure 5.5) a été proposée par Felhos et ses collaborateurs (Felhos et al., 2008) pour mieux comprendre l’évolution du coefficient de frottement en fonction du temps pour une configuration pion-disque : une phase transitoire (rodage ou «running-in») caractérisée par un coefficient de frottement élevé, suivie par une diminution de celui-ci jusqu’à stabilisation. Initialement, aucune trace d’usure et aucun débris d’usure ne sont présents à la surface de l’échantillon élastomère. La pression normale de contact est élevée et l’extrémité sphérique de l’indenteur pénètre profondément dans la surface du

0 1 2 3 4 5 0 2000 4000 6000 8000 10000 C o ef fi ci en t d e fr o tt em en t N-cycles

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massif en caoutchouc. Dans ce cas, les macro-déformations (la pénétration du pion dans le caoutchouc) et la surface de contact réelle (la surface de contact en absence des particules d’usure) sont les plus élevées. Suite au chargement tangentiel une résistance importante à la macro-déformation se développe et du fait de l’aire de contact importante la composante adhésive de la friction est élevée (figure 5.5 a). De ces deux phénomènes couplés peut résulter un coefficient de frottement élevé. Au cours du glissement, la surface de l’élastomère va progressivement s’accomoder avec la bille en acier et le contact a tendance à devenir conforme entrainant de facto une baisse de la profondeur de pénétration et donc de la contrainte tangentielle associée à la déformation. En effet, plus la profondeur de pénétration du pion est faible plus la composante tangentielle due à la macro-déformation est faible. Parallèlement, le rapport de la surface de contact réelle (contact direct élastomère/indenteur) sur la surface apparente diminue puisque durant le glissement les particules d’usure sont émises et vont constituer un lit dont la contrainte de cisaillement sera plus faible et vont également présenter une composante adhésive plus faible (figure 5.5 b). Ceci conduit à une baisse monotone du coefficient de frottement jusqu’à stabilisation du lit de particules. Ce dernier est beaucoup plus rapidement établi par les charges lubrifiantes dans les nanocomposites et est directement fonction du taux de charge.

Figure 5.5. Le glissement et le mécanisme d’usure pour une configuration Pion-disque (Felhos et al., 2008)

Par ailleurs, afin d’analyser l’impact de l’addition des particules d’OGe sur le comportement tribologique en termes de frottement du XNBR, on a considéré le coefficient de frottement (COF) initial, déterminé pendant la première minute de la phase de rodage, et celui dit stabilisé résultant de la valeur moyenne de la phase où il est constant. La figure 5.6 présente la variation des coefficients de frottement (initial et stabilisé) en fonction de la teneur en OGe pour les nanocomposites XNBR/OGe de l’étude. La valeur du COF initial chute de 3,42 à 2,97

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suite à l’addition de 1phr d’OGe puis il décroit d’avantage pour atteindre une valeur minimale égale à 1,77 à 2phr d’OGe. Ce comportement est expliqué par le pouvoir lubrifiant des nanoparticules d’OGe. En effet, la structure fondamentale d’OGe consiste en des couches faiblement liées qui possèdent intrinsèquement une faible résistance au cisaillement (Lee et al., 2009). Il est bien entendu que les lubrifiants solides permettent aux contre-faces chargées de glisser sur une surface avec un faible COF correspondant ainsi à une résistance tangentielle minimale (Singer et al., 1992).

Figure 5.6. Variation des valeurs moyennes du coefficient de frottement initial et stabilisé des nanocomposites en fonction de la teneur en OGe.

D’autre part, l’addition d’une faible teneur d’OGe (0,2phr) dans la matrice XNBR semble stabiliser le COF au bout des 3700 cycles à une valeur moyenne égale à 2,16. A 0,5phr d’OGe le COF stabilisé passe à 1,81 et il demeure quasi inchangé pour les nanocomposites chargés de 1phr d’OGe. La valeur minimale du coefficient de frottement stabilisé est égale à 1,57 est obtenue pour une teneur de 2phr d’OGe. Il apparaît, en comparant les différentes courbes, que l’addition des nanoparticules d’OGe améliore le comportement en frottement du XNBR et que cette amélioration est d’autant plus importante que le taux d’OGe ajouté est élevé. Ceci suggère une dispersion homogène des nanoparticules dans la matrice. Le frottement avec un troisième corps s’établi pour le XNBR pur au bout de 8000 cycles sur un lit de grosses particules à faible cisaillement et sous faible pression (creusement) alors que pour les nanocomposites le troisième corps est fin et homogène et se compose très probablement de nanoparticules.

0 1 2 3 4 5 0 0,5 1 1,5 2 C o ef fi ci e n t d e fr o tt em e n t Teneur en OGe (phr) COF initial COF stabilisé

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2.1.2. Impact de la réduction chimique ou thermique de l’oxyde de graphène sur le coefficient du frottement des nanocomposites

Dans ce paragraphe, l’étude sera focalisée sur l’effet de la réduction chimique ou thermique d’oxyde de graphène sur la réponse en frottement du XNBR. A des fins de comparaison, des essais de frottement sous un chargement normal de 2N ont été également effectués sur des nanocomposites XNBR/graphène. La figure 5.7 présente des courbes typiques de l’évolution du coefficient de frottement en fonction du nombre de cycles des nanocomposites chargés à 1phr de trois nanoparticules différentes à savoir l’oxyde de graphène (OGe), le graphène chimiquement réduit (GCR) et le graphène thermiquement réduit (GTR).

Figure 5.7. Evolution typique du coefficient de frottement avec le nombre de cycles de différents nanocomposites en XNBR chargés à 1phr

En termes d’allures, les courbes de frottement des nanocomposites XNBR/graphène sont similaires à celle du nanocomposite XNBR/OGe. Elles sont également marquées par un premier stade de décroissance progressive suivi par un deuxième stade de stabilité du coefficient de frottement jusqu’à la fin de l’essai. En effet, suite à l’incorporation de 1phr de GCR la valeur du COF se stabilise rapidement, au bout des 2000 premiers cycles, à une valeur de 1,18 la plus faible de tous les échantillons chargés testés. A partir de ce nombre de cycles, le coefficient de frottement se stabilise autour de cette valeur moyenne jusqu’à la valeur maximale du nombre de cycles considéré dans notre étude (10000 cycles). En ce qui concerne les composites XNBR/GTR, le coefficient de frottement fluctue de manière plus prononcée. Ces fluctuations pourraient être associées éventuellement à la rhéologie du troisième corps à l’interface de contact, lequel serait de morphologie différente (plus proche du XNBR pur) (Berthier, 2005).

0 1 2 3 4 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000 9000 10000 C o eff ic ie n t d e fr o tt em en t N-cycles XNBR-pur 1OGe 1GTR 1GCR

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Pareillement, on a considéré le coefficient de frottement initial et celui stabilisé afin d’analyser l’effet de l’incorporation du graphène sur le comportement tribologique en termes de frottement du XNBR. La figure 5.8 présente la variation des valeurs moyennes des coefficients de frottement (initial et stabilisé) des nanocomposites en XNBR chargés a 1phr d’OGe, de GCR et de GTR. Ces courbes montrent une réduction du coefficient de frottement suite à l’addition des nanoparticules de graphène à la matrice élastomère. En effet, les valeurs initiales du coefficient de frottement sont de 2,64 et 1,87 pour les 1XNBR/GTR et 1XNBR/GCR respectivement à rapprocher des valeurs pour les XNBR pur et chargé à 1phr d’OGe. La diminution notable du coefficient de frottement initial suite à l’addition du GCR est attribuée à la haute lubricité des feuillets de graphène sous leur forme plane. De plus, l’incorporation du GCR dans la matrice XNBR induit, outre le COF initial le plus faible, un COF stabilisé également le plus réduit (1,18). On note toutefois que l’ajout du GTR engendre une réduction moins importante du coefficient de frottement en comparaison au nanocomposite XNBR/GCR ce qui laisse supposer là encore une structure différente. En conséquence il apparait que le pouvoir réducteur en termes de frottement du GCR, ajouté à la matrice XNBR, est plus marqué que toutes les autres nano-charges de l’étude.

Figure 5.8. Variation des valeurs moyennes du coefficient de frottement initial et stabilisé de différents nanocomposites en XNBR chargés à 1phr

Le comportement en frottement des composites est connu pour dépendre de la structure chimique des particules incorporées ainsi que de leurs propriétés de surface. En effet, la présence de défauts structuraux à la surface de ces particules minimise leur capabilité à réduire la friction et à améliorer la résistance à l’usure. Les résultats obtenus sont en bonne corrélation avec les résultats publiés par Peng et ses collaborateurs (Peng et al., 2015). Dans ce même

0 1 2 3 4 5 XNBR 1OGe 1GCR 1GTR COF initial COF stabilisé

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contexte, ces auteurs (Peng et al., 2015) ont examiné comparativement la réponse tribologique des feuillets de graphène, synthétisés par différentes techniques, déposés sur une plaquette en dioxyde de silicium (SiO2) comme un lubrifiant solide. Ils ont prouvé que les nanofeuillets d’oxyde de graphène possèdent un pouvoir réducteur en termes de frottement moins marqué que celui des feuillets de graphène chimiquement réduit en raison de leur structure graphitique détruite suite à leur oxydation chimique. Les auteurs ont attribué ce résultat à la présence des défauts structuraux dans la maille d’oxyde de graphène qui se traduit par une non-uniformité des feuillets induisant alors une concentration de contrainte sous un chargement imposé durant le glissement. Une contrainte suffisamment élevée peut ainsi surmonter la résistance des feuillets d’une région précise conduisant par la suite à l’apparition des microfissures et à la fragilisation du composite.

Par ailleurs, l’état de dispersion des nanoparticules dans la matrice ainsi que l’interface élastomère/nanocharge jouent un rôle crucial sur la réponse tribologique des nanocomposites. Dès lors, la réponse en frottement des matériaux que nous avons élaborés peut être affectée par la méthodologie de préparation adoptée. Plus la phase d’homogénéisation sera efficace, plus la répartition des charges dans la matrice sera homogène. En effet, l’échantillon 1XNBR/GCR présente le pouvoir réducteur en termes de frottement le plus marqué comparativement au celui du matériau 1XNBR/GTR. Ceci pourrait être expliqué par une dispersion plus homogène et une plus forte adhésion interfaciale entre les nano-charges et la matrice.

2.1.3. Le phénomène de « Stick-Slip »

La figure 5.9 met en exergue la différence entre les courbes typiques donnant l’évolution du coefficient de frottement avec le nombre de cycles du XNBR pur et du 1XNBR/GCR.

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Figure 5.9. Superposition des courbes de l’évolution du coefficient de frottement avec le nombre de cycles des nanocomposites : XNBR pure et 1 XNBR/GCR

Lors du passage de l’indenteur sphérique, intervient l’état de surface de l’échantillon élastomère ou « rugosité » résultant directement du procédé de mise en forme (rugosité du moule). Un phénomène d’instabilité de type « stick-slip » peut de ce fait être observé. Ce terme désigne les mouvements entre deux éléments qui ne s’effectuent pas de façon douce et régulière mais, au contraire, de façon intermittente. Un tel phénomène peut engendrer une dissipation d’énergie et un endommagement des surfaces en contact. Par comparaison des deux courbes (figure 5.9), on peut noter que l’incorporation du graphène semble atténuer notablement le phénomène de « stick-slip » et favoriser la stabilité des deux corps en contact. Cet effet peut être expliqué par deux hypothèses. La première hypothèse suggère que la stabilité thermique de l’échantillon est améliorée induisant alors une baisse de la température à l’interface de contact. Le graphène sert ainsi d’interface thermique et de dissipateur de chaleur. De ce fait, l’échauffement de l’élastomère serait limité, ce qui inhibe son ramollissement et sa dégradation (Debora Daloia, 2014). Une deuxième hypothèse impliquerait une réduction de l’adhésion entre les deux premiers corps, suite à l’inclusion du graphène dans la matrice, ce qui stabilise le processus de frottement. Ce qui est en parfaite corrélation avec des résultats antérieurs fondés par Ding (Ding et al., 2011). Les auteurs ont constaté que la force adhésive est principalement déterminée par la taille du ménisque d’eau, qui dépend de la hydrophobicité du composite. Ils envisagent que la force d’adhésion diminue avec l’augmentation de l’angle de contact de la surface du matériau, ou autrement dit, avec le caractère hydrophobe de l’échantillon. Ils relatent une baisse de la force d’adhésion pour le graphène hydrophobe (voir Annexe).

-1 0 1 2 3 4 5 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000 9000 10000 C o ef fi ci en t d e fr o tt em en t N-cycles XNBR pur 1XNBR/GCR

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Par la suite, une étude plus détaillée de la piste d’usure s’avère indispensable pour mieux révéler les mécanismes d’usure présents au cours du frottement acier/XNBR chargé.