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Comportement actuel du bétail

Dans le document En synthèse : (Page 159-162)

Comme le montre la figure 2, le troupeau de vaches allaitantes à Curson occupe principalement la partie centrale de l’alpage durant la semaine 28 (du 8 au 14 juillet), secteur où se trouvent les goyas3, le chalet et la plupart des pâturages eutrophes (Veratro-Cirsietum) à haute valeur fourragère dont le chargement dépasse 3 UGB / ha (fig. 2 ; tab. 1). La partie centrale où stationne le bétail est même marquée par la présence ponctuelle de reposoirs (Chenopodietum subalpinum) – non cartographiés. Les parties inférieures et supérieures sont beaucoup moins parcourues, notamment les pelouses fraiches (Pulsatillo-Anemonetum), landes (Seslerio-Arctostaphyletum) et forêts (Asplenio-Piceetum et Huperzio-Pinetum) au chargement inférieur à 1 UGB / ha.

L’absence de points d’eau, la nature de la végétation et les distances expliquent en partie ces comportements.

Figure 2 : localisation des vaches allaitantes à Curson entre le 8 juillet et le 4 août 2013.

Chapitre IV : Pastoralisme

3Mares, étangs en patois local

Ce sous-pâturage localisé peut favoriser la densification du boisé et l’augmentation des sous-arbrisseaux (chaméphytes). Enfin, les pâturages mésotrophes comme le pâturage à laiche toujours verte (Plantagini-Caricetum), ou à pâturin alpin (Scillo-Poetum) présentent un chargement « moyen » de 2 UGB / ha, comme les pelouses sèches (Alchemillo-Seslerietum). Pour cette dernière unité, ce chiffre peut apparaitre élevé en regard de ressources trophiques moindres.

Néanmoins, nous avons déjà pu observer ce phénomène en 2012 sur ce même alpage. Ceci pourrait correspondre à ce que Ginane et al. (2008) définit comme une valorisation des reports d’herbe sur pied. En effet, la partie du pâturage en amont du chalet, dominée par les pelouses à seslérie, avait déjà été bien pâturée par les vaches allaitantes en 2012, ce qui n’était pas le cas auparavant lorsque le chargement était plus faible ; ce dernier ayant passé de 26,0 à 55,0 UGB entre 2008 et 2014, soit 13 UGB de plus que le potentiel calculé dans le cadre du diagnostic pastoral de 2007. Notons toutefois que le troupeau a franchi certaines clôtures et pâturé des secteurs non compris dans le périmètre pris en compte lors du diagnostic de 2007 (150,0 ha).

Cette première image globale de l’occupation de l’espace par le bétail reflète le libre parcours (absence de subdivision du pâturage) et la concentration des points d’eau à Curson.

Evolution des pratiques

Les alpages étudiés, soit Narderan, La Chaz, Thoiry et Curson couvrent 441,0 ha et sont tous situés sur la commune de Thoiry (tab. 2).

Entre 1935 et 1972 chaque alpage permettait d’estiver 500 ovins conduits à l’aide de chiens. La conversion des 500 ovins en UGB (Unité Gros Bétail) n’est pas aisée puisque nous ne connaissons pas la structure du troupeau (nombre de brebis, âge et poids des agneaux, etc.), mais en admettant un coefficient moyen de 0,1 UGB par ovin, nous obtenons un chargement de 50 UGB par alpage, soit 200 UGB au total (fig. 3).

L’estivage des ovins a cessé en 1972, année de la réalisation de la carte de végétation par Claude Béguin (Prunier et al., 2009). Cette dernière reflète par conséquent l’impact d’un système pastoral ovin avec gardiennage traditionnel.

Tableau 1 : charges pastorales calculées d’après 1776 heures de présence mesurées entre le 8 juillet et le 4 août 2013.

* somme des heures de présence mesurées sur chaque association pour 4 vaches (4 UGB) dotées d’un collier GPS ;

** moyenne pondérée.

Tableau 2 : caractéristiques foncières et superficie des 4 alpages étudiés. GFA = groupement foncier agricole.

Association Points GPS

Plantagini-Caricetum 61 366 11.33 6.5 1.75

Pulsatillo-Anemonetum 1 6 0.19 0.2 0.84

Scillo-Poetum 1 6 0.19 0.1 2.32

Alchemillo-Seslerietum 11 66 2.04 0.9 2.17

Seslerio-Arctostaphyletum 126 756 23.41 150 0.16

Veratro-Cirsietum 71 426 13.19 4.1 3.26

Huperzio-Pinetum 1 6 0.19 49.8 0.00

Asplenio-Piceetum 24 144 4.46 12.2 0.36

Total 296 1 776 55.00 223.7 0.25**

Alpage Commune

La Chaz Thoiry GFA Les

Sauvage 94

Thoiry Devant et

Derrière Thoiry GFA Les

Sauvage 197

Curson Thoiry GFA Les

Sauvage 150

Total 441

159

Entre 1973 et 1975 les alpages ont été peu ou pas exploités, et en 1976 seul Curson est à nouveau pâturé par des bovins et des chèvres. En 1982, les 4 alpages accueillent 175 bovins, et leur nombre augmente progressivement jusqu’en 2011 pour atteindre 294.

Exprimé en UGB, le chargement de 2011 est comparable à celui de 1972 (fig. 3).

La carte de végétation réalisée en 2008 par hepia (Prunier et al., 2009) fait apparaître des évolutions (augmentation de la surface des pâturages gras en partie centrale, augmentation des zones ligneuses en périphérie) qui pourraient être typiques du comportement observé des bovins sur des pâturages non fractionnés (cf. ci-dessus), comme observé à Curson.

En effet, toujours selon Ginane (2008), les bovins qui utilisent leur langue et possèdent une arcade incisive large sont défavorisés sur les couverts végétaux ras et ceux de moindre qualité : ils y sont moins aptes à trier les éléments de bonne qualité que les ovins au mode de préhension labial et qui possèdent une arcade incisive étroite. Ainsi, bien que globalement les herbivores cherchent à maintenir la qualité de leur régime au cours de la saison de pâturage, des études ont montré que les bovins acceptent de se reporter plus volontiers que les ovins sur des zones d’herbe épiée (Dumont et al., 1995 a et b) ou des espèces peu appétentes comme

le nard (Grant et al., 1996) lorsque la disponibilité des repousses végétatives de bonne valeur nutritive diminue. Les bovins valoriseront ainsi mieux les reports d’herbe sur pied en situation de sous-chargement, et pourront être utilisés pour limiter l’expansion d’espèces dominantes de faible valeur nutritive. A titre d’exemple, la proportion de la surface couverte par le nard (Nardus stricta) dans une lande écossaise a été réduite de 55 à 30 % après cinq années de pâturage bovin alors que dans le même temps elle augmentait jusqu’à 86

% en pâturage ovin (Grant et al. 1996). La régression locale des nardaies, comme l’extension des pâturages eutrophes (Prunier et al., 2009), ainsi que les principaux changements observés plus récemment dans la nature de la composition floristique depuis 40 ans (Prunier et al.

2017a) sont ainsi liés aux différences de comportement alimentaire et de mode de conduite du bétail.

L’alpage de Thoiry, notamment le secteur de Thoiry Derrière, illustre l’importance de la répartition des points d’eau sur le comportement des bovins en libre parcours. Les zones proches des bassins d’abreuvement sont souvent surpâturées et fertilisées par une concentration importante de déjections, alors que les zones éloignées sont systématiquement sous-pâturées.

Ce phénomène s’est encore amplifié au cours des deux dernières années par manque de bétail (fig. 4) (dans la

Chapitre IV : Pastoralisme

Figure 3 : évolution des chargements sur les 4 alpages étudiés.

mesure où les vaches ont moins besoin de s’éloigner pour trouver des sources de nourriture) et un début de pâture trop tardif.

Dans les systèmes de pâture avec des ovins conduits par un berger, l’ensemble du territoire est parcouru en fonction non seulement des points d’abreuvement, mais également de l’avancement de la végétation selon de l’altitude et de l’exposition.

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