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IV.1. Systèmes d’Aide à la Décision Médicale (SADM)

Ophtalmoclic est un outil d'aide à la prescription de type « consultant », système passif utilisé par le médecin seulement s’il pense en avoir besoin. Ce type de système est le plus fréquent, mais il existe des systèmes semi-actifs ou actifs (43) dont l'action est enclenchée automatiquement pour donner au médecin des rappels ou des conseils. Ce type de systèmes est peu répandu et surtout à l’étude en milieu hospitalier.

Dans notre étude, Ophtalmoclic a été déclaré facile d’accès et intégré dans la consultation de la plupart des médecins interrogés. On pourrait imaginer l’intégrer un jour directement dans le logiciel-métier des médecins. Mais imposer un logiciel actif au médecin reste à réfléchir même si cela pourrait être une bonne façon de faire appliquer les recommandations (43) (46).

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IV.2 Facteurs de la décision médicale

D’après « le guide pratique de la décision médicale » publié en 2004, de multiples facteurs sont à prendre en compte dans la décision médicale (47):

- la situation clinique (gravité, degré d'urgence, fréquence, objectifs thérapeutiques), - les facteurs de contexte : scientifique (niveau de preuve, connaissances), médico- légal, politique et économique (définissant les possibilités d'accès aux soins), socioculturel, religieux et psychologique (souhaits du patient)

- les acteurs: les soignants / le soigné / la collectivité.

IV.2-1. Situations cliniques

Le site Ophtalmoclic apporte une aide dans la prise en charge des pathologies ophtalmologiques aiguës pour le médecin généraliste. Les situations cliniques évoquées sont globalement appréciées par la majorité des médecins même si elles sont parfois complexes.

Par ailleurs les pathologies ophtalmologiques chroniques ont manqué pour un certain nombre de médecins.

IV.2-2. Données propres au patient

L’intégration des antécédents et du terrain du patient (allergies, facteurs de risque, mode de vie etc.) dans le site Ophtalmoclic a manqué à 6 médecins interrogés. Ces données font partie intégrante de la décision médicale.

Par ailleurs, les souhaits du patient doivent également être pris en compte. Une interface avec le médecin pourra ne pas toujours être acceptée, entrainant un recours différé au site par le médecin ou au contraire une facilitation de la relation avec une véritable démarche d’éducation du médecin.

E. 14 : « c’est dommage que le site ne nous propose pas de cocher les antécédents du

patient, à savoir si il est hypertendu, diabétique, sa profession … Cela pourrait aider aussi à l’orientation du diagnostique mais aussi à la prise en charge thérapeutique »

E. 12 : « on ne nous demande pas le terrain du patient : s’il a des allergies, un

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IV.2-3. Données propres au médecin

Les profils d’utilisateurs sont différents, comme nous avons pu le voir dans notre étude. Chaque médecin a ses propres critères de décision et le site est utilisé en fonction de ces critères. Pour autant, les objectifs thérapeutiques sont communs à tous. Dans la décision thérapeutique, les plus jeunes font plutôt confiance au traitement proposé par le site. Les plus âgés utilisent leur expérience personnelle comme référence tout en confortant parfois leur prise en charge grâce au site.

E. 6 : « pour les traitements, j’ai les mêmes axes de prise en charge que ceux proposés par le site. Je vois que ce que je propose n’est pas trop mal »

E. 7 : « en ophtalmologie je ne suis pas très doué, ça m’a bien aidé dans le choix des traitements »

IV.2-4. Manque de temps

Le ressenti du manque de temps est récurrent chez tous les médecins interrogés. Quelque soit leur activité et leurs centres d’intérêt, ils déclarent tous avoir du mal à consacrer du temps à l’utilisation d’outils annexes à leur logiciel-métier.

Certains sont à l’aise avec les outils informatiques et les introduisent facilement dans leur pratique quotidienne, d’autres au contraire sont plus réticents ; mais le manque de temps reste un frein pour tous.

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IV.2.5. Place des recommandations et Evidence Based Medicine (EBM) La pratique est de plus en plus codifiée par les recommandations des sociétés savantes pour une meilleure qualité de la prise en charge.

La formation médicale des futurs médecins est majoritairement effectuée en milieu hospitalier et met l'accent sur le respect des protocoles.

Cependant, les recommandations et les protocoles n’ont pas toujours des sources fiables et interrogent sur le caractère néfaste d’une trop grande standardisation des pratiques et une perte du raisonnement médical.

Cette phrase résume bien le conflit entre la pratique du médecin et les recommandations scientifiques : « Sans expérience clinique, la pratique risque d'être tyrannisée par les preuves. Sans preuves scientifiques actualisées, la pratique risque de devenir rapidement obsolète, au détriment des patients. » (48)

Souvent mal traduit de l’anglais, l’Evidence Based Medicine (EBM) ne se résume pas seulement à ''la médecine fondée sur les preuves'' : « La pratique de l’EBM consiste à associer l'expérience clinique individuelle, avec les meilleures données disponibles issues de la recherche clinique. Par expérience clinique individuelle, nous entendons la compétence et le jugement que chaque clinicien acquiert par son expérience et sa pratique. Une expérience accrue se manifeste à bien des égards, mais particulièrement par un diagnostic plus efficace et par une identification plus réfléchie et compréhensive des difficultés, des droits et des préférences de chaque patient, dans la décision concernant leurs soins.» (48)

Plusieurs médecins interrogés dans notre étude, notamment les plus âgés, ont évoqué leur expérience comme référence dans leur décision médicale.

Une étude qualitative anglaise de 2004 a montré que les généralistes appliquent rarement de façon directe les résultats de leurs recherches scientifiques (49). Ils utilisent plutôt des « mindline » qui sont un mode de pensée complexe qui comprend des directives de pratique tirées de leurs lectures personnelles, de leur formation, de leur expérience pratique, de l'interaction avec les confrères et les spécialistes, des laboratoires pharmaceutiques et de leurs patients.

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La majorité des médecins interrogés nous a transmis la volonté de continuer à « réfléchir par eux-mêmes ».

Notre étude a montré que le site Ophtalmoclic se prête bien au respect de l’EBM. Cependant compléter certaines données et actualiser plus fréquemment les recommandations permettrait d’en faire un support de données scientifiques de qualité. L’ambition finale d'Ophtalmoclic ne serait alors pas de nous fournir une conduite à tenir thérapeutique figée, mais d'apporter le meilleur des données actuelles de la science en intégrant l'ensemble du contexte et du terrain du patient ; sans oublier que le médecin doit rester le « chef d’orchestre » de la décision médicale.

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