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Chapitre II : synthèse et caractérisation des complexes de cuivre à valence mixte

Partie 2 : caractérisation des complexes

III. Complexe (E)

Le complexe (E) a été synthétisé par réaction entre L

(PAM)

2

et [Cu

I

(CH

3

CN)

4

]OTf dans

l’acétone (Figure 47).

Figure 47. Préparation de (E).

Des monocristaux ont été obtenus par diffusion en bicouche de pentane dans une solution

de complexe dans l’acétone et la structure cristallographique résolue (Figure 48). Elle révèle une

entité monocationique en accord avec un état VM avec un des ions cuivre penta (Cu1) et le second

tétracoordiné (Cu2). Ils sont tous deux pontés par la fonction thiophénolate et coordinés par un

atome d’azote tertiaire (ligand), un atome d’azote pyridinique (ligand) et l’ion métallique voisin

(Cu-Cu de 2,55 Å). Un atome d’oxygène de l’anion OTf

-

occupe la position échangeable de Cu1

(Cu1-O1S2 = 2,18 Å) et un second atome d’oxygène de ce même anion est en interaction faible avec

Cu2 (Cu2-O2S2 = 2,67 Å). Cu1 possède principalement une géométrie bipyramide trigonale (τ =

0,74).

L’obtention de la structure ci-dessus a permis d’initier une approche théorique du système.

Après avoir déterminé par calculs DFT la géométrie optimisée de (E) dans l’acétone (Figure 49,

A)), l’analyse NBO a été réalisée et a conduit à un ordre de liaison de 0,47 témoignant ainsi du

caractère intermédiaire de la liaison Cu-Cu (moitié covalente, moitié ionique). La représentation de

85

la liaison Cu-Cu extraite de l’analyse NBO montre un recouvrement de type σ entre les deux ions

cuivre (Figure 49, B)).

Liaisons (Å)

Cu1-Cu2 2,548(5)

Cu1-S1 2,180(8)

Cu2-S1 2,161(2)

Cu1-N1 2,043(2)

Cu1-N2 1,959(3)

Cu2-N3 2,114(3)

Cu2-N4 1,945(3)

Cu1-O1S2 2,176(2)

Cu2-O2S2 2,673(-)

Angles (°)

S-Cu1-Cu2 53,72(2)

Cu1-S-Cu2 71,87(3)

S-Cu2-Cu1 54,41(2)

Figure 48. Diagramme ORTEP de l’unité monocationique de (E) avec longueurs de liaisons et angles

sélectionnés. Pour plus de clarté, les atomes d’hydrogène ne sont pas représentés (150K, couleurs : orange

= cuivre, jaune = soufre, bleu = azote, gris = carbone).

Figure 49. A) Géométrie optimisée par calculs DFT de la structure de (E) et B) représentation de l’orbitale

naturelle occupée (NBO) décrivant la liaison Cu-Cu de (E).

L’analyse des populations de spin de Mülliken permet de mettre en évidence la distribution

équitable de la densité de spin entre les ions cuivre et l’atome de soufre (76 % dont 26 % pour

chaque ion cuivre et 24% pour le soufre, Figure 50, A)). Le reste de la densité électronique est

répartie sur les atomes d’azote tertiaires et pyridiniques (24 %). L’analyse de la composition de

l’orbitale SOMO est en accord avec le résultat précédent : elle est distribuée à 55 % sur les ions

86

cuivre et à 20 % sur l’atome de soufre (Figure 50, B)). Ces données permettent de confirmer la

délocalisation complète de l’électron célibataire du système à l’état solide.

Figure 50. A) Distribution de la densité de spin et B) représentation de l’orbitale SOMO de (E).

Le spectre UV-Vis-NIR de (E) montre une importante dépendance au solvant utilisé

(Figure 51, Gauche). Dans l’acétone, il présente quatre transitions électroniques : 1285 nm (ε =

1025 M

-1

.cm

-1

), 780 nm (ε = 1245 M

-1

.cm

-1

), 560 nm (ε = 605 M

-1

.cm

-1

) et 440 nm (ε = 800 M

-1

.cm

-1

). Dans l’acétonitrile, le spectre UV-Vis-NIR change radicalement : 910 nm (ε = 30 M

-1

.cm

-1

), 775

nm (ε = 50 M

-1

.cm

-1

) et 595 nm (ε = 95 M

-1

.cm

-1

). Les calculs TD-DFT dans l’acétone proposent

une bande de type IVCT à 1190 nm et deux bandes de type LMCT à 665 et 420 nm (Figure 52).

Le bon accord entre les résultats issus des calculs et les données expérimentales permet de

confirmer la nature des transitions électroniques ainsi que la conservation de la délocalisation de la

valence dans l’acétone à TA.

Ces résultats mettent en évidence la localisation de la valence dans l’acétonitrile comme

dans le cas du complexe (C). Pour rappel, ces deux complexes sont synthétisés à partir du même

ligand L

(PAM)

2

et avec un sel de cuivre I possédant un contre-ion différent.

Les spectres RPE en bande X dans l’acétone et l’acétonitrile à 10 K de (E) montrent aussi

un comportement magnétique dépendant des solvants (Figure 51, Droite). Dans l’acétone, l’analyse

présente un nombre de raies supérieur à 4 signifiants que la valence entre les ions cuivre est

délocalisée. Le spectre RPE a pu être simulé avec des valeurs de g = 2,03 ; 2,10 ; 2,13 (g

iso

= 2,09)

et A = 45 ; 110 ; 220 MHz (A

iso

= 123 MHz). Dans l’acétonitrile, l’analyse présente 4 raies

caractéristiques d’une valence Cu

II

localisée. Le spectre RPE a pu être simulés avec des valeurs de

g = 2,04 ; 2,04 ; 2,18 (g

iso

= 2,09) et A = 57 ; 86 ; 549 MHz (A

iso

= 231 MHz). Dans les deux

solvants, l’étude en puissance a démontré qu’une seule espèce est présente en solution.

87

Figure 51. Gauche : spectres UV-Vis-NIR de (E) dans l’acétone et l’acétonitrile à TA, Droite : spectres

RPE en bande X de (E) dans l’acétone et l’acétonitrile à 10 K.

Figure 52. Nature des transitions électroniques (transitions des orbitales jaunes aux orbitales rouges)

attribuées par calculs TD-DFT pour (E) dans l’acétone.

L’étude électrochimique de (E) démontre que le changement de structure apporté par le

solvant modifie les potentiels redox des centres métalliques (Figure 52). Dans l’acétone, deux

processus électroniques sont observés dont un quasi-réversible à E

1

1/2

= -0,10 V vs Fc

+/0

attribué à

la réduction du VM en espèce Cu

I

Cu

I

et un irréversible à E

pa

= 0,27 V vs Fc

+/0

attribué à l’oxydation

du VM en espèce Cu

II

Cu

II

.

Dans l’acétonitrile, (E) présente deux processus électroniques dont un quasi-réversible à E

1

1/2

= -0,22

V vs Fc

+/0

attribué à la réduction du VM en espèce Cu

I

Cu

I

et un deuxième de plus faible intensité

irréversible à E

pa

= 0,22 V vs Fc

+/0

attribué à l’oxydation du VM en espèce Cu

II

Cu

II

. Ces résultats

démontrent que ces centres à cuivre restent relativement stables lorsqu’ils sont réduits dans

l’acétone et l’acétonitrile alors qu’ils sont sujets à des changements dans leur sphère de coordination

en oxydation. Le changement structurel dû à l’effet de solvant diminue les potentiels de réduction

et d’oxydation du VM dans l’acétonitrile par rapport à l’acétone.

(E)acétone

(E)acétonitrile

600 1000 1400 1800 0 200 400 600 800 1000 1200

ε

(M

-1

.cm

-1

)

λ(nm)

240 260 280 300 320 340 360 380 400

B (mT)

88

Figure 53. Voltampérogrammes cycliques de (E) dans l’acétonitrile (0,7 mM) et l’acétone (0,5 mM) en

utilisant TBAPF

6

(0,1 M) comme électrolyte support à 100 mV.s

-1

et TA.

En résumé, ces analyses mettent en évidence une forte dépendance de la structure du

complexe en solution par rapport au solvant utilisé liée à la présence des positions échangeables.

En effet, dans un solvant non coordinant comme l’acétone, le centre métallique Cu

2

(µ-S) avec une

liaison Cu-Cu est maintenue et favorise la délocalisation totale de la valence à toutes les

températures. Il reste cependant à déterminer si l’anion OTf

-

est coordiné en solution et s’il

influence les propriétés électroniques du complexe. Dans l’acétonitrile, la coordination des

molécules de solvant aurait pour effet d’éloigner les deux centres métalliques. Cela se traduirait par

une localisation de la valence avec un signal d’une espèce mononucléaire de cuivre II en RPE et

l’absence de transition IVCT en UV-Vis-NIR. Le potentiel de réduction de l’espèce VM en Cu

I

Cu

I

est plus bas dans l’acétonitrile que dans l’acétone. Puisque la valence est localisée et que le

contre-ion ne semble pour interagir avec les centres métalliques dans l’acétonitrile, il est possible

d’imaginer que la structure de (E) soit la même que celle de (C). Cette théorie est confirmée par

les potentiels redox très proches pour (E) et (C) dans ce solvant.

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