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Chapitre II : synthèse et caractérisation des complexes de cuivre à valence mixte

Partie 2 : caractérisation des complexes

II. Complexe (C)

Le complexe (C) a été synthétisé à partir du ligand L

(PAM)

2

et du sel [Cu

I

(CH

3

CN)

4

](BF

4

)

dans l’acétonitrile (Figure 42).

Figure 42. Préparation de (C).

Des monocristaux ont été obtenus par diffusion en bicouche d’éther diéthylique dans une

solution de complexe dans l’acétonitrile et par diffusion de pentane dans une solution de complexe

dans l’acétone. Dans l’acétonitrile (Figure 43, Haut), la structure révèle une unité dicationique avec

deux ions cuivre tétracoordinés pontés par la fonction thiophénolate en accord avec un état VM.

La sphère de coordination de chaque ion cuivre est complétée par un atome d’azote tertiaire

(ligand), un atome d’azote pyridinique (ligand) et l’atome d’azote d’une molécule d’acétonitrile.

Acétonitrile

(V vsFc

+/0

) E

1

E

2

E

pa

-0,41 -0,26

E

pc

-0,47 -0,34

∆E 0,07 0,08

E

1/2

-0,44 -0,30

(A)acétonitrile

Acétone

(V vsFc

+/0

) E

1

E

2

E

pa

-0,20 0,13

E

pc

-0,40 -0,01

∆E 0,20 0,14

E

1/2

-0,30 0,06

-0,6 -0,4 -0,2 0,0 0,2 0,4

E (V vs Fc

+/0

)

(A)acétone 5 µA 5 µA

(C)

80

Cette fois-ci, la distance Cu-Cu est trop grande pour permettre une liaison intermétallique (2,89 Å).

Une légère dissymétrie peut être observée entre les ions cuivre, avec Cu1 plus proche des atomes

de soufre et d’azote tertiaire du ligand, et Cu2 plus proche de l’atome d’azote pyridinique et de celui

de la molécule d’acétonitrile.

Liaisons (Å)

Cu1-Cu2 2,892(2)

Cu1-S1 2,183(3)

Cu2-S1 2,220(4)

Cu1-N1 2,019(9)

Cu1-N2 1,979(11)

Cu2-N3 2,193(10)

Cu2-N4 2,127(11)

Cu1-N41 2,039(12)

Cu2-N42 1,930(12)

Angles (°)

S-Cu1-Cu2 49,48(10)

Cu1-S-Cu2 82,15(13)

S-Cu2-Cu1 48,39(8)

Figure 43. Haut : diagramme ORTEP de l’unité dicationique de (C) avec les longueurs de liaisons et angles

sélectionnés. Bas : diagramme ORTEP des modèles de (C). Pour plus de clarté, les atomes d’hydrogène ne

sont pas représentés (150K, couleurs : orange = cuivre, jaune = soufre, bleu = azote, gris = carbone).

Compte tenu de la qualité des cristaux obtenus dans l’acétone, seul des modèles ont pu être

obtenus (R = 15 %, Figure 43, Bas). Le fait que deux structures coexistent dans un même cristal

explique peut-être pourquoi il est difficile de trouver de bonnes conditions de cristallisation. Le

premier modèle (Figure 43, Bas, gauche) est une entité monocationique avec un ion cuivre

pentacoordiné et un ion cuivre tétracoordinés pontés par la fonction thiophénolate en accord avec

un état VM. La sphère de coordination de chaque ion cuivre est complétée par un atome d’azote

tertiaire (ligand), un atome d’azote pyridinique (ligand), l’ion cuivre voisin (Cu-Cu = 2,51 Å)et le

81

fluorure d’un anion BF

4

- (Cu-F = 2,32 Å) pour l’un d’entre eux. Les liaisons Cu-S dans ce cas sont

d’environ 2,16 Å. Le deuxième modèle (Figure 43, Bas, droite) est une entité dicationique similaire au

premier modèle, mais sans anion BF

4-

coordiné. Les deux ions cuivre sont alors tétracoordinés et

distants de 2,52 Å. Si ces modèles sont confirmés par des structures mieux résolues, cela pourra

démontrer que l’anion faiblement coordinant BF

4-

peut interagir avec les centres métalliques. Ces

résultats mettent en évidence que le solvant a une grande influence sur la structure des complexes

à centre Cu

2

(µ-S) possédant deux positions potentiellement échangeables à l’état cristallin. En effet

dans l’acétonitrile, la distance Cu-Cu est plus grande que dans l’acétone et incompatible avec une

liaison intermétallique. Les calculs théoriques n’ont encore pas été réalisés sur la structure obtenue

dans l’acétonitrile pour permettre d’aller plus en détail dans la compréhension des propriétés

électroniques de (C). Ces résultats mettent tout de même en avant que la coordination de molécules

d’acétonitrile défavorise certainement la formation des liaisons Cu-Cu.

Les spectres UV-Vis-NIR de (C) appuient le fait que sa structure est dépendante du solvant

(Figure 44, Gauche). Dans l’acétone, il présente quatre transitions électroniques : 1280 nm (ε =

815 M

-1

.cm

-1

), 785 nm (ε = 1040 M

-1

.cm

-1

), 555 nm (ε = 430 M

-1

.cm

-1

) et 435 nm (ε = 505 M

-1

.cm

-1

). Dans l’acétonitrile, le spectre UV-Vis-NIR change radicalement et les coefficients d’extinctions

molaires deviennent beaucoup plus faibles : 1440 nm (ε = 110 M

-1

.cm

-1

), 790 nm (ε = 260 M

-1

.cm

-1

) et 600 nm (ε = 240 M

-1

.cm

-1

). Bien que les calculs n’aient encore pas été réalisés sur ce complexe

dans l’acétone, il est possible de proposer, par comparaison aux autres complexes de cette série,

que la bande d’absorbance dans le proche infrarouge soit d’origine IVCT tandis que les transitions

électroniques dans le visible pourraient être d’origine LMCT. Les valeurs des énergies des

transitions seront débattues plus en détail dans la discussion de cette partie.

Les spectres RPE en bande X dans l’acétone et l’acétonitrile à 10 K de (C) montrent aussi

une importante dépendance au solvant (Figure 44, Droite). Dans l’acétone, le spectre présente un

nombre de raies supérieur à 4 signifiant que la valence entre les ions cuivre est délocalisée. Dans

l’acétonitrile, le spectre à 4 raies met en évidence dans ce cas une valence localisée. Le spectre a

dans ce cas pu être simulé de façon satisfaisante avec des valeurs de g = 2,03 ; 2,09 ; 2,18 (g

iso

=

2,10) et A = 14 ; 103 ; 565 MHz (A

iso

= 227 MHz).

82

Figure 44. Gauche : spectres UV-Vis-NIR de (C) dans l’acétone et l’acétonitrile à TA, Droite : spectres

RPE en bande X de (C) dans l’acétone et l’acétonitrile à 10 K.

L’étude électrochimique de (C) démontre que les changements de structures apportés par

les solvants modifient les potentiels redox des centres métalliques (Figure 45). Dans l’acétone, trois

processus électroniques sont observés et leurs comportements analysés par une étude à différentes

vitesses de balayages (Figure 46). Une première vague irréversible à E

0

1/2

= -0,28 V vs Fc

+/0

de faible

intensité est attribuée à la réduction d’une espèce VM minoritaire en Cu

I

Cu

I

, une deuxième vague

à E

1

1/2

= -0,11 V vs Fc

+/0

quasi-réversible est attribuée à la réduction d’un VM majoritaire en espèce

Cu

I

Cu

I

et un troisième processus électronique irréversible attribué à l’oxydation d’un VM en

Cu

II

Cu

II

à E

pa

= 0,17 V vs Fc

+/0

. La non-réversibilité de ce dernier est significative d’une

réorganisation importante dans la sphère de coordination des ions cuivre lors de l’oxydation. La

constante d’antidismutation (K

con

) dans l’acétone ne peut pas être calculée car le processus

d’oxydation est irréversible. Le fait que plus de deux processus électroniques soient présents peut

provenir de la présence de plusieurs espèces en solution ou de réactions chimiques couplées aux

processus redox. Il serait possible que les modèles portant un anion BF

4-

(coordinant ou non)

observés en cristallographie (Figure 43) possèdent des propriétés redox différentes et soient donc

potentiellement mises en évidence par cette analyse. Dans l’acétonitrile, (C) présente deux processus

électroniques dont un réversible à E

1

1/2

= -0,22 V vs Fc

+/0

attribué à la réduction du VM en espèce

Cu

I

Cu

I

et un deuxième irréversible de plus faible intensité à E

pa

= 0,23 V vs Fc

+/0

attribué à

l’oxydation du VM en espèce Cu

II

Cu

II

. Cette analyse montre que les ions cuivre gardent le même

environnement en réduction alors qu’ils peuvent être sujets à des changements dans leur sphère de

coordination en oxydation le temps de l’analyse. Finalement, l’électrochimie démontre que les

changements de structures apportés par l’utilisation de solvants différents tendent à diminuer les

potentiels redox des centres métalliques dans l’acétonitrile par rapport à l’acétone.

600 1000 1400 1800 0 200 400 600 800 1000

ε

(M

-1

.cm

-1

)

λ(nm)

(C)acétone

(C)acétonitrile

240 260 280 300 320 340 360 380 400

B (mT)

83

Figure 45. Voltampérogrammes cycliques de (C) dans l’acétonitrile (1,8 mM) et l’acétone (1,6 mM) en

utilisant TBAPF

6

(0,1 M) comme électrolyte support à 100 mV.s

-1

et TA.

Figure 46. Voltampérogrammes cycliques de (C) (1,6 mM) dans l’acétone à différentes vitesses de balayages

en utilisant TBAPF6 (0,1 M) comme électrolyte support.

En résumé, il est possible d’imaginer que les structures des cœurs Cu

2

(µ-S) de (C) observés

à l’état solidedans l’acétone et l’acétonitrile puissent être maintenues dans leurs solvants respectifs.

Pour confirmer cela, une étude UV-Vis des cristaux et de la poudre obtenue lors de la synthèse du

complexe serait pertinente car elle permettrait la comparaison des spectres avec ceux observés en

solution. De plus, une approche théorique à partir des structures cristallographiques obtenues

permettrait d’appuyer ce résultat. Il est cependant difficile d’affirmer expérimentalement le nombre

de ligands exogènes coordinés aux ions cuivre puisqu’ils ne sont pas observables par spectrométrie

de masse. Ces analyses mettent tout de même en évidence une forte dépendance de la structure du

complexe en solution en fonction du solvant utilisé. En effet dans un solvant non coordinant

Acétone

(V vsFc

+/0

) E

0

E

1

E

2

E

pa

-0,25 -0,03 0,17

E

pc

-0,32 -0,19

-∆E 0,07 0,16

-E

1/2

-0,28 -0,11

-Acétonitrile

(V vsFc

+/0

) E

1

E

2

E

pa

-0,18 0,23

E

pc

-0,25

-∆E 0,07

-E

1/2

-0,22

-(C)acétone (C)acétonitrile -0,4 -0,2 0,0 0,2 0,4

E (V vs Fc

+/0

)

5 µA 5 µA

-0,6 -0,4 -0,2 0,0 0,2 0,4

E (V vs Fc

+/0

)

50 mV.s

-1

100 mV.s

-1

200 mV.s

-1

400 mV.s

-1

10 µA

84

comme l’acétone, le cœur métallique Cu

2

(µ-S) avec une liaison Cu-Cu est maintenu et favorise la

délocalisation de la valence à toute température. Dans l’acétonitrile, la coordination des molécules

de solvant a pour effet d’éloigner les deux centres métalliques et empêche la formation de la liaison

Cu-Cu. Cela se traduit par une localisation de la valence à toutes températures avec un signal RPE

caractéristique d’une entité mononucléaire de cuivre II et une diminution de l’absorbance en

UV-Vis-NIR. Le potentiel de réduction de l’espèce VM en Cu

I

Cu

I

est plus bas dans l’acétonitrile que

dans l’acétone. L’irréversibilité des processus d’oxydation montrent que des réactions chimiques

sont couplées au transfert d’électron. La présence de plus de deux processus électroniques dans

l’acétone peut provenir soit d’un mélange de deux composés (peut être les deux composés observés

par cristallographie ?), soit de réactions couplées aux processus redox.

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