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Chapitre 2. Effet des champs externes faibles sur l'auto-organisation des microtubules

B. Modification de l'auto-organisation des microtubules par l'ajout d'autres champs externes

3. Compensation par un champ magnétique

Les champs magnétiques ont une forte influence sur le processus d'auto-organisation. Suivant la façon selon laquelle ils sont appliqués, ils peuvent l'accélérer, le ralentir, voire l'empêcher complètement. Les gradients de champ magnétiques, donc la lévitation magnétique, agissent en simulant des conditions d'apesanteur au sol et ralentissent le processus. En revanche, les champs magnétiques ont, eux, une toute autre action : ils réorientent les microtubules dans l'axe du champ. Le couple magnétique agit donc au niveau individuel dans la population de microtubules. Nous avons vu précédemment que, le fait d'orienter ainsi quelques microtubules, brisait la symétrie de la réaction et déclenchait l'auto-organisation. De tels champs pourraient donc être envisagés comme un facteur correctif des dysfonctionnements et les pertes de fonctions cellulaires liés à l'apesanteur.

3.1.En lévitation magnétique sous champ intense

Une remarque que l'on peut faire est que dans le cas de la lévitation magnétique, donc en gravité très réduite, on aurait pu s'attendre à ne pas obtenir d'auto-organisation. Or, à cause de la rupture de symétrie provoquée par le champ magnétique, l'auto-organisation est quand même déclenchée. Les expériences que nous avons faites en éliminant au maximum l'effet du champ magnétique, ont montré que la réduction de gravité induite par la lévitation magnétique provoquait le ralentissement de l'auto-organisation mais ne l'empêchait pas et ce, à cause de la présence du champ magnétique. On peut donc considérer que le champ magnétique est suffisant pour déclencher l'auto-organisation d'une solution de microtubules placée dans des conditions telles qu'elle ne devrait pas s'auto-organiser, à savoir des conditions d'apesanteur. Le mécanisme de rupture de symétrie est connu dans ce cas et il diffère de celui mis en œuvre par la gravité. La rupture de symétrie provoquée par les champs magnétiques s'explique par l'orientation des microtubules dans l'axe du champ au début de leur croissance (cf. Section B.1.1 de ce chapitre).

3.2.En appliquant un champ magnétique sur une cuve en apesanteur simulée

Nous avons vu que sous l'effet d'un champ magnétique intense, les microtubules néoformés s'orientent dans l'axe de l'aimantation par couple magnétique. Par ailleurs, l'orientation qui est provoquée par un tel champ magnétique suffit à induire un changement de morphologie. Il est à supposer qu'en l'absence de gravité, un champ magnétique suffisamment intense pourrait suffire à provoquer l'auto-organisation d'une solution de microtubules. Nous avons donc appliqué un champ magnétique à des échantillons en apesanteur simulée.

Pour ce faire, trois petits aimants [Bakker Magnetics] de forte aimantation permanente (environ 350 mT au contact) ont été fixés au tube porte-échantillons en verre allant dans le clinostat avec une couche plastique isolant le tube du métal pour des questions d'isolation thermique. Une solution standard de tubuline a été placée dans des tubes RMN de 1 ml de contenance. C'est en effet dans ces tubes que nous sommes précédemment parvenus à empêcher le déclenchement de l'auto-organisation. Les échantillons ont été mis en rotation dans ces tubes, avec les aimants, à 360 °/s et durant 25 minutes. L'expérience a été répétée quatre fois. Des témoins ayant des plaques de métal de la dimension des aimants et remplaçant ces derniers, ont été faits avec ou sans rotation du clinostat.

Contrairement à ce qui était espéré, aucune auto-organisation ne s'est produite dans les échantillons en apesanteur simulée soumis au champ magnétique, exactement comme les échantillons témoins en apesanteur simulée, alors que les échantillons témoins à 1 g se sont développés correctement. Très vraisemblablement l'aimantation n'était pas suffisante. En effet, comme cela avait été déterminé dans l'expérience de changements de morphologies faite dans l'aimant horizontal, la valeur minimale pour obtenir un effet du champ est supérieure à 4 Teslas. Un champ de 350 mT ne suffit donc pas à rétablir l'auto-organisation des microtubules en apesanteur. Les expériences précédentes en champs magnétiques intenses avaient cependant été faites sur des échantillons qui allaient s'organiser de toutes façons, car soumis à l'action de la gravité; il avait donc fallu un champ intense pour que l'effet soit supérieur à celui de la gravité. Nous avions présumé que pour un échantillon qui ne devait pas s'auto-organiser, c'est-à-dire qui se développait en l'absence quasi-totale de champs externes, un champ magnétique de plus faible ampleur aurait été suffisant. De plus, des études concernant l'alignement des microtubules sous champ magnétique ont montré que des microtubules, exposés 10 minutes à un champ de seulement 200 mT, s'orientent, parallèles entre eux, dans l'axe du champ [Vassilev et al 1982]. Cela n'a pas été le cas dans notre expérience. Ces expériences avaient toutefois été faites entre une lame et une lamelle, donc dans une couche de solution très mince et avec l'aimant pratiquement au contact. Dans notre expérience, l'échantillon est volumineux par rapport à la portée des lignes de champ (celui-ci s'atténue très vite lorsqu'on s'éloigne de l'aimant). Le champ atteignant les microtubules n'a probablement pas suffit à les réorienter. L'observation des échantillons en biréfringence n'a effectivement pas révélé d'orientation préférentielle des microtubules.

Des expériences dans un champ magnétique intense seraient donc à envisager. Outre la difficulté de monter un clinostat thermostaté dans un appareillage aussi volumineux qu'un électroaimant, l'inconvénient dans ce cas serait que le champ resterait fixe, au contraire de l'échantillon qui serait en rotation. Si le champ est suffisamment homogène, comme c'est le cas dans ce type d'aimant, ce n'est pas gênant. En effet, les lignes de champ s'appliquant aux objets anisotropes en solution, en l'occurrence les microtubules, elles resteront invariantes par rotation et un couple magnétique s'exercera sur ces objets. Une telle expérience est donc réalisable car même si l'aimant reste fixe, les microtubules auront tendance à rejoindre leur position d'équilibre magnétique, c'est-à-dire l'axe des lignes de champ.