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les molécules auxquelles elles s’associent. Cette approche a notamment culminé avec la spectrométrie de masse conduisant à l’identification de plus de soixante protéines partenaires. Les tétraspanines se distinguent ainsi par leur capacité à s’associer à ces dernières de manière non covalente pour former un réseau dynamique d’interactions nommé

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Concept et découverte

Dès le début des années 90, il a été supposé que CD81 / TAPA-1 pouvait avoir la capacité d’interagir de manière non covalente avec différents partenaires [157]. Mais l’existence d’un réseau entier tel qu’on le perçoit actuellement a été démontrée à la fin de cette décennie par co-immunoprécipitations de tétraspanines et plusieurs analyses par spectrométrie de masse réalisées afin d’identifier leurs potentiels interactants [181] [181] [170] [182] [183]. Ces expériences ont permis de mettre au jour de nombreuses protéines interagissant avec les tétraspanines. Il apparaît que les tétraspanines interagissent entre elles, mais que ces interactions sont relativement faibles et, si elles sont conservées par des détergents à faible stringence tels que le CHAPS ou les Brij®, elles peuvent être dissociées en utilisant des détergents plus forts tels que la digitonine et le Triton X-100 [109]. Ces derniers, s’ils dissocient les interactions entre tétraspanines, permettent d’isoler des partenaires protéiques spécifiques à certaines tétraspanines et dont les interactions semblent directes [170], [178], [184].

De ces observations est née l’idée d’un réseau d’interactions entre tétraspanines. Ce modèle propose des interactions fortes au sein des complexes dits primaires, formés d’une unique tétraspanine et d’un très faible nombre de protéines partenaires [182] [185], mais également des interactions entre différents complexes primaires par le biais d’interactions tétraspanine-tétraspanine, formant ainsi des complexes dits secondaires organisant un plus large réseau d’interactions [170] (pour revue, voir [154]). Dans certains cas ces interactions au sein de complexes primaires sont portées par une liaison chimique très forte, dans des cas tels que l’appariement des uroplakines ou l’interaction CD151 / intégrines α3β1 car même l’utilisation de détergents particulièrement agressifs tels que le NP-40 ne parvient pas à les dissocier [184].

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Tétraspanine Partenaires Tétraspanine Partenaires

UP1a UPII CD53 ADAM10

UP1b UPIII

CD63

H+K+ATPase

CD9

CD9P-1 EWI-2 ICAM-I CXCR4

EWI-F CD36 Claudin-I Synaptotagmin VII

FPRP EpCAM Pro-HB-EGF

Tspan12 Frizzled 4

CD315 PRO-TGFα Integrin α2β1 ADAM10

CD81

CD19 EWI-F CD316 Tspan8 E-cadherin

Integrin α4β1 FPRP Claudin-1 TspanC8 (Tspan 5, 10, 14, 15, 17, 33) ADAM10 CD9P-1 EWI-2 CD151 Integrin α3β1 Integrin αщβ4 Integrin α6β1 VCAM-1 Integrin α6β4 MT1-MMP

Figure 15 – Organisation du tetraspanin web et tableau des principaux complexes primaires

Schéma. Concept biochimique des différents niveaux d’interactions au sein du tetraspanin web Gauche : de

petits groupes de tétraspanines (briques bleues mâles, T1 T2 T3) associés à leurs partenaires (briques femelles P), interagissent entre eux et échangent certains de ces partenaires. Droite : pour certaines tétraspanines des interactions plus stables ont lieu, facilitées par leur palmitoylation et le contexte lipidique [154].

Tableau. Principaux complexes primaires [170] [173] [186].

Les interactions les plus caractérisées à ce jour regroupent les complexes primaires formés du CD81 / CD19 ; du CD151 / intégrine α3β1 et α6β1, ainsi que les partenaires partagés entre CD81 et CD9 que sont EWI-2 et CD9P-1. L’existence de ces deux partenaires partagés s’explique par la proximité séquentielle et structurelle entre CD9 et CD81 (45% d’homologie de

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séquence) [170], [184], [181], [187], [154]. Notons également qu’il existe d’autres méthodes que l’immunoprécipitation permettant d’identifier des protéines physiquement proches ou liées par une liaison ionique faible, comme le FRET ou des expériences de pontage covalent. Ce type d’expériences a notamment permis de mettre en évidence la proximité à la surface des cellules de partenaires tels que CD151 / VCAM1 ou CD9 / ICAM1 [154]. Les tétraspanines peuvent interagir avec les autres protéines via plusieurs domaines. Par exemple, CD81 interagit avec CD19 grâce à la région variable de sa grande boucle extracellulaire ainsi qu’avec EWI-2 grâce à un de ses domaines cytosoliques [184].

TEMs et rafts, cousins éloignés

Certains composants membranaires sont mal solubilisés par les détergents et se concentrent dans la fraction de faible densité des gradients de sucrose, et forment les DRM (Detergent Resistant Membrane), à l’origine du concept de radeau lipidique (« rafts ») [154]. Or les tétraspanines, interagissant avec plusieurs lipides tels que les gangliosides (synthétisés à partir de céramides) ou le cholestérol [188] [154], « flottent » également dans ces fractions de faible densité [181]. Le fait que les détergents qui conservent les interactions entre tétraspanines (CHAPS, Brij) soient ceux qui discriminent le mieux cette insolubilité a mené à l’hypothèse des microdomaines enrichis en tétraspanines (TEM).

Ces TEMs, enrichis lipides spécifiques, diffèrent par plusieurs aspects des radeaux lipidiques. En effet, les TEMs conservent leur solubilité suite à une déplétion du cholestérol ou à l’ajout de Brij à une température s’élevant à 37°C, deux conditions dissociant les radeaux lipidiques. D’autre part, les constituants de ces deux microdomaines membranaires sont différents, c’est-à-dire qu’on ne retrouve dans les rafts aucune des 33 tétraspanines humaines et à peine quelques-unes de leurs partenaires, et inversement, il est assez rare de trouver des composants des radeaux lipidiques, à savoir des protéines à ancre GPI [109], des cavéolines et des Src-kinases, dans les TEMs [187], à l’exception notable de l’assemblage du HIV-1, lors duquel la tétraspanine CD9 et la protéine CD55 (localisée dans un raft) colocalisent et interagissent [189]. Ces éléments appuyent l’idée d’une nature distincte des TEMs et des rafts [154].

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Dynamique du tetraspanin web

La notion de tetraspanin web renvoie à l’idée d’un système dynamique globalisé. Cette dynamique a été mise en évidence dans les années 2010 grâce à des technologies telles que la microscopie de type TIRF ou à onde évanescente permettant le suivi de molécules uniques à la surface de cellules vivantes (méthodes notamment mises au point par les équipes de Schutz et Sako et al. [190]).

En 2008, une étude de l’équipe de Pierre-Emmanuel Mihilet, en collaboration avec notre laboratoire, montre la diversité des mouvements de la tétraspanine CD9 à la surface de la cellule [190] et laisse entrevoir un minimum de deux types de déplacements : un majoritaire de type brownien, et un minoritaire de type confiné, dans lequel le déplacement de CD9 est fortement restreint. Ce dernier définit des aires de confinement fortement enrichies en CD9 et ses partenaires, constants en taille et en localisation.Cette notion d’assemblage dynamique de constituants pouvant être stabilisés momentanément à un endroit précis ressemble par ailleurs fortement au modèle actuel des radeaux lipidiques tels que décrits en 2010 par Lingwood et Simons [191], renforçant une vision de la membrane plasmique en mouvement constant.