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Comparaisons internationales, points de vue des acteurs du système de soins et futur de l’automédication en France

Dr Michaël SCHWARZINGER Chef de Clinique

5. Comparaisons internationales, points de vue des acteurs du système de soins et futur de l’automédication en France

Dans la majorité des pays européens et aux USA, le marché de l'automédication représente plus de 10 % du marché pharmaceutique officinal (19,3 % au Royaume-Uni ; 13,9 % en Allemagne). En France, le marché de l’automédication reste exceptionnellement peu déve-loppé et ne représente que 7,2 % du marché pharmaceutique officinal en 2000, en constante

2. Sleath B et al. Physician-patient communication about over-the-counter medications. Soc Sci Med 2001;53:357-69.

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régression depuis 1995.3Cette singularité française peut s’expliquer par l’importance du pou-voir médical, l’accès généralisé à l’Assurance Maladie et à la gratuité des médicaments (90 % des Français ont une mutuelle couvrant les frais de médicaments remboursables à 100 %) et à la réglementation. Par exemple, la réglementation française contraint la publicité destinée au public contrairement aux autres pays, alors que le degré de confiance accordée aux sources d’information sur le médicament est de 3/10 pour la publicité contre 9,2/10 pour le médecin, 8,4/10 pour le pharmacien et 7,8/10 pour les notices de médicament (sondage SOFRES 2001).

L’automédication française est aussi essentiellement accessible en officine, alors que sa vente libre est possible en supermarché dans de nombreux pays avec des restrictions sur la quanti-té et la posologie des conditionnements.

L’automédication peut présenter cependant des avantages selon les différents points de vue des acteurs du système de soins :

Industrie pharmaceutique : accès augmenté aux produits (les ventes de diphénhydramine ont quintuplé l’année suivant sa dérégulation aux USA), protection contre les médicaments génériques, promotion de familles de médicaments " sur liste " et " hors liste ".

Assurance Maladie et mutuelles : limitation des dépenses de soins prises en charge, les risques inhérents à l’automédication n’ayant jamais fait la preuve d’un coût supérieur à celui des consultations médicales liées à leur prescription et à leur remboursement. Ces bénéfices ont clairement été montrés pour les antagonistes des récepteurs à l’histamine H2.4

Patients : responsabilisation et amélioration de l’alliance thérapeutique entre patient-méde-cin-pharmacien, éducation pour la santé (et accès à l’information sur les médicaments), balance économique entre le surcoût d’un médicament OTC et le coût évité d’une consul-tation médicale et le temps qu’elle requiert.

Pharmaciens : rôle accru auprès des patients, meilleure reconnaissance professionnelle.

Médecins : diminution du nombre de consultations inutiles pour des patients aux symp-tômes bénins. Cependant cet incitatif économique est plus caractérisé dans d’autres sys-tèmes de soins (Royaume-Uni, Allemagne, USA).

En 2001, l'État et l'industrie se sont engagés à développer l'automédication en France, comme cela a été entrepris dans les autres pays. La dérégulation de médicaments " sur liste " en médi-caments " hors liste " qui est pratiquée par de nombreux pays (Tableau 2) est une voie envi-sagée vers l’automédication, les médicaments précédemment remboursables bénéficiant de la confiance des consommateurs. Cependant la variabilité des dérégulations des médicaments "

sur liste " entre pays montre des différences culturelles et économiques alors que les évi-dences scientifiques sont les mêmes. Par exemple, la dérégulation des antagonistes des récep-teurs de l’histamine H2 n’a pas augmenté les hospitalisations pour complication d’ulcère gas-tro-duodénal5et la dérégulation de l’ibuprophène dans le traitement de courte durée de la fièvre chez l’enfant n’a pas augmenté le risque de syndrome de Reye, d’hémorragie digestive ou d’insuffisance rénale. Cependant la traçabilité des automédicaments reste à mettre en place pour garantir la sécurité sanitaire qui doit les entourer à l’instar de la pharmacovigi-lance concernant les médicaments " sur liste ". La deuxième voie retenue par l’industrie phar-maceutique, en particulier en France, est le développement de spécialités conçues pour l'au-tomédication. Des explications sur ces automédicaments seront apportées aux médecins pour vaincre leurs éventuelles réticences.

3. AFSSAPS. Analyse des ventes de médicaments aux officines et hôpitaux de France 1998-2000. Octobre 2002.

4. Tasch R et al. Switching the histamine H2-receptor antagonist famotidine to non prescription status in Canada.

Pharmacoeconomics 1996;9:61-75.

5. Andersen M et al. Safety implications of the over-the-counter availability of H2-antagonists. Drug Saf 1993;8:179-85.

6. S et al. An assessment of the safety of pediatric ibuprofen: a practitioner-based randomized clinical trial. JAMA 1995;273:929-33.

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CONCLUSION

La prise en charge par les patients de leur propre santé, favorisée par les mouvements asso-ciatifs de consommateurs, est une démarche d'autonomie par rapport aux thérapeutes insti-tutionnels mais son extension est tempérée par la perception des risques encourus (erreur de diagnostic) et l'absence de remboursement. De fait, le rôle du médecin prescripteur reste fon-damental, à l'égal du pharmacien conseil et la médication familiale n'a que peu d'influence sur l'industrie du médicament, même si l'Assurance Maladie et l'Etat ne sont pas sans penser que l'automédication est un levier non négligeable dans le cadre d'une politique de maîtrise des coûts des soins.

Si l'automédication s'avère utile dans l'attente d'un avis médical pour pallier temporairement un trouble important par une médication de courte durée, par contre elle risque de devenir dangereuse si elle échappe trop longtemps à une consultation médicale ou si elle est utilisée de façon irréfléchie alors que la maladie responsable du trouble n'est pas encore identifiée.

La prudence réclame une éducation de l'utilisateur, notamment par une information perti-nente. Les acteurs de santé ont ici une place importante mais non exclusive et le médecin lors d'une prescription ne doit pas laisser ignorer le danger du médicament si celui-ci était utili-sé hors du cadre pour lequel il est recommandé.

Tableau 1. Exemples des spécialités les plus prescrites en officine en 2000 selon leur liste et leur remboursement

[classement en termes de nombre de boîtes vendues]

Remboursement

Spécialités Oui Rang Non Rang

• Doliprane, Efferalgan, Dafalgan (paracetamol) [1,2,4] •Magné B6 [14]

•Aspegic, Kardégic, Aspirine UPSA (acide acétylsalicylique) [5,20,24] •Nurofen (ibuprofen) [49]

•Spasfon (phloroglucinol) [6]

•Daflon, Veinamitol, Ginkor, Endotelon (troxérutine) [16,35,38,40]

•Gaviscon (alginates+bicarbonate Na+) [28]

•Duphaston (dydrogestérone) [32]

•Bronchokod (carbocistéine) [44]

•Piasclédine (insaponifiables d'avocat et soja) [46]

•Diantalvic (paracetamol+dextropropoxyphène) [3] •Tous les médicaments dits de confort :

•Stilnox (ivadal) [7] •Viagra/impuissance

•Clamoxyl (amoxicilline) [8] •Xénical/obésité

•Vastarel (trimétazidine) [9] •Relenza/grippe

•Propofan (dextropropoxyphène) [10] •Propécia/alopécie

•Levothyrox [11] •Nicotine percutanée/

désintoxication tabagique

•Fonzylane (buflomédil) [12]

•Lasilix (furosémide) [15]

D'après AFSSAPS. Analyse des ventes de médicaments aux officines et hôpitaux de France 1998-2000. Octobre 2002.

Remarque: Plus de 2000 des médicaments ne sont pas remboursables, soit 46 % de l'ensemble des médicaments. Parmi les médicaments non remboursables, plus de 90 % sont "hors liste", 5 % sur liste 1 et 3 % sur liste 2.

" Hors liste "" Hors liste "

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Indication USA Royaume-Uni France

Antifongique azolé à usage local

Canesten (Clotrimazole) • Candidose vaginale Oui Oui Non

Pévaryl (Econazole) •Candidose vaginale Oui Oui Non

Daktarin (Miconazole) • Candidose vaginale Oui Oui Non

Triflucan (Fluconazole) • Candidose buccale Non Oui Non

Kétoderm (Ketoconazole) • Dermite séborrhéique de l'adulte Oui Oui Non

Antiviral local en dermatologie

Zovirax (Aciclovir) • Herpès labial,

primo-infection génitale Non Oui Non

AINS commercialisés comme analgésiques

Nurofen (Ibuprofène) • Analgésie/anti-inflammatoire Oui Oui Oui Toprec (Ketoprofène) • Analgésie/anti-inflammatoire Oui Non Oui Apranax (Naproxène) • Analgésie/anti-inflammatoire Oui Non Non

Antagonistes récepteurs H2

Tagamet (Cimetidine) • Dyspepsie Oui Oui Non

Azantac (Ranitidine) • Dyspepsie Oui Oui Non

Pepdine (Famotidine) • Dyspepsie Oui Oui Non

Antagonistes récepteurs H1

Nautamine (Diphénhydramine) • Mal des transports Oui Oui Oui

Autres

Propécia (Minoxidil) • Alopécie Oui Oui Non

Nicotine percutanée • Désintoxication tabagique Oui Oui Non

Imodium (Lopéramide) • Diarrhée Oui Oui Non

Sudafed (Pseudoéphédrine) • Congestion nasale Oui Oui Oui

Norlevo (Levonorgestrel) • Contraception d'urgence Non Oui Oui Tableau 2. Exemples de médicaments "sur liste" récemment passés "hors liste"

aux USA, au Royaume-Uni et en France

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