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B - IMPORTANCE DE L'EFFET PLACEBO EN PRATIQUE MEDICALE

Des valeurs moyennes de 30 à 40 % d’effet placebo sont habituellement rapportées dans la lit-térature médicale [1]. Bien que l’existence d’un effet placebo soit généralement admise en pratique médicale, son importance n’est pas mesurable en pratique médicale. Les chiffres précédents proviennent d’essais thérapeutiques dans lesquels l’effet placebo a été mesuré par le pourcentage de malades améliorés dans le groupe recevant le traitement placebo par rap-port à leur état clinique initial. Il ne s’agit donc pas de la mesure de l’imrap-portance de l’effet placebo en pratique médicale.

Sortis de leur contexte (l’évaluation de l’efficacité d’un traitement versus placebo), de nom-breux facteurs peuvent donner l’impression d’un effet placebo [2] :

Le plus important est lié à l'histoire naturelle de la maladie :

*Guérison spontanée des pathologies aiguës (ex : grippe).

*Rémissions des pathologies chroniques (ex : ulcère, migraine, douleur chronique).

*Plus généralement, ces phénomènes " naturels " font partie d’un phénomène général purement statistique dit de régression vers la moyenne. Il s’agit de la tendance des valeurs extrêmes lors d’une évaluation initiale à se rapprocher de la moyenne lors d’une deuxième évaluation. Une régression vers la moyenne est ainsi attendu lorsqu’un essai sélectionne des patients sur des valeurs hautes d’une variable biologique ou clinique (par exemple, une hypercholestérolémie ou une hypertension artérielle) dont on sait qu’elle varie spontanément. Lors de la deuxième évaluation, il est attendu qu’un pourcentage non négligeable de patients retrouvera une valeur normale, en dehors de tout traitement.

De façon plus anecdotique, d’autres facteurs peuvent donner l’impression d’un effet placebo :

*Le patient prend en fait d’autres traitements que le placebo (ex : des dérivés nitrés dans l’angor).

*Un biais de mesure (ex : l’effet placebo est mesuré sur une variable subjective qui n’est pas le critère principal de jugement de l’essai thérapeutique)…

Récemment, pour s’affranchir des critiques de l’évaluation de l’effet placebo en pratique médicale, des auteurs danois [3] ont proposé de mesurer l’effet placebo en comparant le pour-centage d’amélioration dans un groupe traité par placebo à celui d’un groupe suivi sans inter-vention. Cette méthode est possible dans les essais randomisés qui comportent trois groupes :

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un groupe recevant le traitement étudié (dont on ne s’occupe pas), un groupe recevant le pla-cebo, un groupe suivi sans intervention. Dans une méta-analyse portant sur 114 essais de ce type, ces auteurs ont montré l'absence d'effet placebo statistiquement significatif lorsque le critère principal d’évaluation est binaire (réponse par oui ou par non). Un effet placebo signi-ficatif a été mis en évidence uniquement pour les essais portant sur la douleur, avec un critè-re principal d’évaluation subjectif, l’intensité de la douleur mesurée sur une échelle visuelle analogique. Cette méthode d'évaluation de l'effet placebo présente aussi des limites :

Les faibles effectifs des essais thérapeutiques en dehors de ceux portant sur la douleur limi-tent la possibilité de montrer un effet placebo significatif.

Le groupe suivi sans intervention a bénéficié d’une meilleure prise en charge du fait de l’es-sai, ce qui diminue les différences attendues entre le groupe suivi sans intervention et le groupe avec placebo (on parle d’effet " Hawthorne ").

Il est impossible de prédire avec certitude si un effet placebo surviendra pour un individu donné à un moment donné. De nombreux facteurs conditionnent l'effet placebo en pratique médicale et sont susceptibles de le renforcer ou le diminuer. Les plus fréquemment retrouvés sont ceux en relation avec le médicament, le comportement des soignants, la maladie et le malade :

Le médicament : présentation du placebo (nom, taille, prix, taux de remboursement par l'Assurance Maladie), voie d'administration du placebo (injection > gouttes > comprimés).

On peut observer un effet placebo dose-dépendant, un effet cumulatif voire un état de dépendance au placebo.

Le comportement des soignants : relation patient - médecin de confiance, notoriété du médecin, conviction du médecin concernant l'efficacité thérapeutique du placebo.

La maladie : pathologie psychosomatique plus susceptible de variations, de rémission ou de guérison spontanée. On peut remarquer dans les essais thérapeutiques que l'effet placebo est d'autant moins marqué qu'il s'agit d'une pathologie grave et que le placebo est administré sur une longue période.

Le malade : patient conformiste, attendant beaucoup du médicament.

En conclusion, l'importance de l'effet placebo n’est pas mesurable en pratique clinique.

L'effet placebo est évalué à partir d'essais thérapeutiques dont l'objectif n'est pas la mesure de l'effet placebo mais la mise en évidence d'une différence d'effet pharmacologique entre le groupe placebo et le groupe traité.

C - L'UTILISATION DES MEDICAMENTS PLACEBO EN RECHERCHE CLINIQUE

Le placebo a une place méthodologique indiscutable en recherche clinique. Au cours des dif-férentes phases des essais cliniques, seule la comparaison au placebo permet de s’assurer qu’un médicament à une réelle efficacité pharmacologique et permet de mesurer l’intérêt thé-rapeutique d’une nouvelle molécule. Dans les études de phase II randomisées, la présence d’un groupe contrôle placebo permet de démontrer l'effet pharmacologique du traitement étudié et de déterminer la dose minimale efficace en référence au placebo lors des études de relation dose-effet. Dans les essais de phase III, l'essai thérapeutique contrôlé contre place-bo avec allocation aléatoire (randomisation) des patients dans les deux groupes de traitement (placebo ou traitement à l’étude), en double aveugle (le patient et le médecin ignorent dans quel groupe se trouve le patient), donne le niveau de preuve le plus élevé de l'efficacité d'un traitement (voir questions 3 et 169). Il permet aussi la meilleure évaluation de la tolérance clinique et biologique du traitement à l’étude.

Toutefois, la mise en place d’essais thérapeutiques contrôlés avec un groupe placebo, notam-ment pour les essais de phase III, pose des problèmes différents selon qu’il existe ou non un traitement de référence dans la pathologie considérée. Lorsqu'il n'existe pas de vrai traite-ment de référence ayant une activité thérapeutique clairetraite-ment démontrée dans la pathologie considérée, l'essai thérapeutique se doit d’être fait versus placebo, car c’est le seul moyen de démontrer l'efficacité d'un nouveau traitement.

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Dans le cas où un traitement de référence existerait dans la pathologie étudiée, l'essai théra-peutique contrôlé contre placebo est controversé [4,5] :

Certains prônent son avantage méthodologique et soulignent ses bénéfices en termes col-lectifs. Contrairement aux essais de supériorité qui mesurent statistiquement le rejet d’une efficacité identique du traitement actif et du médicament placebo, les essais d'équivalence mesurent le non-rejet de l’infériorité du traitement actif versus le traitement de référence.

Or cette démarche statistique est beaucoup moins établie que la précédente. De plus, un essai thérapeutique contre un traitement de référence nécessite l'inclusion d'un nombre de sujets beaucoup plus important qu'un essai thérapeutique contrôlé contre placebo car la dif-férence d'efficacité attendue est beaucoup plus petite. Si le nouveau traitement est ineffica-ce voire toxique, un nombre supérieur de sujets aura été exposé au nouveau traitement dans l'essai d’équivalence. Enfin, si l’essai conclut à une non-infériorité du traitement actif par rapport au traitement de référence, cela ne permet pas de conclure directement à une supé-riorité par rapport à un traitement placebo.

D'autres jugent les essais contre placebo non éthique lorsqu’il existe un traitement de réfé-rence ayant une activité thérapeutique bien démontrée, dans la mesure où les patients subis-sent une perte de chance thérapeutique. La dernière version de la Déclaration d'Helsinki de l'Association Médicale Mondiale va dans ce dernier sens : " les avantages, les risques, les contraintes et l'efficacité d'une nouvelle méthode doivent être évalués par comparaison avec les meilleures méthodes diagnostique, thérapeutique ou de prévention prouvée " (Section 29) [6]. Il existe dans chaque pays et à l'échelle européenne un organisme habilité à autori-ser la mise sur le marché des médicaments (Agence du Médicament (ex. Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé ou AFSSAPS) ; European Agency for the Evaluation of Medicinal Products pour l’Europe ; Food and Drug Administration aux USA). Ces organismes peuvent requérir des essais contre placebo pour la mise sur le mar-ché d’un nouveau traitement, même lorsqu’il existe un traitement de référence. Bien que l’agence européenne du médicament ait récemment souligné sa prise en compte des recom-mandations issues de la dernière version de la Déclaration d'Helsinki concernant l’utilisa-tion d’un placebo, elle note cependant que l’évalual’utilisa-tion de la nécessité d’un essai contre pla-cebo ou traitement de référence doit se faire au cas par cas.

(http://www.emea.eu.int/pdfs/human/press/pos/1742401en.pdf).

Emanuel et Miller (2001) proposent des critères pour guider le choix entre un essai théra-peutique contrôlé contre placebo ou un traitement de référence existant et dont l’efficacité a été démontrée [5] :

D'abord les arguments en faveur d'un essai contrôlé contre placebo doivent être solides :

*Effet placebo important.

*Pathologie susceptible de variations, de rémission ou de guérison spontanées ;

*Traitement de référence de faible efficacité ou comportant des effets secondaires impor-tants.

*Faible prévalence de la pathologie rendant un essai d'équivalence impossible.

Si ces arguments sont remplis, les risques associés au placebo sont évalués par rapport au traitement existant, en fonction :

*Du risque de décès.

*Du risque d'invalidité permanente.

*Du risque d'inconfort ou de douleurs sévères et réversibles (par exemple nausées et vomissements sous chimiothérapie).

En contrepoint des querelles éthiques sur le placebo, la figure suivante montre que :

Le nombre d’essais cliniques randomisés en double-aveugle a augmenté de façon exponen-tielle avec le temps (environ 500 en 1980, 3500 en 2003).

– La proportion des essais cliniques randomisés en double-aveugle versus placebo est restée stable dans le temps à 63 %.

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Il existe plusieurs utilisations possibles du médicament placebo en recherche clinique.

Lorsque l’on veut comparer deux médicaments A et B en double insu, il est nécessaire de les rendre indiscernables (même aspect, même nombre de prises) pour rester en double-aveugle.

L’utilisation d’un double placebo répond à cette exigence en associant à chaque médicament son placebo. Chaque malade recevra donc le médicament A et le placebo de B ou inverse-ment. Le placebo peut aussi être utilisé lors des périodes de sevrage dans certains schémas expérimentaux, par exemple au début d'un essai thérapeutique lorsqu'il faut arrêter un trai-tement et ne pas laisser le malade sans traitrai-tement, ou lors d'une période de sevrage intermé-diaire ("wash-out") d'un essai croisé. Cette période de sevrage sous placebo permet d’étudier l’état de base des malades, leur stabilité et la comparabilité des groupes.

D - L'UTILISATION DES MEDICAMENTS PLACEBO EN