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Chapitre VI. Essai de reconstitution paléoenvironnementale

4 Comparaisons avec d'autres sites continentaux mio-pliocènes à rongeurs

La faune de rongeurs du gisement de Bou Hanifia (Vallésien moyen) se caractérise par des espèces strictement africaines telles que les Dendromuridae, les Ctenodactylidae et les Myocricetodontinae, et par un immigrant asiatique : Progonomys cathalai (Ameur-Chehbeur, 1988 ; Coiffait, 1991). Cette faune est dominée par les cricétidés (56 %). La forte fréquence de ces derniers, combinée avec celle des Ctenodactylidae (10 %), indiquerait un milieu ouvert à caractère chaud et sec. Néanmoins, l’association des muridés (Progonomys cathalai) et des gliridés (29 %) indiquerait la présence d’une certaine humidité. La végétation devait donc

correspondre à un milieu assez ouvert de type savane arborée, ce qui est également attesté par la présence de l’équidé Cormohipparion africanum, du giraffidé Samotherium, et du bovidé Gazella praegaudryi. L’environnement général correspondrait à une vaste plaine alluviale à subsidence relativement faible. Cette conclusion est soutenue entre autres par l’analyse sédimentologique de la formation de Bou Hanifia (Ameur-Chehbeur, 1988).

Le gisement d’Amama 1 a livré un fort pourcentage de Cricetidae et de Ctenodactylidae (95 %) indiquant ainsi un milieu ouvert, chaud, et sec. Ce milieu semble devenir encore plus sec lorsqu’on observe la faune du gisement d’Amama 2 (daté de 8,2 Ma à 7,3 Ma: Voir chapitre III) où le gerbillidé Protatera algeriensis représente à lui seul 75 % de la population de rongeurs récoltés, ce qui indiquerait un milieu très ouvert, assez chaud, et sec.

En Afrique du Nord, certains sites de la formation de Sahabi ont un âge légèrement plus récent (Boaz, 2008) que celui d’Amama 2. Depuis la découverte du proboscidien Stegotetrabelodon syrticus, la localité de Sahabi est devenue une localité de plus en plus importante. Cette formation est située dans le bassin de Syrte (nord Libye), et renferme des dépôts continentaux datant depuis le Miocène supérieur jusqu’au Pliocène moyen. Les membres de la formation de Sahabi renferment un important diachronisme (Boaz, 2008). Le membre U1, daté autour de 7 Ma, correspond à des dépôts de chenaux littoraux, constitués de grès qui renferment des lentilles d’argiles (Boaz, 2008 ; Muftah et al., 2008). Ce membre a livré une riche faune de micromammifères. Plus de la moitié de l'assemblage de la microfaune est composée du gerbillidé Abudhabia yardangi (Munthe, 1987). Ce taxon est un indicateur de conditions semi- arides, et la présence des écureuils comme Atlantoxerus confirme ces conditions climatiques. Le cortège faunique du membre U1 indique un climat sec et chaud marqué par des fluctuations saisonnières et une longue saison sèche. Par ailleurs, la présence de mammifères semi- aquatiques, comme les anthracothères et les hippopotames, reflète une grande quantité d’eau sous forme de rivières et de lagunes qui a permis le développement d’une faune variée et de biotopes diversifiés. Le paysage à Sahabi autour de 7 Ma semble avoit été dominé par des paysages ouverts de savanes boisées et de prairies semi-désertiques à désertiques, ainsi que des

En Afrique centrale, la reconstitution du paléoenvironnement du Djourab (Tchad) obtenue à partir de nombreuses études indique un paysage mosaïque à 7 Ma, constitué par des zones boisées et d’autres zones plus ouvertes, et des milieux aquatiques divers (Vignaud et al., 2002; Boisserie et al., 2005; Jacques, 2007 ; LeFur et al., 2009 ; Novello, 2010). Les études menées sur les assemblages de phytolithes indiquent une végétation de type marécageuse sur le site de Toros-Ménalla (fin Miocène, 7.32 Ma ±0.10 Ma) (Novello, 2010). La présence de milieux aquatiques à Toros-Ménalla est également démontrée par les faunes de vertébrés aquatiques comme les crocodiles, tortues aquatiques et poissons et des mammifères semi-aquatiques, comme les Hippopotamidae et Anthracotheriidae (Vignaud et al., 2002; Boisserie et al., 2005 ; Lihoreau et al., 2006 ; LeFur et al., 2009 ; Otero et al., 2010). La présence des oiseaux semi- aquatiques et l’occurrence de plusieurs espèces de Mustelidae et notamment des loutres (Peigné et al., 2008; Louchart et al., 2005a; Louchart et al., 2005b) suggèrent la présence d’étendues d’eaux importantes. L'assemblage faunique de mammifères à Toros-Ménalla est dominé par les bovidés (plus de la moitié) et les mammifères semi-aquatiques, et reflète des habitats terrestres plus ou moins ouverts (Brunet et al., 2000). Le delta de l'Okavango au Botswana a été cité comme un exemple analogue d’environnement mosaïque. Malgré sa topographie plane et l’homogénéité dans la nature des sols, des variations importantes de végétation sont observées sur de courtes distances : milieux péri-lacustres boisés, savane boisée, savane ouverte, et désert. En résumé, les interprétations climatiques basées sur les mammifères sont sans doute affectées par les caractéristiques géographiques (orographiques) de la région. Les interprétations climatiques de certaines régions peuvent donc être différentes, même pour deux régions voisines. Au cours du Miocène supérieur, la couverture végétale a subit d'importantes modifications (Pound et al., 2011). Au Miocène inférieur, l'Afrique du Nord a été dominée par des arbres tropicaux, la couverture végétale se transformant progressivement pour laisser la place à des milieux plus ouverts dominés par des herbacées en C3 vers la fin du Miocène. Les herbacées en C4 qui sont alors dominantes au sud du Sahara, n’ont jamais colonisé le Nord de l'Afrique (Jacobs et Kabuye, 1989 ; Cerling et al., 1997). L'Afrique du Nord est devenue plus aride au cours du Miocène terminal et du début du Pliocène (Pound et al., 2012), L'aridification est due

à une diminution des précipitations (François et al., 2006 ; Zhang et al., 2014). Ces changements climatiques importants ont probablement causé des modifications dans la flore et la faune d'Asie et d'Afrique observées au cours de la même période avec des liens possibles avec l'apparition des premiers hominidés en Afrique du Nord (Brunet et al., 2002 ; Zhang et al., 2014)

L’association de micromammifères du gisement AF12-2 permet d’obtenir une image approximative de l’environnement et du climat local au moment de la formation de ce gisement. Ce cortège faunique indique un climat tempéré chaud, semi aride et un couvert végétal ouvert de type savane arborée dominé par des plantes en C3. En effet, l’association de rongeurs de cette localité montre une affinité avec les associations de rongeurs de l’Europe sud-occidentale. Mis à part le genre Arvicanthis qui est un taxon commun à AF12-2 et Toros-Ménalla (Tchad) daté de 7 Ma (Le Fur et al., 2009), la dissemblance des faunes de rongeurs peut être expliquée par les différences géographiques, sédimentaires, et surtout écologiques induisant l’existence des faunes très différentes.