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CHAPITRE 6. ANALYSE COMPAREE DES TROIS REGIONS :

VI.1. Comparaison des visions territoriales en matière de planification de services

VI.1.1. Trois régions à forte implication dans les politiques de transport

L’Alsace, le Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes ont toutes trois une forte implication dans les politiques de transport, même si leurs contextes et itinéraires respectifs sont en l’espèce très divers. Pour se limiter à quelques rappels : le Nord-Pas-de-Calais a initié, en 1977, l’un des premiers schémas régionaux de transport, mis en œuvre dès 1978 avec le TCR (Transport Collectif Régional) précurseur lointain du TER et de la régionalisation des transports collectifs régionaux de voyageurs. Cette région a installé le premier métro automatique mondial. L’Alsace, à travers la personnalité du sénateur Haenel, a joué un rôle moteur dans l’expérimentation de la régionalisation. Rhône- Alpes, plus récemment sans doute, s’est emparée du thème des transports, devenu, dans la dernière décennie une préoccupation majeure dans une région directement confrontée aux problématiques du transit, rendues d’autant plus sensibles que sa conformation géophysique lui impose des contraintes particulièrement sévères en la matière.

La montée en puissance des forces politiques autour des Verts et des écologistes, de même que l’importance prise par le transport dans le concert européen ont favorisé la mise en avant de ce secteur dans la conscience collective et les pratiques de ces régions. L’importance donnée au transport dans l’agenda de ces régions, les pratiques, voire les savoir faire développés par elles autour de ces questions (particulièrement à l’occasion des Rapports d’Orientation Multimodaux) expliquent pour une part et l’intérêt porté aux travaux des Schémas de Services Collectifs de Transport et la richesse des analyses et propositions avancées à cette occasion dans les trois contextes étudiés. Ceci explique également la sensibilisation des milieux concernés, tant politiques que professionnels, aux grands thèmes « stratégiques » sur lesquels se fonde la philosophie des schémas de transport.

VI.1.2. Une adhésion unanime au rééquilibrage des modes et à l’intermodalité mais des questions quant aux voies et moyens et au partage des rôles

Comme l’on pouvait s’y attendre, les trois régions reprennent à leur compte à la fois l’impératif de rééquilibrage des modes de transport et la recherche de solutions intermodales dans la maîtrise de la croissance des flux, conséquence d’une demande

Chapitre 6. Analyse comparée des trois régions : Différenciation et intégration Mai 2002

sans cesse élargie de mobilité. Si les milieux politiques adhèrent pleinement et sans nuances excessives à ces grands objectifs, certains d’entre eux considérant qu’il n’est pas possible de ne pas s’y rallier, tant leur expression est générale face à la montée des contraintes, nuisances et autres contre-productivités, les acteurs du transport affichent quant à eux à leur égard des positions aux tonalités diverses. Les opérateurs maritimes, fluviaux et ferroviaires y voient une « chance historique » tandis qu’une partie des chargeurs et du monde routier fait état de réticences et de scepticisme à l’égard de certaines perspectives jugées irréalistes dans les objectifs à atteindre et les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. Rien, dans ce constat, qui puisse surprendre.

Des questions reviennent fréquemment cependant, notamment dans les avis exprimés par les milieux politiques, sur les leviers par lesquels ces objectifs de rééquilibrage pourront être atteints et le partage des rôles qui sera opéré entre l’Etat et les collectivités territoriales dans les actions à entreprendre : tarification, réglementation, modalités de financement des mesures de politique générale et des infrastructures, tout ceci dans le cadre de la mise en place des orientations du Livre Blanc de la Commission Européenne de septembre 2001.

Des pratiques intermodales sont évidemment déjà en œuvre dans les régions : dans des domaines très différents, l’exemple du choix du renforcement de la liaison ferroviaire plutôt que la création d’une nouvelle voie autoroutière sur l’axe Lyon-Saint Etienne (vallée du Gier) et celui des services de feedering de conteneurs entre le port de Lille et plusieurs dessertes maritimes illustrent ces pratiques de manière positive. Elles montrent du même coup que des marges existent pour les acteurs régionaux (en l’occurrence, respectivement la DRE Rhône-Alpes et le Port de Lille), dans les cadres réglementaires et tarifaires actuels, pour déployer de nouvelles pratiques, que ce soit dans les choix stratégiques d’infrastructure (route versus mode alternatif) ou dans la mise en place de nouveaux services articulant différemment les modes (substitution de services fluviaux et/ou ferroviaires à la route dans les dessertes terrestres de façades maritimes).

Le document final des SSCT ne fait aucune référence à ces pratiques qui ont pourtant une portée heuristique intéressante, même si, en l’espèce, aucun processus ni modèle organisationnel n’est immédiatement transposable.

VI.1.3. L’expression des objectifs de la planification en termes de problématiques spatialisées

Les régions (terme qui désigne ici l’ensemble des acteurs régionaux) se sont efforcées, surtout dans la première phase de consultation et beaucoup moins dans la seconde, de qualifier leurs propositions en termes de services de transport destinés à répondre aux besoins de mobilité ressentis au niveau des territoires, tant en termes de desserte que de transit. Ces objectifs sont fortement articulés à des visions d’aménagement des territoires et ne négligent pas les différentes échelles à introduire dans ces conceptions : locales, interurbaines, interrégionales et internationales (voir par exemple, les huit objectifs de transport de l’Alsace ou les onze axes thématiques du Nord-Pas-de-Calais). De ce point de vue, un des objectifs de la démarche des schémas de service semble avoir été bien

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Les schémas de services de transport 102

compris de la part des régions, démarche qui consistait à se départir d’une approche privilégiant les infrastructures au profit de raisonnements en termes de services de transport ancrés dans des visions territoriales. L’exercice immédiatement antérieur des ROM y a sans doute contribué pour partie et ce, malgré la difficulté — aisément compréhensible — des régions à stabiliser une prospective territoriale claire et acceptée de tous les acteurs.

Dans les trois régions, le silence quasi absolu du document de l’Etat sur les contextes internationaux dans lesquelles se déclinent les questions de transport est unanimement déploré. Certes, les trois régions retenues sont toutes ouvertes directement sur des pays voisins, ce qui leur confère une sensibilisation particulière à cette dimension, même si leurs contextes, ici aussi, sont très différents. Ainsi, la question des relations transfrontalières de proximité est davantage perçue en Alsace et Nord-Pas-de-Calais qu’en Rhône-Alpes tandis que la problématique des corridors transeuropéens de fret les concernent toutes : liaisons nord-sud et est-ouest en Nord-Pas-de-Calais comme en Rhône-Alpes, problématique des franchissements montagneux en Alsace (incidences des aménagements suisses ; traversées transvosgiennes) et Rhône-Alpes (Lyon-Turin). Les références sont fréquentes dans les documents et les témoignages recueillis à la nécessité d’approches en termes d’axes transeuropéens de transport.

Ces préoccupations rejoignent l’expression répétée de problèmes de saturation des axes sur certaines liaisons, en routier comme en ferroviaire (régions métropolitaines de Lille et de Lyon), aux endroits où se conjuguent les trafics, locaux, régionaux, nationaux et internationaux, de voyageurs comme de fret. La recherche de solutions intermodales ne débouche pas sur des perspectives évidentes ni immédiates. Dans presque tous les cas, des augmentations de capacité s’imposent. Dans le Nord, par exemple, le doublement à 10 ans du fret ferroviaire, s’il est atteint (ce dont doutent sérieusement certains acteurs), se traduira par un accroissement plus que proportionnel des trafics en région, vu son positionnement sur les axes de transit vers le nord de l’Europe, d’où une forte pression sur la demande de capacités additionnelles sur le réseau. Rhône-Alpes sera confrontée à des difficultés de même nature, pour des raisons identiques. La démarche prospective débouche ainsi, ce qui n’est pas illogique, sur des perspectives infrastructurelles, inévitables à court et moyen terme et sans doute plus facilement réalisables en routier que dans les autres modes. D’où l’attitude de « réalisme routier », reprochée par certains courants parmi les élus politiques notamment, à ceux qui tendent à revenir trop promptement sur les solutions dont les SSCT visent précisément à se départir.

Quant à la problématique de la localisation des activités ou résidentielle en liaison avec les réseaux de transport, elle est évoquée à plusieurs reprises mais, curieusement, pas de manière centrale comme on aurait pu s’y attendre, l’évolution récente des dispositifs législatifs s’y prêtant particulièrement (notamment, loi SRU, PDU). L’Alsace y semble plus sensibilisée, mettant en avant les pôles d’attraction que constitueraient les points de desserte du futur tram-train (croissance des valeurs foncières) et, plus largement, la nécessité de penser les développements urbains en fonction des axes lourds de transport collectif. Dans cette région comme dans le Nord-Pas-de-Calais, les schémas de service ont été l’occasion pour la SNCF de consolider, voire d’engager un dialogue souvent insuffisamment développé avec les collectivités territoriales sur les niveaux et qualifications de service tels que les territoires les conçoivent. La thématique du

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développement économique, traditionnellement invoquée dans les argumentaires des projets d’infrastructure (la rhétorique des « effets structurants » des infrastructures de transport), est peu mise en avant dans les visions prospectives des régions, semble-t-il. L’établissement public en charge de la voie d’eau et soucieux de promouvoir le projet de liaison Seine-Nord y recourt, sur le registre de la desserte rapprochée de centres économiques locaux à revitaliser.