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Comparaison des participants en fonction du binge de cocaïne

5.1 Résumé des résultats

5.1.2 Comparaison des participants en fonction du binge de cocaïne

Alors que les caractéristiques socio-démographiques des participants sélectionnés ayant ou non rapporté au moins un épisode de binge de cocaïne dans le dernier mois sont en général similaires, deux de celles-ci en apparence opposées sont statistiquement différentes parmi ces groupes. En effet, les participants du groupe binge étaient à la fois plus fréquemment en situation d’itinérance dans les trois derniers mois et se situaient plus fréquemment dans le quartile supérieur du revenu mensuel du dernier mois. Alors que chez la majorité de la population, la part du revenu utilisé pour l’hébergement est importante, la consommation de drogues en général (et particulièrement d’un binge de cocaïne)211 peut venir amputer une part encore plus importante du revenu mensuel. Parmi les participants sélectionnés pour cette analyse, l’argent dépensé pour l’achat de drogues excluant l’alcool dans le dernier mois avant l’inclusion dans l’étude était en moyenne de 971,54 $ avec une médiane de 550,00 $. En effet, un épisode de binge de cocaïne peut être extrêmement dispendieux et une consommation importante de cocaïne peut mener à la perte du logement par manque de moyen financier résiduel.

Paradoxalement, malgré la perte du logement stable et le plus souvent l’arrêt de la dépense liée à l’hébergement, les besoins en argent liés à la consommation demeurent importants. Alors que près du tiers des participants rapportent une source de revenus marginale ou criminelle, il est supposé que certains des participants consommant fréquemment par épisode de binge de cocaïne se voient contraints à ce type d’activités pour financer leur consommation extrêmement coûteuse, en plus de n’être généralement pas compatible avec la poursuite d’un emploi standard aussi payant. En particulier, la quête, la vente de drogue et le travail du sexe pourraient être associés à ce phénomène. Il se pourrait toutefois que ces prévalences plus élevées d’itinérance et de revenu mensuel parmi le quartile supérieur chez les participants du groupe binge représentent des phénomènes distincts. En effet, la présence d’itinérance pourrait être expliquée à la fois comme un phénomène causal ou une conséquence du binge de cocaïne et il en est de même pour un revenu élevé. En ce sens, la comparaison de la prévalence d’itinérance par quartile de revenu nous renseigne que c’est en fait dans le quartile inférieur de revenus que la proportion de participants ayant vécu de l’itinérance est la plus grande, avec 72,6 %. Alors qu’une proportion de 65,5 % d’itinérance est tout de même retrouvée dans le quartile de revenu supérieur, les différences entre les quartiles n’étaient pas statistiquement significatives au wald chi-square test (p=0,160).

Alors que les participants ont consommé de l’alcool ou des drogues autres que la cocaïne dans le dernier mois et ont suivi un traitement pour l’alcool ou les drogues en proportion comparable parmi les participants sélectionnés des groupes présence et absence de binge, leur consommation de cocaïne diffère. En effet, alors que la grande majorité des participants rapportent avoir fumé de la cocaïne dans le dernier mois, cette proportion est encore plus grande chez ceux du groupe binge (92,5 % vs 84,9 % p=0,037). En contrepartie, une proportion quasi identique s’est injectée de la cocaïne dans la même période, soit environ la moitié des participants. Ceci rejoint les données publiées précédemment sur la cohorte COSMO, où 40,5 % des 612 mois précédents une entrevue comprenant au moins un épisode de binge de cocaïne rapportée au fil de l’étude longitudinale incluant la prise de cocaïne injectée contre 70,9% de la cocaïne fumée et 9,8% de la cocaïne prisée, certains épisodes de binge comportant à la fois plus d’un mode d’administration de la cocaïne.177 La cocaïne fumée sous forme de crack est particulièrement accessible à Montréal211, a une courte durée d’action

et est facile d’administration à l’aide d’une pipe de verre, ce qui peut contribuer à sa forte représentation parmi ceux dont la consommation inclut du binge.167

Par ailleurs, la plus grande différence entre les deux groupes se retrouve dans la proportion de résultats élevés, soit plus grand ou égale à quatre, au Severity of dependence scale relié à la cocaïne. En effet, les participants rapportant du binge présentent un résultat élevé à ce score bien plus fréquemment (77,5 % vs 51,3 % p<0,0001). Le SDS-cocaïne évalue l’intensité de la dépendance à la cocaïne en évaluant à l’aide de cinq courtes questions les composantes psychologiques importantes de la dépendance. Un de ces items porte sur la perte de contrôle sur la prise de la cocaïne. Cet élément est également fréquemment rapporté par les participants de l’études COSMO, alors que ceux-ci ont indiqué avoir perdu le contrôle sur la consommation de cocaïne dans 80 % des mois où des binge de cette drogue étaient rapportés.177 La définition de binge de cocaïne utilisée dans cette étude fait référence indirectement à ce critère et la perte de contrôle sur la consommation est également rapportée par des consommateurs réguliers de cocaïne qui ne présentent pas d’épisodes de binge, mais qui n’arrivent pas à cesser la consommation malgré qu’ils puissent réaliser l’impact fonctionnel et l’impact sur leur santé de leur consommation. Également, les autres items du SDS correspondant à d’autres aspects de sévérité n’apparaissent pas a priori reliés directement au pattern de binge de cocaïne, mais sont plutôt en lien avec la présence, durant le dernier mois, d’anxiété générée par l’impossibilité de consommer, d’inquiétude générée par les conséquences de sa consommation, du désir de cesser la consommation et de la difficulté à cesser la consommation, même temporairement.