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Comparaison des méthodes du coût de la maladie et de l’évaluation contingente et leurs limites

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Economic evaluation of health consequences of prenatal methylmercury exposure in France

5.2 Les limites de l’évaluation économique

5.2.2 Comparaison des méthodes du coût de la maladie et de l’évaluation contingente et leurs limites

Une autre limite doit être soulignée : c’est l’utilisation de la méthode du coût de la maladie (Cost Of Illness) dans l’estimation des bénéfices liés à la réduction de l’exposition infantile au Pb et au MeHg. Selon Géniaux et Rabl (1998), elle fournirait une borne inférieure de la valeur des dommages sanitaires, comparativement à une autre approche, l’évaluation contingente, présentée dans l’introduction [95]. Pour rappel, cette dernière mesure le consentement à payer d’un individu en échange d’une variation de bien-être, sur la base d’une enquête ou d’un questionnaire auprès d'un échantillon de personnes concernées. Cette méthode est celle qui, théoriquement, permet de mesurer correctement l’ensemble des bénéfices imputables à une réduction de la morbidité parce qu’elle exprime les consentements à payer réels des individus [95]. Comme l’expliquent Drummond et al [124], les études ACB basées sur l’évaluation contingente et la mesure du consentement à payer peuvent être considérées comme des tentatives pour remplacer des marchés inexistants par des marchés hypothétiques, afin de mesurer la demande du consommateur en biens collectifs non marchands. Dans le domaine de la santé-environnement, cette méthode peut être traduite par la présentation à une population de scénarios hypothétiques concernant des changements du risque associés à un programme de santé ou une intervention et devant être estimés. Si ces derniers concernent des enfants, le questionnaire attenant à l’évaluation du CAP est renseigné par les parents si les enfants concernés n’ont ni l’âge, ni les capacités et les ressources d’exprimer eux-mêmes leurs préférences [184], [185].

Comme nous le mentionnons supra, de nombreuses évaluations contingentes ont été conduites pour estimer les CAP des individus pour une réduction des risques sur la santé liés à la dégradation de l’environnement [95, 98–100, 177, 185, 186]. Mais l’utilisation de cette méthode dans le cas des risques sur la santé des enfants apparait plus difficile que dans les cas des adultes [82] et [187]. S’agissant des risques liés au Pb et au MeHg, comme indiqué dans le tableau 2 de la section 3, Gayer et Hahn (2006) [166] ont conduit ce type d’évaluation afin d’estimer les bénéfices d’une réduction de l’exposition au MeHg, en demandant aux parents d’estimer la valeur d’une augmentation de 0,012 point de QI en se basant sur deux études examinant les décisions de parents prêts à payer un traitement de chélation lorsque les enfants avaient une plombémie importante dans le sang. D’après les résultats obtenus, la valeur de

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l’augmentation de 0,012 point de QI serait comprise entre $1,295 et $2,236, soit pour 1 point de QI, une valeur comprise entre $107,916 et $186,333. Cette valeur estimée est de 6 à 10 fois plus élevée que celle de Gould ($200617,815) et que nous avons utilisée dans nos travaux.

Si l’évaluation contingente peut constituer un complément à la méthode du coût de la maladie et permettre ainsi au décideur public de fonder ses décisions d’allocation de ressources sur ce que des individus consentiraient à payer pour bénéficier d’une réduction des risques, il n’en demeure pas moins que cette méthode présente aussi certains biais et en particulier dans le cas où elle porte sur des enfants. Le premier est dit « stratégique » : les valeurs monétaires révélées par les individus interrogés peuvent être sous-évaluées (cf. comportement du passager clandestin) ou surévaluées (recherche de l’approbation sociale). Ce qui pourrait être le cas dans cette thèse : les parents interrogés pourraient avoir une aversion au risque plus élevée étant donné que ce sont leurs enfants, et ils surévalueraient donc leur consentement à payer [13]. Ceci peut traduire une certaine forme d’altruisme qu’il faut prendre en compte dans les évaluations [82]. Le second biais est dit « hypothétique ». En effet, comme l’explique Hammitt [188], le caractère hypothétique du choix des situations auxquelles les individus interrogés sont confrontés lors du questionnaire de l’évaluation contingente, est aussi la plus grande faiblesse de ces méthodes, parce qu’ils peuvent ne pas être familiers avec les choix des situations, avoir une incitation insuffisante et aussi ne pas apporter des réponses réfléchies. Or, l’évaluation contingente nécessite d’avoir une information précise afin que les personnes interrogées puissent se forger leur propre opinion sur les changements de qualité apportées par la politique, et biaiser la perception de l’étendue des changements. Ce qui amène au troisième biais possible, dit « contextuel », c'est-à-dire que cette méthode est conditionnée par le contexte dans lequel elle est effectuée. Cette évaluation doit donc nécessairement détailler le plus possible l’information afin que les personnes interrogées ne fassent pas d’hypothèses fausses sur les changements [13]. Enfin, un biais dit « d’inclusion » peut également fausser cette évaluation si l’individu considère qu’il doit répartir son revenu entre diverses dépenses et qu’il attribue à l’objet qu’on lui propose de valoriser l’ensemble du budget consacré à l’environnement en général [13].

De plus, des débats ont lieu au Royaume-Uni depuis quelques années sur la pratique du National Institute for Health Clinical Excellence (NICE) et l’utilisation du consentement à

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payer, comme base pour des valeurs seuils en deçà desquelles l’introduction d’une nouvelle technologie ne sera pas efficiente [189]. L’une des questions soulevées par Culyer et al, et dans le prolongement de l’approche ‘post welfarist’, décrite en introduction, est celle du passage des préférences individuelles au consentement à payer collectif.

Un certain nombre de ces biais peuvent être contrôlés lors de la définition du scénario hypothétique et l’élaboration des questionnaires, puis lors de l’analyse des résultats, par des méthodes économétriques adaptées [186]. Sans aucun doute, l’obstacle majeur à cette démarche est sa mise en œuvre pour recueillir suffisamment de données à partir d’un échantillon représentatif. Lors de nos travaux de recherche sur le Pb et le MeHg, nous nous sommes donc limités à une ACB basée sur le coût de la maladie.

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