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Chapitre 5 Discussion générale et conclusion

5.3. Comparaison de méthodes de collecte de données

La proportion des hommes mariés ayant rapporté par PBS avoir eu des rapports sexuels avec une TS était très similaire à celle des femmes mariées qui pensaient que leur mari avait eu des rapports sexuels avec des TS (41,6% et 36,8%), alors que les proportions correspondantes avec la méthode FTFI étaient totalement différentes (19,6% versus 3,6%). Il en était de même pour l’acte sexuel extraconjugal où la proportion des hommes mariés ayant rapporté ce comportement et celle des femmes ayant pensé que leur époux avait eu de tels rapports sexuels étaient très similaires (67,0% et 61,4%) alors que les proportions rapportées par FTFI étaient notoirement différentes (58,5% versus 29,8%). Une telle concordance dans les résultats du PBS entre époux et épouse est en faveur de la validité des données rapportées par cette méthode. Ceci mentionne que certains participants aux études ont tu sciemment en face- à-face avec l’interviewer ces comportements qu’ils ont jugé socialement non recommandés, proscrits ou non conformes à un style de vie garantissant une meilleure santé [27, 172, 175, 176].

Quelle que soit la méthode, les rapports sexuels extraconjugaux ont été plus souvent rapportés parmi les hommes que parmi les femmes. De tels résultats sont conformes à ceux rapportés par l’étude de Wellings et al [229], sur les comportements sexuels dans le monde en 2006. Ces résultats sont plus spécifiquement conformes à ceux rapportés par l’étude de Molla et al [230], en Éthiopie en 2008, où les hommes étaient deux fois plus enclins à une telle infidélité de couple que les femmes.

Autant pour les hommes que pour les femmes, le fait d’avoir déjà eu des rapports sexuels avec un partenaire autre que l’époux/épouse a été rapporté plus fréquemment en FTFI qu’en PBS.

En effet, au Bénin comme dans beaucoup d’autres pays dans le monde, la tendance croissante en âge au premier mariage conduit à des rapports sexuels prénuptiaux plus fréquents [229]. N’avoir que son conjoint comme seul partenaire sexuel jusque lors signifierait avant tout pour la femme sa virginité jusqu’au mariage alors que la tradition de la virginité naguère prisée par la culture africaine est tombée en désuétude au contact de la culture occidentale [230-232]. Ainsi, le fait pour la femme de rester vierge jusqu’au mariage pourrait être perçu comme sa non émancipation. Pour les hommes ayant déjà achevé leurs études ou apprentissages, ils auraient été fiers de déclarer avoir déjà eu des rapports sexuels avant le mariage, car le contraire ressemblerait à une timidité ou une incompétence voire la peur de courtiser une fille. Tout ce qui précède pourrait expliquer aussi le fait qu’il n’y a pas eu de différence statistiquement significative entre les proportions des non mariés ayant rapporté avoir déjà eu des rapports sexuels, lorsqu’on compare les deux méthodes.

Par ailleurs, il est probable que la grande majorité des hommes non mariés ayant rapporté avoir déjà eu des rapports sexuels, l’auraient eu en transaction sexuelle [229], plus dans sa perception du sexe en échange de cadeaux et de faveurs de toute sorte dans des relations personnelles (pas nécessairement commerciales) que celle du commerce du sexe formel avec échange d’argent. D’après les résultats de l’EDS-2006, à Cotonou, les hommes non mariés, majoritairement jeunes, avaient pour la plupart au moins du niveau d’éducation secondaire [191]. La priorité des parents de ces jeunes, donc le désir de la société était de les voir d’abord achever leurs études. Ainsi, il n’aurait pas été socialement désiré de voir ces jeunes s’engager déjà dans une relation stable pouvant les conduire au mariage. En conséquence, devant l’interviewer, la plupart d’entre eux pourraient ne pas avoir voulu révéler leur relation sexuelle avec des femmes autres que des TS (relation alors exclusivement basée sur l’amour et présumant les fiançailles) au cours de l’année ayant précédé l’enquête. Ce qui a conduit ainsi à une sous-estimation de ce comportement en FTFI.

Indépendamment du sexe et du statut marital, les rapports sexuels payants ou payés ont été plus rapportés en PBS qu’en FTFI. En effet, certains participants ne voulant pas se faire passer comme en non-conformité avec les normes sociales au Bénin où les TS sont socialement stigmatisées, marginalisées, considérées comme des parias de la société [233], le rapport sexuel commercial a été sous-rapporté par les participants en FTFI.

Même si le rapport sexuel avec une TS a été sous-estimé en FTFI, parmi les hommes non mariés, l’utilisation du condom avec ces TS a été plus rapportée en FTFI qu’en PBS comme si un tel comportement était socialement désiré. En effet, les hommes non mariés, majoritairement des jeunes, étaient largement couverts par les interventions ciblant le milieu prostitutionnel. La communication pour le changement de comportement, une des composantes essentielles de ces interventions, était axée essentiellement sur la promotion d’utilisation constante et correcte du condom. La conformité à cette mesure de prévention aurait été alors perçue par les hommes non mariés comme une attitude saine garantissant une meilleure santé. Comme pour se faire bien paraître devant les interviewers, certains d’entre eux pourraient avoir faussement déclaré l’adoption d’un tel comportement sain, conduisant à sa surestimation en FTFI [175]. Contrairement aux jeunes, les hommes mariés, majoritairement plus âgés, donc moins exposés aux interventions ciblant le milieu prostitutionnel, n’auraient pas été dans cette logique de se faire bien évaluer par rapport à une quelconque conformité aux changements de comportements préconisés par ces interventions. Ils ont donc plutôt sous-estimé cette utilisation du condom probablement pour camoufler, par certains d’entre eux, le fait d’avoir eu des rapports sexuels avec des TS. Ces résultats sont conformes à ceux rapportés par l’étude de Lowndes et al, évaluant cette méthode du PBS comparativement à FTFI pour la première fois dans la population générale de deux districts (Belgaum et Mysore) en Inde [178].

Indépendamment du sexe et du statut marital, des antécédents d’IST ont été rapportés plus fréquemment en PBS qu’en FTFI. Il s’agit probablement là aussi d’une sous-estimation en FTFI du fait que certains participants aient tu sciemment de tels antécédents en face-à-face avec l’interviewer. En effet, en Afrique subsaharienne en général, les IST sont perçues comme des infections honteuses et stigmatisantes, identifiées en marqueur des comportements sexuels à risque [179, 234].

Le fait d’avoir déjà été testé pour le VIH a été plus souvent élicité des participants en PBS qu’en FTFI; les participants auraient craint que les interviewers les questionnassent sur leur statut sérologique. Quelle que soit la méthode de collecte, les femmes mariées ont rapporté plus souvent avoir déjà été testées pour le VIH que les trois autres groupes sociodémographiques. Ceci pourrait être relié au fait que les femmes enceintes,

majoritairement des femmes mariées, étaient spécifiquement ciblées par le programme de PTME qui offrait de services de dépistage avec un counseling pré- et post-test approprié. Ce programme offrait une bonne opportunité aux femmes enceintes de se prêter au dépistage volontaire et gratuit du VIH. En effet, d’après le rapport de l’EDS-2006 au Bénin, la majorité des femmes enceintes âgées de 15-49 ans acceptaient le test du VIH qui leur était proposé dans ce cadre [191].

Le fait d’avoir déjà entendu parler du VIH/SIDA, comme s’il apparaissait pour les participants comme une question d’évaluation de leur culture générale, donc un comportement socialement désiré, a été plus élicité des participants en FTFI qu’en PBS. Ne voulant pas se faire passer comme ignorants sur des questions d’actualités, les répondants pourraient alors avoir surestimé devant les interviewers d’avoir déjà entendu parler du VIH/SIDA.

En bout de ligne, il se dégage alors que tous les comportements impliquant une note de non- désirabilité sociale ont été plus rapportés en PBS qui offre plus de confidentialité qu’en FTFI. Dans l’application de la méthode FTFI, pour les comportements non socialement désirés, l’impact de la présence de l’interviewer serait allé de la honte devant l’interviewer jusqu’à la crainte d’être blâmé ou d’être socialement marginalisé pour cause d’avoir bravé les interdits sociaux. Alors qu’on note le contraire pour les comportements socialement désirés qui ont été plus rapportés en FTFI. Ces résultats sont conformes à ceux rapportés par l’étude de Lowndes et al en Inde [178]. Lorsqu’il s’agit des données relatives à des questions socialement sensibles, la méthode du PBS serait mieux adaptée pour la collecte de données plus valides et fiables comparativement au FTFI.

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