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Chapitre 5 Discussion générale et conclusion

5.2. Baisse de la prévalence du VIH au sein des jeunes hommes de Cotonou

Cette rubrique de la discussion porte sur les résultats du deuxième article s’inscrivant dans le deuxième axe de notre étude. Le résultat le plus intéressant est la baisse significative de 83% de la prévalence du VIH au sein des jeunes hommes âgés de 15 à 29 ans. Chez les jeunes filles âgées de 15 à 19 ans, même s’il y a eu une baisse, celle-ci n’était qu’à la limite de la significativité statistique. Un tel résultat est similaire à ceux d’une étude des années 90 à Masaka (Ouganda) où une baisse significative dans la prévalence du VIH était rapportée chez les jeunes hommes de la population générale âgés de 13 à 24 ans alors que chez les jeunes filles âgées de 13 à 19 ans, la baisse de cette prévalence n’était qu’à la limite de la significativité statistique [217]. De même, entre 2002 à 2007, en Afrique du Sud et en République-Unie de Tanzanie, il y a eu une baisse de la prévalence du VIH chez les jeunes hommes de la population générale âgés de 15 à 24 ans alors que la baisse n’était pas statistiquement significative au sein des jeunes femmes de la même tranche d’âge [33, 218]. L’utilisation du condom (ne serait-ce qu’une seule fois) a augmenté significativement entre 1998 et 2008. Du fait qu’en examinant les facteurs de risque du VIH ce comportement semblait avoir un effet protecteur chez les hommes, même si ce dernier n’était pas statistiquement significatif, il pourrait avoir joué un rôle important dans la baisse de la prévalence autant de la gonorrhée que du VIH parmi les hommes en général et peut-être la consistance dans cette utilisation du condom parmi les jeunes hommes âgés de 15 à 29 ans expliquerait cette baisse significative plus prononcée en leur sein. Le manque d’association significative entre ce type d’utilisation de condom et la baisse de la prévalence du VIH dans un tel devis d’étude n’est pas si étrange : il y a en effet eu des cas où cette association soit même significativement inversée [101, 156, 219, 220]. Une telle situation, reliée au devis transversal avec son problème de la temporalité, est reconnue comme un phénomène de compensation de risque où les personnes à comportements sexuels à haut-risque de l’infection à VIH n’en sont conscientes que tardivement bien après leur infection et que c’est seulement

au moment de cette prise de conscience qu’elles adoptent l’utilisation du condom [156, 220]. L’inversion de l’association s’explique alors par le fait que ne sachant pas si l’infection a précédé l’adoption du comportement ou vice versa, il y a finalement beaucoup de séropositifs parmi ceux qui rapportent avoir adopté ce comportement préventif [219]. Lorsqu’on considère les cas où l’utilisation du condom est rapportée sur une échelle ordinale, une autre forme de compensation pourrait être la surestimation dans l’utilisation de condom par les personnes se reconnaissant avoir des comportements sexuels à haut-risque d’infection à VIH [156].

En 2008, en estimant l’effet de l’âge sur la ronde d’étude en ce qui a trait au risque du VIH, les jeunes hommes âgés de 15 à 29 ans étaient significativement moins à risque du VIH que leurs aînés en âge. La baisse dans la prévalence du VIH chez ces jeunes est intervenue dans un contexte où évoluait au Bénin des interventions préventives ciblant le milieu prostitutionnel. Ces interventions ont été renforcées entre 2001 et 2006. Or, il a été estimé qu’en général 30% des hommes de Cotonou utilisaient le service des TS [7] et, des études ont rapporté que les clients des TS de Cotonou étaient majoritairement des résidents de cette ville et 71% parmi eux étaient âgés de 15 à 29 ans [15]. Il est important de faire remarquer que lors du recensement général de la population au Bénin, les jeunes de 15 à 29 ans représentaient 27% de tous les hommes [221]. Alors, les interventions préventives ciblant les TS et leurs clients et qui arrimaient, entre autres, la prise en charge précoce des IST aux interventions communautaires dédiées principalement à l’utilisation constante et correcte du condom, atteignaient plus les jeunes âgés de 15 à 29 ans de la population générale que leurs aînés. De façon synchrone avec ces interventions, la proportion des hommes ayant atteint au moins le niveau éducatif secondaire a augmenté significativement entre les deux rondes d’étude de 1998 et de 2008. Une telle augmentation notée est conforme à celle constatée entre les deux EDS de 2001 et de 2006 au Bénin où parmi les hommes à Cotonou, la proportion de ceux qui avaient au moins le niveau secondaire est passée de 47,1% à 71,3% [191, 222]. Les résultats de notre étude indiquant une baisse significative du risque de VIH avec une augmentation du niveau d’éducation formelle, sont consistants avec plusieurs autres études en Afrique subsaharienne [223-226]. En bout de ligne, il est vraisemblable que la baisse de la prévalence parmi les jeunes hommes ait été due à l’effet synergique entre les interventions ciblant le milieu prostitutionnel et l’augmentation du niveau d’éducation chez les jeunes hommes.

Le programme national d’accès aux ARV n’a commencé au Bénin qu’en 2002 avec l’initiative béninoise d’accès aux ARV [3] et, de presque nulle en 1998, la couverture nationale d’accès aux ARV est passée à 72% en 2008 [197]. Il est reconnu que la prévalence de l’infection à VIH au sein des jeunes peut indirectement approximer l’incidence du VIH [218, 227]. Les cas d’infection au sein des jeunes étaient alors généralement des nouveaux cas, donc moins sujets à rencontrer les critères d’éligibilité qui étaient en vigueur pour l’initiation aux ARV (CD4 < 200/mm3 ou stade clinique III défini par l’OMS avec CD4 < 350/mm3 ou stade clinique IV défini par l’OMS indépendamment du niveau des CD4) [196]. En conséquence, la proportion de sujets infectés par le VIH et qui étaient à une étape avancée de la maladie pouvant nécessiter l’initiation aux ARV allait probablement être plus élevée parmi les plus âgées. La tendance à la hausse de la prévalence au sein des sujets âgés de plus de 30 ans pouvait alors être le fait de l’amélioration de leur survie sous ARV [3]. En effet, en Afrique du Sud, une étude a rapporté que les augmentations dans les prévalences du VIH entre 2005 et 2008, et attribuables à la survie du fait du traitement aux ARV chez les femmes et les hommes âgés de 30 à 34 ans étaient respectivement de 3,6% et 2,5% [228].

En somme, conformément aux résultats de plusieurs études [11, 116-118, 213, 214] dont une modélisation mathématique ayant utilisé les données de Cotonou [11], les interventions ciblant le milieu prostitutionnel de Cotonou auraient contribué, pour une grande part, à la réduction de la prévalence du VIH au sein des jeunes hommes de la population de Cotonou entre les deux rondes d’études de 1998 et de 2008.

Autant pour cette étude comparative populationnelle que pour celle des tendances dans la population des TS, les données (y compris les données sur les comportements sexuels qui proviennent alors des questions socialement sensibles) ont été collectées par l’entrevue individuelle face-face. Ces deux études, même si elles n’ont pas utilisé un devis évaluatif formel, sont complémentaires et contribuent à l’évaluation de l’impact des interventions ciblant le milieu prostitutionnel au Bénin sur une durée de 15 ans. Or, la modélisation mathématique est de plus en plus utilisée dans l’évaluation des projets d’intervention avec nécessité de données exactes [182]. Les données exactes sont aussi nécessaires pour la planification des interventions efficaces réellement adaptées aux contextes. L’entrevue individuelle face-à-face offrant moins de confidentialité aux interviewés et ainsi sensible à la

stigmatisation et à la discrimination, de nouvelles méthodes offrant plus de confidentialité pour la collecte de données ont été développées. Le besoin d’une méthode plus valide pour la collecte de données sur les comportements à risque du VIH dont ceux sexuels, motive la troisième rubrique de notre discussion qui traite de l’évaluation de la différence de proportions des individus de la population générale de Cotonou rapportant les principaux comportements sexuels à risque de l’infection à VIH, lorsqu'on compare la méthode d’entrevue individuelle face-à-face (FTFI) à celle d’entrevue de groupe par boîte de votation confidentielle (PBS).

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