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Matériel et méthode

3. Comparaison avec la littérature existante

Dans l'étude DAWN2, 40% des patients présentaient une détresse importante liée à leur diabète et 11% disaient avoir une qualité de vie altérée (5). Cette constatation concorde avec notre étude et le fardeau du diabète et de son suivi thérapeutique ressenti par la majorité des participants.

Pourtant, les résultats de DAWN2 confirmaient ceux de DAWN onze ans plus tôt : l'aspect psychosocial du diabète n'étaient pas assez pris en compte par les soignants (4,5). Le discours des participants de notre étude ne faisait que confirmer ce constat. Bien que dans nos entretiens, ce manque semblait parfois leur convenir ; éviter d'en parler pour éviter d'en souffrir.

Ce manque de considération de l'impact psychosocial du diabète par les professionnels de santé est peu reconnu par les soignants. En effet dans DAWN2, 68% des infirmiers, 48% des endocrinologues et 32% des médecins généralistes estimaient s'intéresser à ce retentissement sur la vie des patients. Paradoxalement, 11% des patients déclaraient avoir été incités à en parler.

Les objectifs thérapeutiques semblaient diverger entres soignants et patients : seuls 61% des infirmiers, 50% des endocrinologues et 30% des médecins généralistes interrogés dans DAWN2 considéraient que la réussite de l'accompagnement thérapeutique de leurs patients porteurs d'un diabète était indissociable de la capacité des soignants à appréhender et prendre en compte les problèmes psychosociaux de leurs patients (28,29).

Pour compléter la compréhension du vécu des participants de notre étude, il serait intéressant d'interroger leurs soignants respectifs. Comment ont-ils l'impression que les patients qu'ils suivent pour un diabète de type 2, modifient leur comportement thérapeutique ? Quels sont les moyens qu'ils utilisent pour, ensemble, mobiliser les compétences nécessaires pour un changement de comportement de santé ?

Concernant le soutien par les proches, perçu par une grande partie des participants de notre étude, l'étude Diabasis allait dans le même sens : la moitié des patients recevait de l'aide de leur entourage pour leur alimentation et un tiers pour vivre avec le diabète et les changements qu'il induit (6).

Dans ces trois études internationales, les patients atteints du diabète décrivaient le besoin d'être soutenus, compris et intégrés à la compréhension de leur maladie. Nos entretiens révélaient les mêmes demandes par les participants.

Le sentiment de compétence décrit par les participants de notre étude, qui aidait au changement de comportement de santé, était retrouvé dans plusieurs études.

Junling Gao par exemple, lors d'une étude transversale en 2013 chez des patients porteurs d'un diabète de type 2, montrait une corrélation positive entre le sentiment d'efficacité personnelle, le soutien social, la communication soignants/soignés et la mise en place de comportements de santé protecteurs permettant une amélioration des variables biologiques lipidiques (24).

Une réflexion des patients de notre étude sur leur rapport à soi découlant vers une meilleur connaissance d'eux, leur permettait de prendre confiance en leurs capacités pour agir efficacement sur leur accompagnement thérapeutique.

Ce processus était similaire à celui décrit par Michelle Fossati lors des séances de groupes avec des patientes obèses boulimiques. En utilisant une métaphore de la fleur pour conceptualiser le concept de l'estime de soi, elle réalisait une thérapie cognitive sur l'estime de

soi et une thérapie comportemental sur l’affirmation de soi. Cela améliorait les troubles grâce au sentiment d'efficacité et une confiance en soi retrouvée (30).

Cependant, cette discussion directe sur l'estime de soi n'était pas souhaitée par nos patients. Cette approche, pour être autorisée par les patients de notre étude, devait se dérouler indirectement par la discussion d'autres concepts s'y rattachant.

Joseph Luft et Harrington Ingham ont défini un outil de psychothérapie pour identifier les compétences propres à chacun : la fenêtre de Johari. La connaissance de soi y rassemble quatre domaines : ce que la personne et l'autre connaissent, ce que la personne connaît mais que l'autre ignore, ce que l'autre connaît mais que la personne ignore, ce qui est inconnu de la personne et de l'autre. Ce travail sur ces quatre versants du soi, permet de voir objectivement en sa personne les caractéristiques intrinsèques qui permettront de s'accepter soi même tout en acceptant le regard de l'autre (31).

Christoph André et François Lelord, auteurs d'un livre sur l'estime de soi, suggèrent le changement de rapport aux autres pour améliorer l'estime des soi. Ils proposent dans cette optique de s'intéresser à l’affirmation de soi, l’empathie et l'appuie du soutien social. Ce soutien social peut passer par le soutien d'estime, le soutien affectif, le soutien matériel et le soutien informatif (10).

L'entourage familial, amical et soignant sont ainsi concernés. Ce que sous-entend notre étude, permettant ainsi le sentiment d'être aimé et d'être aidé.

Le changement de rapport aux autres et de rapport à soi décrit par les participants de notre étude comme un pilier pour leur changement de comportement de santé, était relaté par Albert Bandura. Selon lui, le sentiment d'efficacité personnelle clef indispensable de l'action de l'homme, a quatre sources : la performance, l'expérience de l'autre, la persuasion verbale passant par les encouragements et la valorisation, l'état psychologique (12).

Dans notre étude, ces quatre chaînons étaient vécus dans l'accompagnement thérapeutique des patients atteints du diabète. La performance était décrit sous le terme de réussite des objectifs. L'expérience de l'autre était échangée lors des séance de groupe d'éducation thérapeutique ou lors de l'exercice du participant comme patient expert de sa maladie auprès d'association et de proches. La persuasion verbale était réalisée par le soutien de l'entourage familial, amical et soignant. L'état psychologique des participants jouait un rôle dans leur rapport à l'action ; un trouble de leur humeur perturbait les changements de comportement dans le cadre de leur diabète.

Une attention des patients et des soignants sur le rapport à soi et le rapport aux autres, permis par un climat de bienveillance réciproque conduit vers un changement de comportement de santé avec le diabète de type 2 tout en conservant la qualité de vie souhaitée par les patients.

Ces réflexions soulèvent plusieurs questions. Chacune d’entre-elles pourraient faire l'objet de recherches qualitatives.

Les résultats de notre étude ne seraient-ils pas extrapolables aux autres maladies chroniques ? N'est ce pas une manière de voir la relation humaine qui peut s'appliquer à tout un chacun ? Un préalable, pour un vivre ensemble de qualité ?

Comment pouvons nous procéder en tant que soignants, pour accompagner le patient dans ce cheminement vers le rapport aux autres et à soi ?

Ne devons-nous pas, en tant que soignants, faire ce même chemin, pour soutenir sereinement ceux qui en ressentent le besoin ? S'accepter soi pour accepter l'autre. Être bien soi-même pour être utile aux autres.