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4. CIBLES ENVIRONNEMENTALES EN MATIÈRE DE RÉDUCTION DE GES DANS LE DOMAINE

4.4 Engagement de l’aviation civile en comparaison avec d’autres secteurs

4.4.1 Comparaison à l’échelle internationale avec le transport maritime

Sur la scène internationale, un seul autre secteur, tel que l’aviation civile, relève d’une entité de l’ONU : le transport maritime international. Effectivement, la responsabilité du secteur à diminuer ses impacts environnementaux a été attitrée à l’Organisation maritime internationale (OMI) comme cela a été remis à l’OACI pour le secteur aérien. Il est ainsi facile d’établir des comparaisons entre les deux secteurs comme le résume le tableau 4.2.

Tableau 4.2 : Comparaison entre secteur aérien et maritime (compilation d’après : OACI, 2019d; Organisation maritime internationale [OMI], 2014; OMI, 2019)

Secteur Contribution aux émissions mondiales Projections des émissions pour 2050 Cibles environnementales pour 2050 Mesures en voie d’être mises en place

Aviation civile

internationale 2,5 % Augmentation de 200 % à 300 %*

Réduction de 50 % des émissions par

rapport à 2005 Programme CORSIA Transport maritime international 3 % Augmentation de 50 % à 250 %** Réduction de 50 % des émissions par

rapport à 2008 Règlement OMI 2020

* Par rapport à 2015 ** Par rapport à 2012

Leur contribution aux émissions mondiales est similaire. Selon l’OMI, le transport maritime est responsable d’environ 3 % des émissions globales. Les deux secteurs sont également portés à croître de façon importante d’ici 2050, mais de façon différente. (OMI, 2014) Comme on peut le constater à la figure 4.5, la croissance du secteur maritime semblerait se stabiliser avec les années selon les projections de DNV GL, une compagnie œuvrant dans l’industrie (DNV GL, 2017) alors que les projections du secteur aérien laissent présager une croissance exponentielle de la demande en fonction du temps. Ces projections sont basées sur un scénario de business as usual, incluant, pour le secteur aérien, le renouvellement des flottes avec des avions plus performants. (OACI, 2019d) En comparant ainsi, dans le tableau 4.2, les projections de 2050 de ces deux secteurs avec leurs cibles environnementales respectives, il est possible de constater l’ampleur du défi auquel ces industries doivent faire face.

Figure 4.5 : Projections du commerce maritime international vs d'ici 2050 (tiré de : DNV GL, 2017) Au niveau environnemental, l’industrie maritime rejette des émissions de CO2 responsable du

réchauffement climatique, mais aussi des polluants atmosphériques tels que des oxydes de soufre (SOx)

qui contribuent notamment aux pluies acides et à l’acidification des océans. Ces sulfures proviennent principalement de la combustion du carburant et sont rejetés en teneur plus élevée que dans le secteur routier. (Harvey, 2019, 14 mai; OMI, 2014)

En 2008, l’industrie maritime a élaboré une version initiale d’une stratégie pour réduire les émissions de GES des navires qui vise, entre autres, leur réduction de moitié d’ici 2050. Cette stratégie a aussi pour objectif de diminuer l’intensité carbonique des émissions en améliorant l’efficacité énergétique des nouveaux navires basée sur l’indice nominal de rendement énergétique. (OMI, 2018) Cet indice est une norme, approuvée en 2011, servant à réguler la conception des nouveaux bateaux entrant en service depuis 2013 pour améliorer leur efficacité énergétique. (Transport & Environment, s. d.) Cette norme devrait permettre aux nouvelles constructions de bateaux, d’ici 2025, d’être 30 % plus efficaces que ceux construits en 2014. De façon parallèle, ce standard peut s’apparenter à la nouvelle norme sur le CO2 du

secteur aérien qui, cependant, ne s’appliquera qu’à partir de 2020. Bien qu’initialement élaborée en 2008, la stratégie de réduction d’émissions de GES du secteur maritime n’a été qu’adoptée qu’en avril 2018. (OMI, 2018) En plus de cette stratégie, l’OMI compte adopter un règlement pour contrôler la teneur en sulfures des carburants dans le but de réduire la concentration des rejets en sulfures de 3,5 % à 0,5 %. Celui-ci prendra effet dès le 1er janvier 2020 et s’appliquera à tous les bateaux qu’ils soient dédiés au

transport domestique ou international. (OMI, 2019)

L’OMI fait également face à une pression sociale, ces derniers temps, afin d’adopter une réglementation réduisant la vitesse des bateaux. Effectivement, cette mesure simple pourrait permettre de grandes économies en carburant. Une réduction de la vitesse d’environ 12 nœuds (près de 22 km/h) diminuerait la consommation d’essence de 18 % à 30 %. Dernièrement, lors du G7 qui a lieu à Biarritz, la France a

notamment suggéré cette solution à l’organisation maritime internationale. (Dancer, 2019, 9 octobre) Jusqu’à présent, aucun consensus à ce sujet de la part de l’OMI. (Bannon, 2019)

Il est ainsi possible d’établir certains parallèles entre l’aviation civile et le transport maritime international. Les deux industries ont réagi sensiblement au même moment (2008-2009) afin de se fixer des objectifs environnementaux similaires. En effet, chaque secteur vise une réduction de moitié de ses émissions d’ici 2050. Toutefois, l’année de référence diffère, ce qui suppose que l’OMI est légèrement plus ambitieuse que l’OACI, mais en réalité, l’objectif est-il plus accessible? Les objectifs de l’OMI sont probablement discutables puisqu’à part le fait d’apporter des améliorations quant à l’efficacité énergétique des nouveaux bateaux, l’industrie maritime ne semble proposer aucune autre mesure liée à la réduction d’émissions de GES. D’une part, les navires possèdent une longue durée de vie de même que pour les aéronefs. Cette caractéristique de l’industrie maritime mène donc vers un questionnement semblable à celui de l’aviation civile : combien d’années faudra-t-il attendre avant d’atteindre un taux de renouvellement de la flotte satisfaisant respectant la nouvelle norme? D’autre part, on peut se demander pourquoi les deux industries ont attendu aussi longtemps avant de proposer des mesures concrètes? Dès 2008, à l’OMI, il était question de réduire les rejets en sulfures des bateaux (Harvey, 2019, 14 mai). Pourquoi alors le règlement n’entrera-t-il en vigueur qu’au 1er janvier prochain? La même question se pose concernant la

stratégie de réduction des émissions de GES de l’OMI. Du côté de l’OACI, il a fallu attendre sept ans entre la décision d’adopter un mécanisme basé sur le marché et l’entrée en vigueur du Programme de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) planifiée pour 2021, d’autant plus que la première phase ne sera que volontaire. Il faudra attendre en 2027 avant que CORSIA ne devienne obligatoire pour les États membres. Considérant le contexte d’urgence climatique et les croissances prononcées attendues de ces deux industries, il est légitime de remettre en question les efforts et la rapidité qu’elles ont su démontrer dans les dernières années pour faire face aux changements climatiques...