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S’orienter vers des formes urbaines avec un certain degré de compacité apparaît réalisable et constitue une option intéressante pour un développement urbain durable, si elle s’accompagne d’un développement des transports collectifs et si elle facilite les déplacements piétons et à vélo. Il s’agit de réduire les déplacements (distance-temps, nombre) et de structurer l’urbanisation autour des transports collectifs. Il n’est pas question d’éliminer la voiture particulière, sans laquelle certains déplacements peuvent s’avérer très difficiles, mais d’exposer les hypothèses d’un développement urbain limitant l’étalement urbain et favorisant les transports collectifs tout en tenant compte des différentes échelles d’organisation territoriale.

4.2.1) Privilégier un espace urbain compact

Figure 44 Réseau, espace, activités: quelle morphologie ? Réalisation: T. Leysens, juillet 2010

Pour accéder à une activité (loisirs, habitat, commerces, travail, …), un individu utilise des réseaux (physiques comme les routes ou les réseaux ferrés, ou virtuels comme les couloirs aériens) et se déplace dans un espace. Pour réduire les distances-temps entre les activités, il est possible d’améliorer les vitesses, ce qui a pour effet de contracter l’espace-temps324. Si la contraction n’est pas uniforme, si l’espace n’est pas « chiffonné » de manière égale, il subsistera des différentiels d’accessibilité325. Réduire les distances-temps peut

324 Il en va différemment du cyberespace et des réseaux virtuels.

325 Pour en savoir plus: A. L’Hostis, « The shrivelled USA: representing time-space in the context of

152 nécessiter d’augmenter la vitesse de déplacement, donc le matériel roulant et les infrastructures, ce qui peut aller à l’encontre d’un développement urbain durable (notamment l’amélioration des infrastructures routières). Il est aussi envisageable de réduire les distances entre les activités par le rapprochement de celles-ci autour d’un réseau de transports collectifs. Il s’agit de rendre l’espace urbain plus compact pour favoriser les modes doux et les transports collectifs, ce qui apparaît comme une option pertinente pour développer un urbanisme durable.

Le développement urbain durable peut se définir comme l’intégration entre les trois sphères (économique, sociale et écologique) du développement urbain326. Cela comprend un ensemble de critères spécifiques et de mesures, notamment réglementaires. Ainsi les PDU, dont l’orientation principale est la diminution du trafic automobile, comportent un ensemble de mesures visant à remettre en cause l’avantage comparatif de la voiture sur les autres modes (zones 30, zones piétonnes, pistes cyclables, …). Au-delà de ces mesures, est plus largement mise en avant la nécessité d’une cohérence entre déplacements et planification urbaine, afin notamment de limiter le trafic automobile et sa croissance en agissant sur la morphologie urbaine327.

La majorité des définitions concernant la ville compacte regroupent deux caractéristiques : - fortes densités ;

- urbanisation continue.

Il faut préciser ici la différence entre « dense » et « compact » : « La compacité est un modèle

dont la densité n’est qu’un indicateur. »328 La ville compacte se veut essentiellement pédestre afin de minimiser les déplacements motorisés. La ville compacte se définit aussi « […] par un

degré élevé de mixité fonctionnelle dans l’usage de sols, permettant de multiplier les opportunités de déplacement à distance donnée »329.

(2009): 433–439; A. L’Hostis, « Theoretical models of time-space: the role of transport networks in the shrinking and shrivelling of geographical space » (2010).

326 Camagni et Gibelli, Développement urbain

durable : quatre métropoles européennes.

327 G. Pouyanne, « Des avantages comparatifs de la ville compacte à l’interaction forme urbaine-mobilité.

Méthodologie et premiers résultats », (2004).

328 Ibid., p.52. 329 Ibid., p.53.

153 La ville compacte est considérée comme une forme de ville durable puisqu’elle permet l’économie d’espace (elle consomme moins d’espace pour une même population) et par là même préserve les espaces naturels et agricoles de l’urbanisation330.

G. Pouyanne, ayant analysé plusieurs études et travaux portant sur la relation densité / coûts d’urbanisation, conclut que la prudence est de mise, car aucun des travaux qu’il a étudiés n’a permis de démontrer de façon certaine ni l’existence ni l’absence de liens de causes à effets entre densité et coûts d’urbanisation331. Plus simplement, on ne peut prouver de manière certaine que la densité engendre une diminution des coûts d’urbanisation étant données les interactions nombreuses (densité / réseaux / services / activités, …) et certains effets de seuil constatés : le coût de gestion des ordures ménagères, par exemple, peut diminuer avec la densité (distances à parcourir plus faibles) ou augmenter à cause d’une gestion plus difficile et une capacité de stockage moindre dans des habitats collectifs ou semi-collectifs que dans les habitats individuels332. Néanmoins, comme l’a vu précédemment, la ville étalée semble engendrer des coûts plus importants que la ville dense axée sur les transports collectifs. La question des coûts est certes essentielle mais les coûts collectifs en termes de pollution et de consommation d’espace de la ville étalée paraissent trop élevés. Un espace urbain plus compact permettant de limiter la consommation d’espace et favorisant les transports collectifs apparaît donc comme une option pertinente.

Concernant la relation densité / mobilité, il est possible d’énoncer des affirmations plus catégoriques. La densité doit permettre une consommation d’énergie due aux transports moins importante tant au niveau interurbain qu’intra-urbain et il existe une preuve empirique en faveur de la ville compacte concernant la mobilité333. Néanmoins, il est vrai que de fortes densités peuvent entraîner des phénomènes de congestion (qui engendrent des coûts en termes de temps et de pollution) et que certains déplacements sont difficilement réalisables autrement

330 G. Pouyanne, « Des avantages comparatifs de la ville compacte à l’interaction forme urbaine-mobilité.

Méthodologie et premiers résultats », (2004).

331 Ibid. 332 Ibid.

333 P. W.G. Newman et J. R. Kenworthy, Cities and Automobile Dependence: A Sourcebook (Ashgate Pub Co,

1990); P.W.G. Newman, J.R. Kenworthy, et P. Vintila, « Can we overcome automobile dependence? », (1995); V. Fouchier, « Des fortes densités urbaines: les villes nouvelles dans l’espace métropolitain » (Université de Paris VIII, 1999); V. Fouchier, « La densité : un outil pertinent pour la ville durable », , 1999; P. Rigamonti, R. Camagni, et M. C Gibelli, « Forme urbaine et mobilité », (2002); G. Dupuy, « From the “magic circle” to “automobile dependence” », (janvier 1999); G. Pouyanne, « Des Avantages comparatifs de la ville compacte à l’interaction forme urbaine-mobilité, méthodologie et premiers résultats », Les Cahiers Scientifiques du Transport 45 (2004): 49-82.

154 que par un véhicule motorisé personnel (comme les déplacements de périphérie à périphérie)334. Mais ces effets n’existent que si la densification n’est pas accompagnée de mesures favorisant le transfert modal de la voiture particulière vers les transports collectifs ou les modes doux et un réaménagement de l’espace visant à réduire les distances entre différentes activités (travail, commerces, loisirs, …) et améliorant les transports collectifs (desserte, capacité, fréquence, interconnexion).

Les critiques d’une ville plus compacte, comme les nuisances dans le centre dense, ne tiennent que si une politique d’aménagement alliant déplacements et usage des sols n’est pas menée. Cette politique doit être prudemment construite pour contrôler les prix du marché foncier et éviter certains effets pervers liés à la constitution de réserves foncières, comme une hausse des prix des terrains si la constitution de réserves provoque un manque de terrains urbanisables disponibles, entre autres. Bien menées, les politiques de réserves foncières peuvent permettre aux collectivités d’avoir une marge de manœuvre importante concernant la gestion urbaine et l’élaboration de projets urbains. Elles peuvent aussi participer à la maîtrise des prix. Par exemple, à Rennes, les coûts d’aménagement des nouveaux espaces bâtis au sein de la ville sont proches du prix de revient en périphérie puisqu’une politique de réserves foncières a été menée335.

334 G. Pouyanne, « Des avantages comparatifs de la ville compacte à l’interaction forme urbaine-mobilité.

Méthodologie et premiers résultats », (2004).

335 M. Calvet, Coûts et avantages des différentes formes urbaines - Synthèse de la littérature économique (Études et documents - Numéro 18), (Commissariat général au développement durable, mars 2010).

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Figure 45 Un espace urbain plus dense de forme polycentrique axé sur un réseau de transports collectifs, « la densité éco-modulée »336. Réalisation: T. Leysens, juin 2010

La figure ci-dessus schématise la densification qui paraît adéquate dans le cadre d’un développement urbain durable. Tout en densifiant, il faut rendre l’urbain plus compact, en garantissant un certain degré de mixité fonctionnelle pour limiter les déplacements et réduire les distances de déplacements. La réduction des distances doit permettre de favoriser les modes doux à l’échelle locale. A une échelle plus large, il apparaît pertinent d’organiser l’urbain de

336 Le concept de « densité éco-modulée » est une traduction / adaptation personnelle du concept de

« density-done-well » au cœur du projet EcoDensity (projet de la ville de Vancouver en faveur d’un développement durable. http://vancouver.ca/commsvcs/ecocity/). Il s’agit simplement d’évoquer le fait qu’un développement urbain durable peut se baser sur une densification d’espaces urbains « disponibles » (comme les friches ferroviaires) autour d’axes de transports collectifs présents ou futurs et que la densité est modulée de façon à assurer le développement d’espaces urbains accessibles, la préservation de l’environnement, et une certaine qualité de vie. Cela évoque aussi le fait que les niveaux de densité varient selon la situation des espaces urbains par rapport aux transports collectifs et dans la forme urbaine polycentrique (pôle urbain principal, pôle urbain secondaire, centre dense, proche périphérie, …).

156 manière polycentrique et de baser le développement urbain sur un réseau efficace et structuré de transports collectifs, notamment ferré. En effet, développer l’urbanisation autour du rail doit permettre de réduire la place de la voiture même pour des distances importantes. De plus, comme on l’a vu précédemment, on peut trouver des terrains en friches urbanisables à proximité du rail. « La crainte d’un peuplement trop étalé, dans ses versions périurbaines et «

rurbaines », est aujourd’hui un leitmotiv des propos qui visent un aménagement territorial plus rationnel et plus écologique. Il convient plutôt d’organiser la tendance lourde de la croissance périurbaine des villes et, par là même, d’en améliorer la fonctionnalité et la densité. En effet, l’opposition tranchée entre la densification des aires centrales et le desserrement de leur périphérie n’est pas une alternative réaliste. Les enjeux portent plutôt sur ce qu’il convient d’introduire dans la ville compacte pour permettre des appropriations résidentielles et susciter dans les villes et les terroirs desserrés ce qui peut favoriser les socialisations. Ainsi, de petites villes sont de plus en plus englobées dans les aires urbaines des grandes agglomérations […]. L’objectif est de renforcer et densifier ces petits pôles urbains afin qu’ils constituent un réseau naturel de centres de services et d’animation de l’aire urbaine de la grande ville […] »337 Il semble donc important de construire une approche transversale et multiscalaire.

Il apparaît cohérent d’organiser l’espace urbain autrement pour limiter l’étalement urbain, car, il faut le rappeler : selon une étude Agreste Primeur338, « Les sols artificialisés sont

passés entre 2006 et 2009 de 4,59 à 4,85 millions d’hectares soit une progression moyenne de 86 000 hectares par an. À ce rythme, les autres espaces, agricoles et naturels, perdent 236 hectares par jour, ce qui correspond à la superficie d’un département français moyen (610 000 hectares) tous les sept

337 Observatoire de la ville, Les Cahiers de l’Observatoire de la ville n°1, Formes d’habitat et densités urbaines :Quelles opportunités pour la ville de demain ?, , février 2007, p.37-38.

338 M-P. Morel et R. Jean, « L’utilisation du territoire entre 2006 et 2009. L’artificialisation atteint 9 % du territoire

en 2009. », Agreste Primeur, juillet 2010. Agreste Primeur dépend du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire et présente en 4 pages des résultats d’enquêtes notamment sur l’agriculture.

Figure 46 Répartition du territoire français en 2009. Source: Agreste Primeur, 2010

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ans. L’avancée des sols artificialisés semble s’accélérer sur les dernières années. À titre de comparaison, l’avancée moyenne des sols artificialisés sur la période 1992-2003 […] était de 61 000 hectares par an, soit un département tous les dix ans. Entre 2006 et 2009, le taux d’artificialisation du territoire est passé de 8,4 à 8,8 % »339.

Même si certaines études discutent le potentiel d’un espace urbain plus compact pour un développement urbain durable, il apparaît que la ville compacte fait partie des éléments pertinents pour développer un urbanisme durable. J-P. Orfeuil et D. Soleyret ont montré que le bilan carbone des villes anglo-saxonnes européennes étendues équivalait à celui des villes françaises plus compactes. Cela serait dû, selon ces auteurs, à un besoin d’évasion plus élevé entraînant une mobilité de loisir de longue distance plus importante (« effet barbecue »)340. La conclusion en est-elle que rendre la ville plus compacte est inutile, tout au moins concernant le bilan carbone ? Si la ville est progressivement transformée pour être rendue plus compacte et axée sur les transports collectifs en préservant et en développant des espaces verts, l’espace urbain peut devenir plus agréable à vivre (moins de déplacements en fréquence, distance et temps, moins de congestion, moins de pollution, …) et le « besoin d’évasion » pourrait s’avérer moins important. Il faut ajouter que ce « besoin d’évasion » pourrait s’exprimer par des voyages en transports collectifs et sans nécessairement parcourir de grandes distances, comme l’illustre le modèle de la « ville creuse »341.

La compacité semble être un élément pertinent pour réduire les déplacements et l’utilisation de la voiture particulière. Il s’agit aussi de permettre une croissance urbaine tout en limitant l’étalement urbain. Pour ce faire, la compacité n’est qu’un élément parmi d’autres. Il semble aussi pertinent d’appuyer le développement d’espaces urbains plus denses sur le développement des transports collectifs. Cet objectif demande une organisation urbaine particulière, soutenue par le concept de TOD (Transit oriented development).

339 Ibid., p.3-4.

340 J. P Orfeuil et D. Soleyret, « Quelles interactions entre les marchés de la mobilité à courte et longue

distance ? », Recherche Transport Sécurité, 2002.

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4.2.2) Transit oriented development

Le concept de Transit oriented developement repose sur un certain nombre de principes théoriques qui ne sont pas tous récents. Néanmoins, c’est un concept riche d’enseignements, tant par ses aspects que par ces exemples d’application, pour le développement d’un renouveau urbain. Il demande une organisation urbaine à différentes échelles pour assurer une cohérence urbaine tant au niveau de l’usage des sols qu’à celui des réseaux de transports.