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Compétences et procédure

Dans le document Le Heimatlosat en droit suisse (Page 112-124)

La procédure en matière de heim atlosat antérieu re à la loi fédérale d u 3 décembre 1850 était quelque peu em pirique, participant, comme telle, de la n a tu re toute spéciale des rela­ tions que les cantons avaient entre eux sous l’égide du Pacte •fédéral de 1815, qui avait créé u n e Confédération d’Etats : les contestations to uch an t le heimatlosat étaient alors liqui­ dées p ar voie d ’arbitrage, avec recours au droit confédéral (Concordat du 3 août 1819, a r t 2), institu tio n qui fonctionnait sous la haute surveillance d u Directoire fédéral (Concordat du 17 juille t 1828) : les arbitres se réunissaient, dans la règle, p endant les sessions de la Diète fédérale, ou après, dans le plus bref délai possible *.

La loi fédérale de 1850 su bstitu a au tribun al arbitral le Con­ seil fédéral et, subsidiairem ent, le Tribunal fédéral, que la Constitution fédérale de 1848 venait de créer. L’expérience avait surabo ndam m en t prouvé la nécessité de l’action d ’une autorité centrale, investie du droit de direction générale des enquêtes et de la prom pte liquidation des cas litigieux : ne vit-on pas, même après la prom ulgation de la loi de 1850, dans certains cantons des fonctionnaires se refuser à procéder à l’interrogatoire de heimatloses, de p e u r q u ’il n ’en résultât u n antécédent contre leu r canton ?

1 D e 1815 il 1848, quinze cas de heimatlosat ou de contestations su r le droit de cité furent liquidés par voie d ’arbitrage.

-La Constitution fédérale de 1848 (art. 56) et, après elle, celle de 1874 (art. 68), ont fait du heim atlosat u n e affaire fédérale. Le Conseil fédéral est autorité adm inistrative, ju d i­ ciaire, exécutive : il in s tru it le cas de lieimatlosat, décrète l’incorporation, en assure l’exécution. Le T rib unal fédéral est autorité essentiellement arbitrale : il tran c h e les contes­ tations que peuvent faire n aître les décisions du Conseil fédéral.

A. L’enquête.

Le maintien de la police des étrangers ren tre dans les attri­ butions et les obligations des cantons. Un doute ou une contestation venant donc ù s’élever s u r l’indigénat d ’un individu, c’est au canton q u ’il ap partien t et q u ’il incombe d ’aviser aux m esures à p re n d re : l’autorité cantonale doit pourvoir ou à la régularisation de la situation ju rid iq u e de l’intéressé — c’est à ce d ern ie r à m ettre lui-même en règle sa situation (F. f., 1880, II, 638 ; 1895, II, 43. De Salis, II, n° 475) — ou à son renvoi. C’est, plus spécialement, aux cantons q u ’il incombe de faire enquête s u r les nouveaux vagabonds qui apparaissent en Suisse 1.

Mais le heimatlosat est une affaire fédérale : il im porte à l’autorité fédérale d’em pêcher la naissance de to u t nouveau cas de heimatlosat. Si donc l’existence de l’indigénat de l’in­ téressé ne peut être prouvée, au tre m en t d it s’il est probable que celui-ci est heimatlose, l’autorité fédérale a le droit et le devoir d ’intervenir d’office. — Quant à l’enfant trouvé no u­ veau-né, sa situation est provisoirem ent réglée p a r la loi fédérale s u r l’état civil (du 24 décem bre 1874), qui prescrit (art. 19) l’inscription dans les registres de l’état civil, par l’interm édiaire de l’autorité de police com m unale, du lieu, de l’époque, des circonstances dans lesquelles l’enfant a été trouvé, etc.

Le Conseil fédéral fait suivre son intervention d’une en­ quête, qui a p o u r b u t d ’éclaircir la situation ju rid iq u e de l’intéressé et d u ra n t laquelle celui-ci jo u it de la tolérance provisoire (art. 8) p a r l’u n ou l’a u tre canton, m esure ém inem ­ m en t p ro p re à p rév enir des renvois et des tran sp o rts in tem ­ pestifs. L’arrêté de tolérance provisoire, pris s u r la base des circonstances prélim inaires de l’enquête, mais susceptible de modifications d u ra n t l’instruction de celle-ci, ne p eu t faire l’objet, d’aucun recours ; il déploie ses effets j u s q u ’à solution définitive de l’affaire, s u r laquelle il n ’est d’ailleurs pas de n a tu re à influer.

Le Conseil fédéral doit procéder à la rech erch e et, au besoin, provoquer la reconnaissance de l’indigénat de l’inté­ ressé. A cet effet, il doit se m ettre en rapp ort avec l’Etat ’ — canton, Etat étra n ger — dont il ressort des actes de l’en­

quête que celui-ci est ou a été précédem m ent ressortissant (art. 7). Le Conseil fédéral seul a le droit de m en er ces négo­ ciations avec l’Etat étrang er ; ni le Tribunal fédéral (Ullmer, I, n° 493), ni les cantons n ’ont compétence p o u r en prescrire la direction et l’étendue.

L’enquête, la tolérance provisoire occasionnent des frais : frais d ’enquête pro p rem en t dite, frais d ’assistance, etc. Tandis que, par arrêté du 4 no v em b re4857 (F. f. 4858,1 ,304), le Con­ seil fédéral décidait que les frais d’enquêtes faites p o u r consta­ t e r l’origine des vagabonds devaient être réclamés à leurs can­ tons et com m unes d’origine, « attend u que ces frais sont, dans la règle, occasionnés p ar le défaut de surveillance à l’égard des vagabonds habituels et par le peu d’énergie que l’on déploie dans l’application des pénalités prescrites p ar l’art. 48» (voir aussi Ullmer, I, n° 525), l’Assemblée fédérale modifiait, en 48671, l’art. 49 de la loi dans ce sens q u ’« il ne p o u rra être réclamé aucune indem nité p o u r les frais occasionnés p ar l’a r ­

1 Loi du 24 juillet 1SG7, en un seul article (R. 0., IX, 84). V oir: A n ­

restation et la conduite de ces personnes dans le lieu d’origine ou plus loin ».

Quant aux frais de la tolérance provisoire p ro prem ent dite, no tam m ent les frais d ’assistance, ils sont à la charge du can­ ton auquel incombe cette obligation de tolérance provisoire, qu and bien même, p ar la suite, l’obligation d ’incorporer pas­ serait à un a u tre canton. Telle est la ju risp ru d e n c e d u T ri­ bunal fédéral, qui l’a justifiée comme su it : ...a La disposition po rtant que, dans les m esures provisoires q u ’il ordonne, le Conseil fédéral est tenu de se conform er aux dispositions des art. 11, 12 et 13 de la loi, prouve que l’on a en ten du astrein dre le canton qui est obligé d ’accorder la tolérance, à su p p o rter aussi les charges qui en résultent, p u is q u ’il au rait été superflu et inutile de poser des règles particulières pou r l’obligation d’accorder la tolérance, si le canton ten u d ’accor­ der la naturalisation devait être encore obligé de p re n d re à sa charge les frais de tolérance provisoire. La pratiqu e elle- même est d ’accord avec cette m anière d ’in te rp ré te r la loi, puisque, dans chaque cas particulier, le Conseil fédéral modifie toujours im m édiatem ent ses décisions relativem ent à la tolérance provisoire, lorsque dans le cours de l’enquête on découvre de nouveaux faits qui paraissent exiger celte mesure, tandis que, s’il existait une obligation d ’indem niser dans le sens dont nous venons de parler, il p o u rrait laisser subsister p u re m e n t et sim plem ent ju s q u ’à solution définitive du procès la m esure provisoire prise en p rem ier lieu » (Ullmer, I, n° 494).

11 n ’y a pas de recours, p o u r le rem b oursem ent de ces frais, contre le canton tenu d’incorporer (T. F., XVII, 252, 7°. De Salis, II, n° 497).

C’est au Conseil fédéral qu'il app artient de décider, d ’après le ré su lta t de l’enquête, si l’individu qui en est l’objet doit être considéré comme étrang er ou comme heimatlose suisse ; le T ribun al fédéral n ’est pas com pétent p o u r exam iner cette question, comme il l’a fait parfois (T. F ., VII, 93, 2°; X, 95, 1°). L’Assemblée fédérale tranche, le cas échéant s u r ré­

quisition du canton, les questions relatives à l’interprétation des traités (F. f., 1890, 1 , 12).

B. L’incorporation. 1. Incorporation dans le canton.

La qualité de heimatlose suisse étant reconnue, il y a lieu de p rocéder à l’incorporation de l’intéressé.

Le Conseil fédéral déterm ine, d’après les principes de la loi, quel canton, seul ou conjointem ent avec d ’autres, est ten u de l’incorporation, Dans son arrêté, il fixe au canton u n délai de tren te jo u rs p our se prononcer s u r l’acceptation ou le rejet de la sentence 1 ; ce délai p eu t être prolongé, à la dem ande d u canton ; le silence de celui-ci d u ra n t le délai fixé équivaut à l’acceptation de l’arrêt, qui passe en force (Ullmer, II, n° 1040. T. F., V, 80, 'H .

Mais il p eu t a rriv er que la décision du Conseil fédéral fasse naître u n différend, soit que le canton conteste l’obligation qui lui incombe, soit q u ’il y ait désaccord entre plusieurs cantons au sujet de cette obligation. Le Conseil fédéral a alors le droit et le devoir de po rter de son propre chef, à défaut de réquisition expresse du canton, la contestation devant le Tri­ bunal fédéral (art. 9’) ; le canton ne peut s’y opposer ; il n ’est notam m ent pas recevable à déposer une conclusion ten dant à ce que la dem ande du Conseil fédéral soit écartée (Ullmer, I, n° 498).

C’est p ar l’office du Conseil fédéral seul que la contestation p eu t être soumise au Tribunal fédéral (T. F., I, 531) : le canton n ’a pas le droit d’en n a n tir lui-même cette autorité ; u n particulier n ’est pas davantage admis à le faire (T. F., VIII, 90, 2°).

A te n e u r de l’art. 49 de la loi s u r l’organisation ju diciaire

fé d é ra le 1. le T ribunal fédéral connaît, comme cou r de droit civil :

l u Des différends concernant le heimatlosat, d’après la loi d u 3 décembre 1850;

2° Des contestations qui surgissent entre com m unes de différents cantons touchan t le droit de cité (Constitution fédé­ rale, art. 110).

Le principe de la compétence du T ribunal fédéral po ur tra n c h e r les contestations entre com m unes de différents cantons to uch an t le droit de c i t é — cette autorité l’a fait re ­ m a rq u e r dans plusieurs de ses arrêts — a été posé ici p ar la C onstitution fédérale (de 1874) comme com plém ent de sa com­ pétence en matière de différends concernant le heimatlosat (T. F., VIII, 79, 1° ; 852,1«) p ar la considération que, dans le cours du procès, les circonstances de la cause peuvent modifier la natu re prem ière de la contestation (T. F., III, 720, 2° ; IX, 260, 1°). Mais la compétence du Tribunal fédéral ne naît ici q u ’après que la, procédure adm inistrative prévue par la loi de 1850 a eu lieu et que le Conseil fédéral s’est porté d em an deu r (T. F., VIII, 90, 2") ; le Tribunal fédéral est alors seul com pétent, à l’exclusion du canton, p o u r tra n c h e r la contestation (T. F., IX, 156, 3°).

Il résulte de cette double compétence du Tribunal fédéral que même dans le cas où l’instruction de la cause vient à faire découvrir q ue l’individu qui en est l’objet a déjà, de par sa filiation, le droit de bourgeoisie d ’une commune, ii peut être néanm oins suivi à la procédure en matière de contesta­ tions s u r le heim atlosat (T. F., X, 96, 2°).

Le T rib unal fédéral n ’est com pétent, dans les différends co ncernant le heimatlosat, que p o u r déte rm in e r quel est le canton ou quels sont les cantons tenus d ’incorporer (art. 8 et 9 ; J. T., 1881,500). Il ne peut statu er s u r la dem ande d ’un étra n g er au sujet d ’une contestation, entre celui-ci et un

canton ou u n e com m une, touchan t le heim atlosat (T. F., X X III1, 122 ; J. T., 1900, I, 366), n i n a n tir le Conseil fédéral d ’une telle contestation (T. F., VIII, 91, 3°).

Dans ces différends s u r le heimatlosat, le Conseil fédéral est dem a n d eu r ; il est l’autorité adm inistrative qui in tro ­ d u it la cause, et non pas autorité de prem ière instance. Le T ribu nal fédéral n ’est, vis-à-vis d u Conseil fédéral, ni auto­ rité de recours, ni instance supérieure, mais sim plem ent la même autorité compétente p o u r la solution de ces contesta­ tions (T. F., V, 80,1"). Le canton est défendeur ; il ne peut se bo rner à refuser d’accepter le prononcé du Conseil fédéral ; il doit en ou tre prouver :

1° Que l’obligation d’in corp orer n ’incombe pas à lui-même, mais à un au tre canton ;

2° Quel est ce canton; 3° P o u r quels motifs.

Le T ribun al fédéral applique la loi fédérale s u r la procédure en matière civile, du 22 novem bre 1850l. Toutefois, le carac­ tère spécial des contestations to uch an t le heimatlosat peut, le cas échéant, dispenser le Tribunal fédéral de s'en ten ir strictem ent, p o u r le mode à suivre q u an t à l'adm inistration et à l’examen des preuves, aux règles de cette procédure (Ullmer, I, n° 501).

Il incombe au Conseil fédéral de désigner au Tribunal fédéral, dans sa demande, le ou les cantons q u ’il estime être tenus de l’obligation d ’incorporer (art. 9). Le Tribunal p eu t en outre, au cours du procès, appeler en cause, s’il le juge convenable, d’autres cantons en dehors de ceux actionnés p ar le Conseil fédéral (Ullmer, I, 11° 497 •; comp. nos 495, 496).

La procédure p ar devant le Tribunal fédéral en matière de heim atlosat est gratuite (Loi O. J. F., art. 219). P a r contre, à t e n e u r des art. 224 Loi 0 . J. F., et 24 Loi proc. civ. 1850, la partie succom bant au procès peu t être tenue d’indem niser le

fonctionnaire fédéral e n .m a tiè re de heim atlosat et de re m ­ bourser à la partie adverse tout ou partie de ses frais extra­ judiciaires (T. F., V, 82, 3°).

L’a rrê t du T ribunal fédéral est définitif : le canton doit procéder dans le délai d’un e année à l’incorporation ; ce délai peu t être prolongé (art. 14), en cas de circonstances p a rtic u ­ lières de natu re à re ta rd er l’exécution de l’incorporation : procès en tre com m unes, etc. Le Conseil fédéral veille à l’exé­ cution de l’a rrê t (art. 24).

2. Incorporation dans la commune.

Le canton procède à l’incorporation dans la com m une s u i­ vant ses propres dispositions législatives — sous réserve toutefois des décisions fédérales spéciales com plétant ou modifiant la loi fédérale.(voir p. 77, note 1). L’incorporation est parfaite p ar l’inscription de l’incorporé dans les registres de bourgeoisie et la délivrance d’un acte de bourgeoisie à l’intéressé.

L’autorité cantonale est également com pétente po ur fixer le m ontant de la prestation pécuniaire à im poser à l’incor­ poré (art. 5) — d ’après la généralité des lois cantonales, c’est l’autorité com m unale qui déterm ine les conditions de fortune et les circonstances de famille de l’in té r e s s é — , ainsi que le prix d’achat du droit de bourgeoisie intégral (art. 4). La loi vaudoise dispose (art. 12) que toute difficulté s’élevant s u r la ■question de savoir qui, de l’Etat ou de la com m une, est tenu de su p p o rte r les charges de l’incorporation, est tranchée par le T ribunal cantonal, s u r mémoire et contre-mémoire.

Le mode d ’achat du droit de bourgeoisie intégral a fait l’ob­

jet d ’une décision du Conseil fédéral, qui n ’a pas admis comme légal le paiement p a r annuités. D’après ce système, pratiqu é jadis en Valais, les incorporés aisés paient aussitôt, et les au tres souscrivent des billets payables par am ortisse­ ments. Mais ce mode de procéder donne lieu à des inégalités

et à des complications : « Il n’est en p articulier pas loisible, a fait rem arq uer, à ce sujet, le Conseil fédéral, de rendre des pauvres gens dépendants de le u r com m une en v e rtu d ’un billet, car il p o u rrait a rriv er fréqu em m ent que le paiement en fût laissé aux descendants, tandis que, d’après l’art. 4, ceux-ci acquièrent en naissant le dro it de bourgeoisie dans son entier et ainsi doivent p articiper im m édiatem ent aux bénéfices com m unaux sans avoir rien à payer p o u r cela » (F. f., 1872, I, 350 ; 1873, IV, 254). .

CONCLUSION

La loi de 1850 a été u n e loi d’o r d r e : on ne gueuse plus guère, la dangereuse plaie d u heimatlosat vagabond, dont la Suisse souffrait depuis des siècles, est fermée ; u ne solidarité intercantonale sans cesse croissante y a large- ’ m en t aidé. Mais la loi fédérale et, à l’instar de celle-ci, les lois cantonales qui l’ont suivie, ont été u n e œ u vre essentiellement ju ste, h um an itaire : la vieille dette civile que les régimes despotiques avaient contractée, vis-à-vis de la société, en excluant de la famille, du giron bou r­ geoisial et cantonal les éléments im po rtu n s de l’Etat, la Suisse de 1848 a su l’éteindre : elle a restitué les droits enlevés. Appliquée j u s q u ’ici p ar l’autorité fédérale avec au ta n t de générosité envers les sans-patrie q ue de patiente fermeté vis-à-vis des cantons, la loi fédérale s u r le heim at­ losat est u n e garantie p o u r l’avenir ; elle subsiste, devant le passé, comme le co u ro nnem en t d ’une œ u vre de ju ste et franche réparation.

Dans le document Le Heimatlosat en droit suisse (Page 112-124)

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