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La communauté des pirates informatiques

CHAPITRE 1 – LA CYBERCRIMINALITÉ

1.5 La communauté des pirates informatiques

Les pirates interagissent donc en ligne à travers deux médiums principaux soit IRC et les forums en ligne. Ils utilisent, au besoin, les systèmes de messagerie instantanée ainsi que le courriel. Leurs interactions en lignes à travers ces canaux de communication s’articulent autour de cinq axes principaux soit : 1) la socialisation; 2) l’échange d’information; 3) l’implication; 4) la reconnaissance et; 5) l’achat et la vente de services.

Tel que mentionné précédemment, les pirates forment des communautés virtuelles qui sont maintenant bien établies. Ce besoin naturel chez l’humain de socialiser fait d’ailleurs partie de l’échelle de Maslow (3e palier; Stum, 2001). Encore plus que les attraits du piratage en lui-même, l’attrait des pirates est avant tout à la communauté (Craig, 2005). C’est en compagnie de ses pairs que le pirate a l’impression d’appartenir à un groupe. Pour plusieurs d’entre eux, c’est la première fois qu’ils se sentent inclus plutôt que rejetés et jugés

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(Lunceford, 2009). Les pirates recherchent donc, à travers leur fréquentation des chambres IRC ainsi que les forums en ligne, à faire partie d’un groupe. Le piratage devient donc la clé d’accès qui permet de se joindre au groupe. Cela ne signifie pas pour autant que les actes de piratages n’occupent pas une certaine importance pour les pirates. En effet, une grande quantité de temps et d’énergie est nécessaire afin de maîtriser les bases du piratage et il est donc nécessaire que les pirates aient une certaine prédisposition envers le piratage. Ces actes sont cependant renforcés par la sous-culture du piratage et le besoin d’appartenance des pirates (Holt et al., 2010). Lorsque nous discuterons de l’évolution et de l’état actuel des relations interpersonnelles virtuelles des pirates dans la prochaine section, il sera important de garder en mémoire le cadre dans lequel ces dernières évoluent.

Afin de maintenir leur appartenance à la communauté des pirates, il est nécessaire que les membres restent à jour quant à leurs connaissances dans le domaine du piratage. Pour ce faire, ils se doivent de lire et de s’informer. Les pirates sont d’excellentes sources d’informations et la sous-culture du souterrain informatique encourage la dissémination de l’information entre les membres de la communauté (Holt, 2007). Les pirates se fient donc énormément à leurs pairs pour se garder à jour et comprendre les dernières failles de sécurité et comment les exploiter. Plusieurs recherches font état de cette transmission de l’information latérale chez les pirates informatiques (Holt, 2007). Un pirate qui voudra se joindre à une communauté devra d’ailleurs souvent faire preuve de son savoir en partageant ses connaissances et en répondant aux questions de ses pairs pour prouver son appartenance au souterrain informatique.

Ce partage d’information permettra donc aux pirates de montrer en quelque sorte son implication dans la communauté. La sous-culture du piratage indique que les vrais pirates se doivent de consacrer un nombre important d’heures chaque semaine à leurs activités de piratage (Craig, 2005). Les pirates actifs dans la vente de numéros de carte de crédit affichent d’ailleurs leurs vacances afin de ne pas faire attendre leurs clients. La réputation d’un vendeur dépend en partie de son accessibilité et de la vitesse avec laquelle il est en mesure de répondre aux commandes. Le même phénomène se produit chez les pirates de la scène des warez. Lorsqu’un produit doit être distribué sur internet, le groupe s’attend à ce que ses membres

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chargés de la distribution soient disponibles immédiatement et qu’ils se chargent du transfert sans attendre.

Ces échanges d’information ainsi que cette implication dans la communauté des pirates sont en lien intime avec le besoin de se vanter et de recevoir de la reconnaissance de la part des pirates. Ceux-ci forment le seul groupe criminel qui laisse des cartes de visite ou qui annonce publiquement ses crimes (Craig, 2005). Quelques études s’intéressent de près au phénomène de la réputation chez les pirates (Jordan & Taylor, 1998; Sharma, 2007). Elles démontrent que ce besoin incontrôlable d’être reconnu (qui est en lien avec la socialisation) est une des motivations principales derrière les relations interpersonnelles des pirates. Ceux-ci voudront ainsi faire du réseautage avec des pirates reconnus afin d’augmenter leur valeur auprès des autres pirates. Dans plusieurs cas, ce besoin de réputation aura raison des pirates. L’exemple de Mafiaboy est ici frappant. C’est à la suite de ses vantardises dans des chambres IRC publiques que le jeune pirate montréalais a été arrêté (Calce & Silverman, 2008).

Cette réputation n'est pas seulement une source de vanité. Comme mentionnée ci- dessus, celle-ci permet aussi de mesurer la fiabilité des acheteurs et des vendeurs de produits et services illégaux en ligne. Dans tout marché illégal, les sources de conflits et de problèmes sont nombreuses. Comme il n’existe aucun mécanisme officiel de règlement des différends et que les participants sont souvent anonymes, l’établissement d’une cote d’efficacité permet des échanges plus fluides et moins coûteux. Au cours des dernières années, les pirates motivés par l’argent ont pris de plus en plus de place dans les communautés. Les phases d’expérimentation sont maintenant terminées et les pirates sont pleinement conscients du potentiel monétaire de leurs activités. Bien que l’aspect social soit toujours très important pour les pirates, de plus en plus d’entre eux adoptent une attitude d’affaires et le côté social passe ici au second plan.

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