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Le DIN accueille une importante diversité d’oiseaux sauvages et notamment d’oiseaux

associés aux habitats aquatiques (103 espèces d’oiseaux d’eau sauvages observées dans le

DIN) (Wymenga et al., 2002). L’ensemble des principaux groupes d’oiseaux d’eau sauvages

sont représentés dans le DIN, mais les informations disponibles à leur sujet varient fortement

en fonction de leur facilité à être observé et recensé. Nous détaillerons dans les paragraphes

suivant les caractéristiques des principaux groupes d’oiseaux d’eau sauvage suspectés d’avoir

un rôle important dans l’écologie des virus influenza aviaires d’après les études menées dans

l’hémisphère nord. Nous nous intéresserons en particulier aux principaux facteurs

éco-épidémiologiques intrinsèques aux hôtes présentés au paragraphe B.2 en relation avec

l’éco-épidémiologie des virus IA.

Les Anatidés paléarctiques migrateurs

Les Anatidés paléarctiques migrateurs comptent en leur sein les seules espèces

d’Anatidés du genre Anas présentes dans le DIN. C’est chez ces espèces qu’ont été détectées

en Europe les prévalences en virus IA les plus élevées lors du pic saisonnier en fin d’été.

Deux espèces regroupent la quasi-totalité des individus de ce groupe présents dans le DIN : le

canard Pilet (Anas acuta), et la Sarcelle d’été (Anas querquedula), espèce chez laquelle des

virus IA ont déjà été détectés en Afrique de l’ouest (Gaidet et al., 2007). D’autres espèces

d’Anatidés paléarctiques migratrices sont également présentes dans le DIN mais leur rôle

dans l’épidémiologie des IAFP est considéré moins important du fait d’une faible abondance

ou de comportements différents (e.g. canards plongeurs).

Les caractéristiques démographiques et la dynamique de population de ces espèces

sont bien connues, car ces oiseaux, qui sont largement chassés en Europe, ont fait l’objet de

différents suivis, notamment en Afrique de l’Ouest. On estime ainsi entre 1.000.000 et

1.500.000 le nombre d’individus hivernant en Afrique de l’Ouest avec des effectifs variant

entre 200.000 et 1.000.000 en janvier dans le DIN selon les années (Girard et al., 2004). La

sarcelle d’été et le canard pilet sont ainsi parmi les espèces d’oiseaux d’eau les plus

abondantes dans le DIN (Zwarts et al., 2009). Ces espèces sont présentes dans le DIN

uniquement de septembre-octobre à février-mars, elles ne s’y reproduisent pas et seuls des

adultes ou de jeunes adultes y sont présents.

Les caractéristiques spatiales de ces espèces sont également relativement bien

connues. Les données de capture-marquage-recapture disponibles pour ces espèces montrent

une origine principalement européenne, mais également asiatique (Zwarts et al., 2009). Ces

espèces quittent leurs sites de reproduction et de mue situés dans le nord de l’Europe lors

d’une migration de plusieurs milliers de kilomètres débutant en juillet-aout et connaissant un

pic d’arrivée dans le DIN en octobre (Scott and Rose, 1996). Ces espèces sont fortement

grégaires lors de leur séjour dans le DIN, formant de larges groupes allant de quelques

milliers à plus de 100.000 individus sur les mares et lacs du DIN (Girard et al., 2004). La

migration retour vers les sites de reproduction paléarctiques se fait à partir de fin février et la

quasi-totalité des individus quitte le DIN avant la fin mars (Van der Kamp, personal

communication).

Les caractéristiques comportementales et sociales de ces espèces les exposent

particulièrement à un risque de transmission oro-fécale des virus IA. En effet ses espèces se

nourrissent principalement dans les eaux de surfaces de zones peu profondes des mares, lacs

et plaines inondées du DIN, dans lesquelles le virus peut se concentrer. De plus, les individus

forment des groupes denses souvent interspécifiques.

Les Anatidés paléarctiques migrateurs sont donc des espèces très abondantes dans le DIN

entre novembre et mars, appartenant au principal groupe d’oiseaux d’eau réservoir des virus

IA et faisant le lien entre l’Europe, région où a circulé du virus H5N1 HP chez les oiseaux

sauvages, et le DIN.

Les Anatidés afro-tropicaux

Les Anatidés afro-tropicaux sont principalement représentés dans le DIN en termes

d’effectifs par quatre espèces : le Dendrocygne veuf (Dendrocygna viduata), le Dendrocygne

fauve, (Dendrocygna bicolor), l’oie de Gambie (Plectropterus gambensis), et le canard casqué

(Sarkidiornis melanotos). Si l’écologie de l’IA est mal connue chez ces espèces, elles

appartiennent à un groupe d’oiseaux potentiellement réservoir de ces virus d’après les

prévalences qui y sont mesurées (de l’ordre de 1 à 5 %) (Olsen et al., 2006). De plus, des

campagnes de surveillance en Afrique de l’Ouest ont montré une circulation de virus IA chez

certaines de ces espèces, notamment dans le DIN en janvier 2006 et février 2007 (Gaidet et

al., 2007).

Ces espèces sont abondantes dans le DIN avec des effectifs variant selon les espèces et

la saison de quelques milliers à plusieurs dizaines de milliers d’individus. Le Dendrocygne

veuf est l’espèce la plus abondante avec des effectifs pouvant atteindre les 90.000 individus

lors de comptages aériens réalisés en janvier (Girad et al). La démographie de ces espèces est

relativement bien connue dans le DIN et leur dynamique de population est marquée par une

période de reproduction dans le DIN. Contrairement à la plupart des espèces d’anatidés

sauvages paléarctiques, la période de reproduction de ces espèces est étalée dans le temps, et

particulièrement dans le DIN où elle se déroule du début de la saison des pluies jusqu’au

début de la décrue, c'est-à-dire de juin-juillet à décembre-janvier (Brown et al., 1982). Cela a

pour conséquence une arrivée de juvéniles, immunologiquement naïfs, réparti de juillet à

février.

La distribution et la structure spatiale de ces espèces dans le DIN varient avec le cycle

hydrologique. En saison des pluies et lors de la crue, i.e. pendant la période de reproduction,

ces espèces forment de petits groupes de quelques individus à quelques dizaines d’individus

dispersés dans les mares extérieures au DIN et sur les plaines inondées du DIN. Lors de la

décrue, ces espèces se regroupent jusqu’à former de larges groupes de plusieurs milliers

d’individus en fin de saison sèche sur les derniers lacs encore en eau du DIN. La mobilité de

ces espèces en Afrique de l’ouest est assez mal connue et l’on considère que la plupart sont

sédentaires même si certaines espèces peuvent faire des mouvements régionaux de plusieurs

centaines de kilomètres, pouvant ainsi relier le DIN aux grandes zones humides d’Afrique de

l’ouest voire d’Afrique de l’est et australe (Brown et al., 1982; Dodman and Diagana, 2007).

Les comportements sociaux et alimentaires des dendrocygnes et des canards casqués se

rapprochent de ceux des anatidés paléarctiques migrateurs avec lesquels ils peuvent se

retrouver en contact sur les sites de gagnage. Ils sont donc exposés à une transmission

oro-fécale des virus IA. La principale différence étant l’utilisation par ces espèces de reposoir

terrestre sur les berges des mares et lacs. Les oies de Gambie quant à elles s’alimentent sur

des pâturages en bordures des mares et lacs du DIN et non dans les eaux peu profondes.

Les Anatidés afro-tropicaux sont donc des oiseaux abondants dans le DIN, présents tout

au long de l’année, et appartenant à un groupe d’oiseau a priori susceptible aux virus IA. Ils

sont en contact avec les anatidés migrateurs paléarctiques entre novembre et mars, période à

laquelle des juvéniles sont présents dans leur population.

Les limicoles

Les limicoles sont des oiseaux d’eau jouant un rôle moindre dans la circulation des

virus IA que les Anatidés. C’est du moins l’hypothèse principale dans le paléarctique aux

vues des faibles prévalences détectés chez ces oiseaux (de l’ordre de 1 à 2%) (Olsen et al.,

2006). A l’inverse, il semblerait qu’il joue un rôle plus important dans le néarctique,

notamment lors de la migration de printemps (Krauss et al., 2010).

Les espèces les plus abondantes sont des espèces paléarctiques migratrices se

reproduisant en Europe dont certaines populations hivernent dans le DIN. Les effectifs

cumulés de Combattant varié (Philomachus pugnax) et de Barge à queue noire (Limosa

limosa) peuvent atteindre 300.000 individus dans le DIN. Une espèce afro-tropicale est

également abondante dans le DIN, le Pluvier pâtre (Charadrius pecuarius), dont les effectifs

dépassent les 15.000 individus (Wymenga et al., 2002).

Ces espèces forment des groupes, souvent interspécifiques, de plusieurs centaines

d’individus sur les berges des mares et lacs du DIN. Ils sont particulièrement présents dans la

partie centrale du DIN, où la décrue progressive laisse place à de vastes vasières et bancs de

sables, habitats de prédilection de ces espèces. Il y a donc une concentration progressive de

ces espèces entre décembre et mars pour les migrateurs, et jusqu’à juin pour les résidents.

Les limicoles du DIN sont principalement benthivores et se nourrissent des

mollusques présents dans les vasières et bancs de sable des berges des mares et lacs du DIN

(Wymenga et al., 2002). Ces sites ne correspondent donc pas aux sites d’alimentation des

Anatidés, même s’ils peuvent se trouver sur les mêmes mares et lacs.

Les limicoles sont donc des espèces très abondantes dans le DIN, notamment les espèces

migratrices de novembre à mars. Ces espèces peuvent se retrouver en contact indirect avec les

principales espèces réservoir de virus IA sur des mares et lacs également utilisés par des

anatidés paléarctiques et afro-tropicaux.

Les autres groupes d’oiseaux d’eau sauvages

Les autres groupes d’oiseaux d’eau sauvages présents dans le DIN sont des espèces

dont le rôle dans la circulation des virus IA est estimé secondaire aux vues des très faibles

prévalences détectées chez ces espèces (souvent inférieures à 1%) (Olsen et al., 2006). On

notera tout de même la présence de plusieurs espèces de rallidés comme la talève sultane

(Porphyrio porphyrio), espèces difficilement observables utilisant les zones inondées

recouvertes de végétation et dont le recensement est très complexe. De nombreuses espèces

d’ardéidés, tel le héron pourpré (Ardea purpurea), utilisent également ces habitats, certaines

espèces étant migratrices, d’autres établissant des colonies nicheuses interspécifiques de

plusieurs milliers à plusieurs dizaines de milliers d’individus dans le DIN. Enfin des espèces

piscivores sont présentes dans les grands lacs du centre du DIN comme le Cormoran africain

(Phalacrocorax africanus), espèce résidente dont les effectifs peuvent dépasser les 20.000

individus, ou plusieurs espèces de Laridés paléarctiques migrateurs - comme la sterne Hansel

(Gelochelidon nilotica) - dont les effectifs cumulés peuvent atteindre plusieurs dizaine de

milliers d’individus. Enfin, de nombreuses espèces de passereaux très abondantes sont

présentes dans le DIN, qu’elles soient liées aux zones humides comme la Bergeronnette

printanière (Motacilla flava) ou simplement présentes en bordure des zones inondées comme

le Travailleur à bec rouge (Quelea quelea).

De nombreuses espèces d’oiseaux d’eau sont donc présentes dans le DIN. La diversité de

leurs caractéristiques démographiques, spatiales et comportementales pourrait permettre la

présence d’individus susceptibles et exposés aux virus IA tout au long de l’année quand bien

même ces espèces ne sont pas les principaux réservoirs de ces virus.

3. Bilan des caractéristiques du DIN et de sa communauté d’oiseaux d’eau