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de la Commission nationale du débat public à l’heure

du dialogue environnemental

Christian Leyrit,

président de la Commission nationale du débat public

insatisfaction de nos concitoyens assez importante est observée, comme en attestent les enquêtes que nous avons menées.

Il s’avère nécessaire de mieux faire fonctionner la démocratie environnementale. Cette journée se déroule à un moment où l’on commémore le tricentenaire du corps des Ponts et Chaussées, en mettant en exergue la nécessité de faire passer au crible des

citoyens, les projets souvent conçus et portés par des ingénieurs. Ces derniers ne sont pas ceux qui représentent le plus grand intérêt général. La société civile comprend de nombreux experts, notamment des experts du territoire qui ne sont pas forcément des sachants, mais qui ont leur mot à dire sur ces projets. Le processus conduisant à la décision s’avère aussi important que la décision elle-même si l’on souhaite améliorer la légitimité des décisions ; il Pour évoquer les nouveaux enjeux de la

CNDP, je ferai quelques commentaires préalables afin de faire écho aux précédentes sessions.

Michel Badré soulignait que les conflits tels que ceux que l’on a connus récemment, Sievens et Notre-Dame-des-Landes, ne sont pas nombreux.

Néanmoins, si ces sujets sont problématiques, pour beaucoup d’autres projets dont on entend moins parler, une

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s’appuie sur la loyauté, la transparence et l’impartialité des débats.

Selon nos enquêtes, plus de 90 % des citoyens français ne veulent pas que ceux qui conduisent les débats publics soient parties prenantes des décisions. De plus, la défiance n’est pas uniquement obser-vée à l’égard des institutions, mais égale-ment vis-à-vis des experts. Ce processus constitue l’un des éléments importants de la légitimité bien que, en lien avec la question de la simplification des pro-cédures, nombre de maîtres d’ouvrage perçoivent le dialogue environnemen-tal comme une couche supplémentaire dans les procédures. Je crois que c’est le contraire. Depuis vingt ans en France, nous avons multiplié les procédures, les processus, les comités, etc. sur les terri-toires. Néanmoins, les représentants des citoyens au sein de ces entités ne repré-sentent pas véritablement les citoyens ou bien ces derniers ne se sentent pas repré-sentés par eux. Les citoyens souhaitent être associés directement aux décisions qui les concernent.

L’État de droit n’est pas suffisant pour justifier des décisions, comme l’illustre l’exemple de Notre-Dame-des-Landes.

Cent soixante quatre décisions, toujours positives, ont été prises pour aider ce projet. L’incapacité de l’État et du gouvernement à le faire avancer ne relève pas d’un problème d’État de droit mais bien de légitimité. Or celle-ci n’est pas perçue par des individus violents ainsi que par une frange de la population qui défend des préoccupations de long terme (le changement climatique, la biodiversité, la préservation de l’eau,

etc.). Pour cette population, projet par projet, l’arbitrage est toujours ressenti comme étant en situation de déficit par rapport à ces grands enjeux.

Un élément fondamental est que le débat se distingue du consensus. Le débat public ne permet pas de réduire les contentieux mais il permet d’identifier les gagnants et les perdants de la décision publique en amont du processus, afin de déterminer les compensations à proposer aux perdants, de manière à ce qu’à la fin du débat, les opposants au projet ne considèrent plus pour autant ce projet comme étant illégitime. Le sujet le plus important réside dans cette question de la démocratisation et de la légitimité de la décision car les citoyens, comme le démontrent les enquêtes, considèrent souvent que la décision est déjà prise lors du lancement d’un débat public en France. Il est donc nécessaire de montrer avec force que cet état d’esprit est en train de changer.

S’agissant des évolutions de la CNDP, tout ou presque a été dit. L’ordonnance sera soumise au Conseil d’État aujourd’hui. J’ai noté quatorze points nouveaux relatifs à la CNDP, majoritaire-ment issus des propositions formulées, à l’exception de deux d’entre eux.

Le premier vient d’être expérimenté dans le cas de Notre-Dame-des-Landes. Il porte sur la concertation avec la population. Nous avons réalisé cet exercice de mise en place du dispositif d’information des citoyens, qui pouvait difficilement être proposé par une instance de l’État puisque ce

dernier a longtemps porté ce projet d’aménagement.

Le second point, pour lequel nous n’étions pas vraiment demandeurs, est l’élaboration d’une liste nationale des garants, pour les besoins de la CNDP et pour l’ensemble des maîtres d’ouvrage, publics ou privés. L’objectif est d’identifier deux cents à trois cents garants, formés et labellisés par la CNDP et d’autres acteurs. À cet égard, je signale que l’appel à candidatures a été lancé hier 6juillet 2016). Nous attendons de nombreuses propositions.

La CNDP tenait à certains sujets, notamment l’initiative citoyenne, qui constitue un élément démocratique nouveau, bien que la formulation actuelle ne nous satisfasse pas entièrement. En effet, certains sujets se rapprochent des difficultés éprouvées en matière d’autorités environnementales dans les régions.

Pour la CNDP, les plans et programmes sont fondamentaux. Jusqu’à présent, les débats portaient sur des projets. Il est plus pertinent de les conduire sur les plans et programmes, quitte à alléger les processus à l’aval.

La CNDP est également attachée à la conciliation, qui demeure, certes, limitée en raison des arbitrages consentis. Nous étions favorables à ce que cette possibilité de saisine pour la consultation soit plus élargie.

Les contre-expertises constituent un enjeu fondamental. Les citoyens ont le

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droit d’avoir un point de vue exprimé par des experts, qui soit différent de celui présenté par le maître d’ouvrage. Cette approche change totalement la nature du débat public. Dès lors que, comme sur des projets autoroutiers récents, des acteurs distincts des services de l’État portant les projets sont impliqués, le richesse nouvelle apportée par ces experts donne de la crédibilité et de la légitimité au débat public.

L’idée du continuum de la concertation s’avère également essentielle. Le débat sur Notre-Dame-des-Landes avait été plutôt intéressant en 2003. L’enquête publique n’est intervenue qu’en 2008, puis en 2013. Nous sommes en 2016.

Sans ce continuum de concertation, la confiance minimum ne peut être maintenue entre les opposants et les porteurs de projets.

Enfin, un dernier sujet n’a pas été évoqué.

Bercy (le ministère des Finances) s’est montré extrêmement ouvert à ma proposition de faire en sorte que le financement du débat soit assuré par le maître d’ouvrage, mais pas directement, les fonds sont versés à la CNDP car les citoyens sont très attachés à la loyauté et à l’impartialité. Le financement direct du débat par le maître d’ouvrage et le fait que le secrétaire général du débat soit salarié du maître d’ouvrage décrédibilisait le débat, qui n’était pas perçu comme indépendant. J’ai éprouvé de grandes difficultés à convaincre mes interlocuteurs et je pense que la mise en œuvre de ce dispositif sera encore plus difficile. Bercy s’est cependant montré ouvert à cette idée. Les citoyens n’ont pas

confiance dans les affaires publiques. Ils doivent au moins avoir confiance dans l’impartialité et la loyauté du processus qui conduit aux décisions.

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Les attentes associatives en matière