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Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada

CHAPITRE 3- La gestion de l’immigration : politiques, pratiques et stratégies

3.1 Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés

3.1.4 Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada

Une autre série de mesures contenues dans la Loi sur l’immigration et la protection des

réfugiés, et ayant des impacts à la fois sur les immigrants et les réfugiés, concernent les

modifications proposées à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR). Avec la loi, la structure de la CISR est modifiée – il s’agit désormais d’un tribunal administratif indépendant, mais quasi juridique – et comporte maintenant quatre sections : la Section de l’immigration (SI), anciennement appelée Section d’arbitrage; la Section d’appel de l’immigration (SAI), qui, elle, garde le même nom; la Section de la protection des réfugiés (SPR), qui portait auparavant le nom de Section du statut de réfugié (SSR); et la Section d’appel des réfugiés (SAR), une nouvelle section mise en œuvre (Knowles 2007:259).

La Section de l’immigration (SI) poursuit, d’une manière générale, le même mandat que l’ancienne Section d’arbitrage, c’est-à-dire qu’elle a le pouvoir de faire enquête sur les individus dont on suppose qu’ils sont interdits de territoire au Canada ou qui, en vertu de la loi, peuvent être renvoyés. De même, c’est cette instance qui effectue les contrôles des motifs de détention – le contrôle de la détention se déroulera désormais à huis clos. En somme, ce n’est pas tant la structure de cette instance qui a changée, mais plutôt, comme nous le verrons, les diverses dispositions de la loi – concernant l’arrestation et la détention notamment – qui impactent les manières de faire de la SI.

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Dans un même ordre d’idées, consulter également l’ouvrage de David Lyon, Identifying Citizens: ID

Le mandat de la Section d’appel de l’immigration (SAI) n’a pas, lui non plus, fondamentalement changé, mais il faut noter que le droit d’appel a été restreint. En effet, les grands criminels, les personnes qui constituent une menace à la sécurité, les criminels organisés et les criminels de guerre n’ont aucun droit de faire appel devant cette instance. En outre, la SAI entendra maintenant les appels concernant la perte de la résidence permanente en raison d’un manquement à l’obligation de résidence (une nouvelle disposition de la loi). Enfin, il est à noter que le ministre peut maintenant demander la confidentialité de renseignements de nature délicate – une mesure de protection en quelque sorte –, et ce, aussi bien devant la Section d’appel de l’immigration que devant la Section de l’immigration.

La Section de la protection des réfugiés (SPR) conserve, d’une manière générale, le même mandat avec cette loi, c’est-à-dire de statuer sur les demandes d’asile présentées au Canada153, tout comme sur les cas de demande de perte de l’asile. Toutefois, la SPR sera maintenant la seule à examiner, en une seule étape, les motifs concernant la détermination du statut de réfugié au sens de la Convention, l’évaluation des risques après le rejet d’une revendication et les motifs d’ordre humanitaire liés au risque154. Cette instance de la CISR sera également amenée à déterminer si un demandeur est un « réfugié au sens de la Convention » ou une « personne à protéger » – une nouvelle catégorie, nous le verrons, instaurée avec la nouvelle loi. Pour déterminer la catégorie à laquelle appartient un demandeur, la Section de la protection des réfugiés s’appuie notamment sur des traités internationaux que le Canada a ratifiés, tels que la Convention

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Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), quant à lui, statue sur les demandes présentées à l’étranger, dans les ambassades et les consulats notamment. Toutefois, il faut souligner que l’étude de la recevabilité d’une demande est effectuée par CIC, qui dispose, pour ce faire, d’un délai de trois jours (ouvrables) pour déférer les demandes à la CISR, sans quoi, celles-ci lui seront automatiquement transmises. Consulter, à cet égard, l’article 100 de la présente loi.

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Motifs qui faisaient auparavant l’objet d’une évaluation à des étapes différentes, aussi bien par la CISR que par CIC.

des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984). Mais le changement qui est le

plus significatif est sans contredit le fait que les tribunaux sont maintenant composés d’un seul commissaire plutôt que trois – c’est en raison de ce changement que la nouvelle loi prévoit un processus d’appel devant la nouvelle Section d’appel des réfugiés qui a été créée à cet effet. C’est donc dire que le commissaire de la CISR dispose d’une grande marge de manœuvre dans l’examen et le traitement des demandes de statut de réfugiés. De même, il faut noter que la LIPR accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire accru, puisqu’il a maintenant le droit d’intervenir dans toutes les audiences tenues par la Section de la protection des réfugiés – droit qui, avec l’ancienne loi, s’appliquait seulement dans les cas d’exclusion et de perte de statut où le ministre avait le pouvoir d’interroger à la fois les revendicateurs et les témoins. Par ailleurs, le ministre n’a plus à demander l’autorisation au président de la CISR pour présenter une demande d’annulation de la reconnaissance du statut de réfugié, il peut maintenant le faire en raison des pouvoirs accrus que lui confère la LIPR155.

Tel que souligné, il a été prévu que la Section d’appel des réfugiés (SAR) ait pour mandat le processus d’appel sur dossier, où un seul commissaire sera appelé à examiner les demandes présentées soit par un demandeur débouté, soit par le ministre156. Un droit d’appel est aussi prévu pour des motifs concernant les questions de droit ou de fait, ou les questions de droit et de fait. De même, on prévoit que les bureaux de la SAR devraient être centralisés. Toutefois, malgré le fait que la création de cette instance ait été enchâssée dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui est entrée en vigueur le 28 juin 2002, le gouvernement de l’époque avait annoncé qu’il n’allait pas

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Se référer à l’alinéa 1 de l’article 109 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR).

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Des tribunaux composés de trois commissaires pourraient être éventuellement constitués dans le cas de décisions à valeur jurisprudentielle.

mettre en application cette partie de la loi concernant la SAR157. En effet, au 31 décembre 2009, la SAR n’avait toujours pas été mise en place. On peut voir dans cette inapplication un réel manque de volonté de Citoyenneté et Immigration Canada de laisser à la CISR un contrôle plus important sur les entrées des migrants au Canada. À mon sens, tant que CIC ne trouvera pas un moyen d’avoir un contrôle plus ou moins effectif, la SAR n’entrera pas en fonction158.

3.1.5 Processus de détermination du statut de réfugié

Plusieurs changements au processus de détermination du statut de réfugié159 ont été apportés avec l’entrée en vigueur de la Loi sur l’immigration et la protection des

réfugiés (LIPR) qui consacre toute une partie aux réfugiés – Partie 2. Protection des réfugiés. Ainsi, les catégories de personnes qui sont protégées en vertu de la LIPR ont

été modifiées. Si la catégorie de « réfugié au sens de la Convention » demeure, une nouvelle catégorie, celle de « personne à protéger », a été établie. Par « personne à protéger », on entend la personne qui se trouve au Canada et qui serait personnellement – par son renvoi vers le pays dont elle a la nationalité ou sa résidence – soumise à la torture, à la menace pour sa vie ou qui risquerait de subir des traitements ou peines cruels160. Une personne appartient à la catégorie de « personne à protéger » dès qu’un besoin de protection est reconnu. Il s’agit là d’une modification importante puisque sous l’ancienne loi, seuls les individus de la catégorie « réfugié au sens de la Convention »

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Les demandeurs déboutés peuvent néanmoins être autorisés à interjeter appel auprès de la Cour fédérale pour les questions de droit et non de fait.

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Nous reviendrons, en fin de chapitre, sur la question de la CISR et du processus de détermination du statut de réfugié, en particulier lorsque sera abordé le sujet du projet de loi C-11.

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Pour une analyse détaillée de ce processus, consulter Crépeau, Foxen, Houle et Rousseau (2001) et Rousseau, Crépeau, Foxen and Houle (2002).

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étaient protégés en vertu de la loi. Ainsi, l’asile peut maintenant être conféré à ces deux catégories de personnes – celle de « réfugié au sens de la Convention » et celle de « personne à protéger ». En pratique, nous dit Nicole LaViolette, « il n’existe aucune différence entre ces deux catégories de personnes; par conséquent, elles jouissent toutes des mêmes droits, plus particulièrement celui de demander la résidence permanente à partir du Canada » (2004:591). Néanmoins, l’introduction de cette nouvelle catégorie a eu pour effet d’abolir une autre catégorie contenue dans la Loi sur l’immigration de 1985, celle de « demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada » – puisque la catégorie de « personne à protéger » est définie de manière plus large que cette dernière, englobant les personnes risquant d’être torturées161. Par ailleurs, la catégorie de « réfugiés au sens de la Convention se trouvant au Canada sans pièces d’identité » est, elle aussi, abolie.

En outre, les catégories de personnes dont la demande est d’office reconnue comme étant irrecevable ont été élargies avec la Loi sur l’immigration et la protection des

réfugiés (LIPR). En effet, s’ajoutent aux catégories déjà jugées irrecevables avec

l’ancienne loi toute personne ayant déjà déposé une demande d’asile au Canada et toute personne contre qui a été prononcée une interdiction de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, pour des motifs de grande criminalité ou de criminalité organisée162. De plus, une demande d’asile ne peut être faite par une personne se trouvant au Canada et qui est visée par une mesure de renvoi163.

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Rappelons que la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) s’appuie sur des traités internationaux que le Canada a ratifié, tels que la Convention des Nations Unies de 1951 relative au

statut des réfugiés, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984).

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À ce sujet, se référer à l’article 101, alinéa 1.

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C’est donc dire que la LIPR propose une certaine « rationalisation » du processus de détermination du statut de réfugié. D’une part, en rendant les démarches moins accessibles et, d’autre part, en limitant les catégories de personnes pouvant présenter une demande d’asile. Il s’agit là d’un autre mécanisme contenu dans la loi visant à restreindre l’accès au Canada.

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