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87Comment rePenser le système à sa sourCe ?

Trash Hero a introduit la problématique de la produc- tion dans son plan d’action. Afin de limiter l’usage de bouteilles plastiques, l’association a lancé un programme de fabrication de gourdes en inox, qu’ils vendent sans faire de profit. Une col- laboration avec les épiceries locales permet aux détenteurs de la gourde, de la remplir, gratuitement, en eau potable. L’asso- ciation produit également des sacs en tissus, pliables et réutili- sables, vendus à bas prix, qui permettent aux commerçants de ne plus donner de sacs plastiques. Les bénéfices sont multiples, autant pour le consommateur qui achète un produit durable, réutilisable et rentabilisé au bout de dix remplissages d’eau gra- tuits; que du commerçant qui vend un produit respectueux de l’environnement tout en continuant à générer du profit.

Cependant, l’association crée ici un système parallèle à celui des industriels. Il est indéniable que son programme puisse avoir un impact localement, en revanche il ne remet pas en question le système de production à l’échelle nationale.

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Un système novateur ?

Si aujourd’hui le réemploi et l’up-cycling apparaissent comme des alternatives à la sur-consommation, ces concepts existent depuis bien longtemps dans les communautés les plus pauvres. Il suffit de pénétrer dans les bidonvilles en bord de khlongs à Bangkok, pour se rendre compte que les designers d’aujourd’hui n’ont rien inventé. Lorsque Patama Roonrakwit, ra- conte l’histoire de la maison faite de cannettes à Osaka1, elle sou-

ligne justement la débrouillardise de ceux qui n’ont rien. Les gens qui vivent avec beaucoup de contraintes, qu’elles soient finan- cières ou sociales, développent souvent des idées ingénieuses, et en même temps très pragmatiques.

Cependant, la «nouveauté» consiste a appliquer ce principe au secteur de l’industrie dans sa globalité. William Mc- Donough et Michael Braungart, soulignent dans leur dernier livre2 toute l’importance de repenser le système à la source et

non d’essayer de limiter ses conséquences : «Les êtres humains n’ont pas de problème de pollution mais de conception»3 . Ce

qui signifie que si nous produisions intelligemment dès le dé- part, les problèmes de pollution et la notion même de déchet n’existeraient pas. Ceci implique aux créateurs de voir sur le long terme et de se poser la question «et après ?» : «Est ce que tel objet pourra réintégrer la technosphère ou la biosphère sans les contaminer ou faire office de matériau pour un nouveau cycle» 4

On ne peut pas dire que l’industrie thaïlandaise en soit à ce stade là, cependant j’ai pu remarquer lors de mon expérience Scraplab que certaines entreprises sont prêtes à s’investir dans la réduction de leurs déchets. En effet, réduire les pertes inhé- rentes à la conception de leurs produits, leur permet également de réduire leurs coûts. Même si la motivation est plus financière qu’éthique, c’est toujours un premier pas positif vers une amélio- ration des façons de concevoir. Deuxièmement, c’est une ques- tion de marketing. Intégrer des démarches écologiques à son entreprise permet de «se faire bien voir» du consommateur.

1. Cf chapitre 01 2 William Mcdonough, Michael Braungart. L’up-cycle, Au delà de la durabilité – Concevoir pour l’abondance. Paris : Editions Gallimard, Collection Alter- natives, 2016

3. Ibid, page 18 4. Ibid, page 68

Qu’est ce que l’up-cycling ?

Développer des produits à usage unique, produire toujours plus, casser plus et plus vite pour toujours racheter et dépenser plus... Face à ce système du «toujours plus» engrangé par la société de consommation certains on choisit de dire stop et de repenser ce cy- cle court-termiste.

C’est le cas de Aj. Singh qui a décidé de donner une «se- conde vie» aux déchets en les valorisant. On parle alors de recyclage par le haut ou de sur-cyclage. Communément, on emploi le terme d’up-cycling ou up-cycle, qui a été utilisé pour la première fois en 1994 par Reiner Pil. Aj. Singh définit l’up-cycling comme étant une combinaison de l’art et de la sciences : comment valoriser, comment transformer intelligemment des «déchets» en quelque chose de pré- cieux, comment faire de nos déchets des ressources ? Il faut donc changer notre façon d’envisager nos objets. William McDonough et Michael Braungart illustrent ce principe au travers de leur concept «cradle to cradle», soit «du berceau au berceau», en opposition au schéma habituel «du berceau au tombeau». Ils soulignent avec rai- son qu’il est insensé de parler de durée de vie d’un objet alors qu’un produit technique est par définition inerte, ainsi il ne peut ni mourir ni disparaître (McDonough, Braungart, 2016, p.237). Le tombeau re- présente la dégradation de l’objet, en effet une fois son usage unique passé, les produits sont voués à l’incinération, l’enfouissement, le re- cyclage... Qui entraîne les problèmes de pollution que nous connais- sons.

Le principe de l’up-cycling remet en cause le concept de recyclage car sans valorisation de l’objet, il s’agit seulement d’une extension de la «vie» de l’objet. Le produit est ainsi «sous-cyclé» puisqu’il y a dégradation au cours du processus. William McDonough et Michael Braungart prennent l’exemple du recyclage du plastique en laine polaire : Lorsque l’on «recycle» le plastique en laine polaire, la matière perd sa qualité alimentaire, en ajoutant des teintures, des fixateurs, produits de rinçage, plus des accessoires comme des fer- metures éclairs, ou des fermoirs en métal. Ainsi la veste polaire ne pourra pas être de nouveau recyclé car la matière originelle pure a été mélangée avec d’autres composants (McDonough, Braungart,

2016, p.59)

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