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Comment avez-vous eu l'idée de la Kizomba?

CHAPITRE 8. - ILLUSTRATION DES DOCUMENTS-ENREDOS

1. Comment avez-vous eu l'idée de la Kizomba?

"C'est une longue histoire, c'est après mon voyage en Afrique, en Angola, en 1982, que j'ai inventé la Kizomba. Fête de la race nègre, une vraie confraternité, dans laquelle on parle de problèmes, mais dans une ambiance de fête, où l'on boit et mange. Mais va plutôt voir ma secrétaire, c'est elle qui s'est chargé de l'organisation de la

Sylvie Doriot Galofaro, Carnaval de Rio, Institut d’ethnologie, Neuchâtel, 1990. Page 121 Kizomba, elle t'expliquera tout dans les détails, moi je suis fatigué. Allons plutôt boire un verre."

Lui non plus n'était pas très décidé à me parler de l'enredo, il s'intéressait plutôt à la Suisse, car en juillet, il devait venir au festival de Montreux. Finalement il me donne rendez-vous ...à Montreux. Et effectivement, nous nous sommes revus!

- Entretien 3: Marlène Mendes, l'organisatrice de la Kizomba

1. Martinho m'a envoyé chez vous afin que vous me parliez de la Kizomba... "Oui c'est moi qui ai tout organisé, car Martinho est très généreux, mais pas très organisateur... C'est lui qui a amené cette fête au Brésil en 1984 après un voyage en Angola. J'ai été appelée pour organiser la fête en 1984 car je sais les langues, je suis psychologue et j'ai une formation d'économiste à Embratel, entreprise de communication; je suis l'unique noire de toute l'entreprise. Bien que l'on me classe comme "mulâtre", je me vois nègre.

Je ressens le racisme car j'ai une formation supérieure, ici au Brésil le racisme existe aussi entre "nègres"; il existe ce que l'on appelle le processus de "blanchissement", c'est-à-dire le fait d'imiter les blancs. La Kizomba veut lutter contre cela. En tant que noire et comprenant différentes langues, anglais et dialecte d'Angola, j'essaie d'organiser la fête avec trois fils de Martinho, mais quelle confusion rien que pour découvrir les chefs de la délégation, cependant la fête fut fantastique, bien que n'ayant pu assister aux spectacles tant il me fallait tout coordonner. Les Africains ne se rendaient pas compte de l'argent, faire la fête, c'était plus important que l'argent, tout était à la charge de Martinho et sa femme, dix jours de fête, jusqu'au 30 novembre.

Les esclaves n'avaient pas considéré le 13 mai, date à laquelle la princesse Isabelle signa l'abolition comme étant la libération des esclaves, mais le 20 novembre, anniversaire de la mort de Zumbi de Palmares. C'est pourquoi Martinho eu l'idée de développer une fête le 20 novembre, la Kizomba. Ce jour sera le jour de la conscience nègre. C'est en 1984 qu'il organisa la première fête en demandant un appui au gouvernement de l'Etat de Rio, notamment à Brizola et à Darci Ribeiro. Il avait invité six délégations africaines, en tout 180 personnes, d'Angola, du Congo belge, de la Guyanes française, du Mozambique, ainsi que des artistes exilés d'Afrique du Sud. Mais finalement l'Etat ne paya rien et c'est Martinho et sa femme Ruça qui vendit ses bijoux

Sylvie Doriot Galofaro, Carnaval de Rio, Institut d’ethnologie, Neuchâtel, 1990. Page 122

pour payer la fête. Le chanteur Gilberto Gil devait également participer à la fête, mais quand le gouvernement se retira, lui aussi; il vint tout de même faire son show à la Praça d'Apoteose. La fête se déroula dans le Pavillon de Sao Cristovao, mais sans les Ecoles de Samba.

Puis en 1986, une petite fête est à nouveau organisée, avec trois délégations d'Afrique du Sud, d'Angola et des Etats Unis. Martinho eut un accident et n'a pas pu m'aider. C'était difficile d'organiser, car beaucoup n'avaient pas de passeport, et à nouveau le gouvernement promit de donner un appui et finalement réserva un hôtel mais sans donner de nourriture : encore un exemple de racisme. Mais finalement tout se déroula bien et on envoya une délégation défilé avec Vila Isabel. Pendant la fête on distribua la revue "Kizomba", il y eut aussi un festival de cinéma.

C'est ainsi qu'en 1988, la rede Globo lance un message "l'heureuse année de l'abolition" en proposant un clip avec les "nègres", Milton Nascimento, Milton Gonçalves, Gilberto Gil. La télévision Globo commercialiserait le clip et donnerait 50% pour la prochaine fête de Kizomba en novembre; les artistes chanteraient gratuitement. Et cela réussit ! En effet, les gens sont plus accessibles puisque nous sommes l'année de l'abolition. La fête aura lieu au Club de rames à Lagoa, du 10 au 20 novembre 1988. C'est la force de cette fête Kizomba qui fit que Vila Isabel gagna. Les costumes se firent à la maison car l'Ecole n'avait pas assez d'argent. L'Ecole n'est plus soutenue comme auparavant par le bicheiro Capitao Guimares. Mais grâce à l'élection de Ruça comme présidente, on a vu le povao ("peuple", la masse) qui s'était éloigné revenir. C'est aussi une des causes de la victoire de Vila.

Ainsi grâce à la Kizomba, on apprend l'histoire de l'abolition, car à l'école on nous dit que la princesse Isabelle est une personne merveilleuse, sans nous parler des problèmes qui ont suivi l'abolition. Mais le jour de la conscience nègre n'est pas le jour de l'abolition, mais le 20 novembre, anniversaire de Zumbi et qui est la date choisie pour la Kizomba."

Concernant la technique d'entretien, l’entretien fut « facile », car elle était d'un abord engageant. Elle paraissait enchantée de me raconter tous les problèmes qu'elle eut pour organiser cette fête sans avoir pu elle-même y assister véritablement, car la Kizomba, fêtée le 20 novembre, jour de la conscience nègre est également un spectacle. Nous constatons que le 13 mai n'est pas considéré comme un heureux anniversaire, cependant "l'empire Globo" souhaite "l'heureuse année de l'abolition" à tous les noirs, en

Sylvie Doriot Galofaro, Carnaval de Rio, Institut d’ethnologie, Neuchâtel, 1990. Page 123

leur proposant de créer un clip publicitaire. Sa principale préoccupation restait cependant le racisme qu'elle ressentait fortement bien qu'étant "de formation supérieure", et pour elle la Kizomba était une manière de lutter contre le préjugé raciale, en montrant ce que la race noire pouvait apporter dans la culture du Brésil, puisque la Kizomba était un spectacle et une fête qui montrait les valeurs africaines. Les noirs devaient prendre conscience de leurs valeurs, et cesser d'entrer dans ce processus d'imiter les blancs. Dans le défilé, l'Ecole a effectivement montré une Ecole "africaine", c'est-à-dire composée d'une majorité de noirs, qui avaient vraiment l'air de faire la fête.

- Entretien 4 : Ruça, Présidente de Vila Isabel137