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III. Une situation financière dégradée

1. LES RAISONS D’UNE GESTION DEFAILLANTE DE L’AGENCE

1.3 La commande publique

1.3.1 Une optimisation partielle de la commande publique

Dans son précédent rapport, la chambre invitait l’ATC à engager une réflexion sur l’optimisation de sa commande publique. Elle préconisait la réalisation d’un audit sur la conduite des procédures de passation et d’exécution des marchés publics, afin d’éviter le recours à des transactions coûteuses.

Depuis lors, plusieurs améliorations ont été apportées aux procédures et au règlement interne de la commande publique.

D’une part, l’ATC a désigné, pour chaque marché passé, un référent qui est en charge du suivi et de la certification, au regard de son positionnement fonctionnel.

D’autre part, l’agence a adopté, par délibération de son conseil d’administration du 8 juin 2012, un règlement interne et un tableau des procédures vulgarisant toutes les phases et identifiant les principaux acteurs de la chaîne d’achat. Le 3 juin 2016, le conseil d’administration a validé un guide des procédures de la commande publique revisité et actualisé, notamment en fonction des nouveaux seuils réglementaires.

Cependant, plusieurs éléments restent encore en travaux ou absents à ce jour. Ainsi une fiche de recensement annuel des besoins par service a été éditée afin de permettre une anticipation des besoins, mais elle n’a pas été mise en œuvre dans les services de l’agence.

De plus, interrogée sur la mutualisation des achats, l’agence indique qu’elle n’a pas mené de réflexion sur l’opportunité d’intégrer des groupements d’achat avec la CTC, ses agences et offices, voire avec les OT insulaires, afin de réaliser des économies d’échelle36.

1.3.2 Une gestion irrégulière et inefficiente de plusieurs marchés

1.3.2.1 Dans l’anticipation des besoins

Dans la phase préalable à la passation des marchés, l’agence éprouve des difficultés à planifier et à estimer ses besoins.

36 A titre d’exemple, l’ATC dépensait en 2014, 103 634,46 € de frais de « Catalogues, imprimés et publications », alors que dans le cadre des aides aux offices de pôles touristiques, il finançait des dépenses de même nature à hauteur de 46 572,63 €.

En premier lieu, elle est amenée à passer des marchés de manière précipitée, en fixant des délais courts entre la publication de l’avis d’appel public à la concurrence et la date limite de la réception des plis. La chambre, dans son rapport de 2012, soulevait déjà ce problème et recommandait au pouvoir adjudicateur de recourir à l’avenir à une publicité plus précoce favorisant en cela la concurrence. Elle ajoutait que l’évaluation des besoins par l’ATC méritait une attention toute particulière, mettant notamment en valeur un marché de 195 000 € dont le délai de dépôt des offres avait été fixé à 20 jours. Durant la période sous revue, sur 13 marchés à fort enjeu financier37 analysés, cinq ont été passés en accordant un délai de remise des plis de 25 jours ou moins.

Dans le cadre de sa mission statutaire de promotion de la « destination Corse », l’ATC a organisé, à compter du mois de février 2013, des opérations de promotion dans les principaux bassins émetteurs français et européens autour d’un nouveau concept événementiel intitulé « La Corse s’invite ». Pour la réalisation de ces actions, l’agence a souhaité recourir aux services d’un prestataire qualifié susceptible de remplir le rôle d’ambassadeur « vins et gastronomie » durant la campagne 2013-2014 de ce concept. L’avis d’appel public à la concurrence a été publié le 12 janvier 2013, fixant la date limite de réception des plis au 25 janvier 2013. Le code des marchés publics (CMP) alors en vigueur précise que dans le cadre d’une procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur est libre de fixer le délai de publicité qui lui semble le plus approprié à ses besoins. Le juge administratif vérifie toutefois que le délai imparti reste raisonnable. Ainsi, un délai de 17 jours, entre la date de publication de l’avis d’appel public à concurrence et la date limite de remise des offres, peut être regardé comme insuffisant pour assurer une publicité suffisante38.

L’instruction révèle que trois sociétés se sont manifestées en vue du retrait du dossier de consultation des entreprises (DCE). La première a retiré le dossier directement auprès de l’ATC, le 18 janvier 2013, les deux autres ont adressé une demande de retrait par courriel en date respectivement des 15 et 17 janvier 2013 et les DCE leur ont été expédiés les 21 et 22 janvier 2013, soit entre cinq et six jours après leur demande. La chambre s’interroge sur les raisons de ce délai d’expédition alors que la date limite de remise des offres était proche. Le registre des offres, en date du 25 janvier 2013, montre que seul le premier candidat a déposé une offre, la veille de la date butoir. L’agence n’a donc reçu qu’une seule offre en raison du court délai de remise des offres et de la lenteur de la transmission des DCE. Outre ce délai restreint, l’absence de concordance des dates entre l’analyse des offres, datée du 6 février 2013, et la notification du marché, fixée sept jours plus tôt, est de nature à remettre en cause la validité de la procédure.

En second lieu, l’ATC éprouve des difficultés à quantifier ses besoins, qu’elle surestime ou sous-estime, s’exposant alors à des dépenses supplémentaires. Deux exemples viennent illustrer ce propos.

37 Marché dont la valeur totale s’élève à plus de 100 000 €.

38 CE 5 août 2009, région Centre n°307117 en C.

Afin de bénéficier d’une assistance pour ses projets informatiques et télécoms en relation avec le « e-tourisme », l’ATC a passé un marché de maîtrise d’ouvrage. Ce marché a suivi une procédure adaptée en application de l’article 28-I du CMP et de l’article 77 du même code relatif aux marchés à bons de commande. Il a été conclu pour une durée maximale de six mois, avec un montant total des commandes compris entre un minimum de 50 000 € HT et un maximum de 68 060 € HT. A l’issue de l’exécution de ce marché, le montant minimal des commandes n'a pas été atteint, la société ayant été rémunérée à hauteur de 29 880 €. L’ATC déclare que l'absence de commande a résulté, d’une part, des retards dans la livraison des cahiers des charges incombant au titulaire et, d’autre part, de turpitudes internes (interventions juridiques sur ces cahiers des charges), retardant de la sorte la validation des cahiers des charges. Le 29 mars 2013, la société titulaire du marché a saisi le comité consultatif interrégional de règlement amiable (CCIRA) de Marseille, sollicitant une indemnisation de sa perte de bénéfice liée à la non-réalisation du minimum de travaux prévus, en application de l'article 5 du décret n° 2010-1525 du 8 décembre 2010. L'ATC a répondu, le 14 mai 2013, dans son argumentaire en défense, que cette perte était justifiée par l'inexécution partielle des obligations du requérant. Le 14 mars 2014, la CCIRA a émis un avis favorable au titulaire, en estimant qu’aucune faute de nature à exonérer l’agence de ses obligations contractuelles n’avait été mise en évidence, que la société requérante n'avait pas été choisie en fonction de son expertise juridique et qu’il appartenait à l'ATC de résilier le marché aux torts du titulaire, si elle était convaincue de l’inaptitude de la société à prendre en charges les travaux. Le 3 mars 201439, l’ATC a signifié au requérant et au CCIRA son acceptation d’un règlement amiable sur la base des 13 000 € HT demandés par la société titulaire. La surestimation des besoins et le choix d’un prestataire ne pouvant répondre aux attentes réelles de l’agence ont donc entraîné un contentieux coûteux pour l’agence.

1.3.2.2 Dans la passation des marchés

La chambre relève une absence de rigueur lors de la signature et de la datation des différents documents. Les signatures sont parfois absentes, tout comme les dates40 qui, quand elles sont présentes, ne coïncident pas à la lecture des différents documents des marchés41 . Ce problème se retrouve également dans le suivi du montant du marché, qui diffère entre les documents42 ou se modifie entre la passation et les avenants43.

39 Date incohérente avec la date de l’avis précité, figurant sur les documents de l’ATC.

40 Cf. marché n° 2013-04.

41 Cf. marchés n° 2013-01, 2013-05 et 2014-05.

42 Cf. marchés n° 2013-04 et 2014-05.

43 Cf. marchés n° 2012-03 et 2013-05.

Ces erreurs peuvent là aussi entraîner un contentieux pour l’ATC, à l’instar du marché n° 2012-12. L’ATC a eu recours à un prestataire privé pour la conception et la réalisation de son stand, destiné à l’ensemble des salons et autres opérations inscrits à son calendrier promotionnel. Ce marché a été passé en procédure formalisée, en application des articles 33, 57 et suivants du CMP alors en vigueur. L’ATC a publié l’avis d’appel à la concurrence le 17 septembre 2012, en fixant la date limite de réception des plis au 31 octobre, soit un délai de 44 jours. Deux sociétés ont déposé leur offre le 31 octobre et le marché a été attribué pour un montant de 198 300 € HT. Il a fait l’objet d’un recours de la société évincée devant le tribunal administratif de Bastia, le 25 juin 2015, au motif que l’ATC avait méconnu les obligations de mises en concurrence et de publicité. Le tribunal a constaté des incohérences dans la date d’envoi de demande d’information complémentaire par le pouvoir adjudicateur et dans celle de tenue de la commission d’appel d’offres, privant le candidat de la possibilité de répondre à cette demande en temps utile. Compte tenu de la chance sérieuse pour le candidat évincé d’obtenir le marché, l’ATC a été condamnée par jugement du tribunal administratif du 25 juin 2015 à verser à l’entreprise non retenue la somme 25 462,50 € en raison du manque à gagner pour cette entreprise résultant de l’attribution du marché à l’autre entreprise, et 1 500 € aux titres des frais de justice exposés. L’agence n’a manifestement pas tiré les conséquences de ce jugement, en se bornant à réaliser un guide interne des marchés publics, dépourvu de fiches de procédures et de cartographie des risques.

1.3.2.3 Dans l’exécution des marchés

Des erreurs sont également survenues lors de l’exécution des marchés. Certains d’entre eux révèlent de nouveau une insuffisante planification des besoins. Il en va ainsi du marché 2013-05 qui a connu deux avenants successifs. L’ATC a publié, le 30 mai 2013, un avis d’appel public à la concurrence pour la location et la maintenance d’un parc de cinq copieurs multifonctions. Deux offres ont été déposées et le marché a été remporté le 8 août 2013 pour un montant de 53 166,98 € toutes taxes comprises (TTC) ; l’acte d’engagement a été signé le 1er juillet et réceptionné par l’ATC, le lendemain. L’instruction révèle deux anomalies lors de la passation du marché. D’une part, des incohérences sont constatées sur la date limite de réception des offres, qui varie selon les pièces du marché, entre le 28 juin et le 2 juillet 2013.

Or, si l’offre rejetée a été réceptionnée le 28 juin 2013, soit avant la date limite du 1er juillet fixée par l’avis d’appel d’offres, l’offre retenue a été déposée le 2 juillet 2013, soit postérieurement à cette date. Elle aurait donc dû être rejetée comme tardive. En outre, ainsi que la société titulaire l’indiquait expressément dans son offre, elle a été sollicitée directement par le pouvoir adjudicateur afin de présenter sa candidature. Il ne résulte pas de l’instruction que la société rejetée ait fait l’objet du même traitement.

Le marché a également fait l’objet de deux avenants :

- l’avenant n° 1, signé le 5 avril 2016, qui supprime la location de deux photocopieurs et réduit le nombre de copies ; son montant est de 6 548,02 € TTC ;

- l’avenant n° 2, signé le 25 août 2016, qui supprime à nouveau la location de deux photocopieurs et réduit le nombre de copies ; son montant est de 5 268 € TTC.

Les avenants diminuent le nombre de photocopieurs loués, qui passent de cinq à un seul, ainsi que le nombre de copies. Or, au lieu d’entraîner une diminution du coût de la prestation, ils aboutissent bien au contraire à son augmentation sensible.

En outre, il résulte de l’article 20 du CMP, alors en vigueur, que, sauf sujétions techniques imprévues, un avenant ou une décision de poursuivre ne peut bouleverser l'économie du marché, ni en changer l'objet. Le seuil de bouleversement économique n’est pas fixé par les textes. Toutefois, une consigne de prudence est donnée par le ministère de l’économie et des finances44, à partir de 15 % d’augmentation par rapport au montant du marché initial45. En l’espèce, les deux avenants entraînent une augmentation de 20% du montant du marché initial.

Par ailleurs, le règlement de la consultation fixe la durée du marché à trois ans, à compter de sa notification. Il devait donc s’achever le 3 septembre 2016. Ainsi, il est surprenant que ce marché ait fait l’objet de deux avenants, successivement quelques mois et quelques jours avant cette échéance. Il s’ensuit qu’en l’absence de sujétions techniques imprévues, ces avenants, qui ont ainsi bouleversé l’économie du marché, ne pouvaient être conclus sans publicité, ni mise en concurrence préalable. Un nouveau marché portant sur le même objet a ensuite été passé avec le même prestataire six jours après la fin de l’avenant, soit le 9 septembre 2016.

L’ordonnateur n’a pas été en mesure de communiquer les pièces concernant les nouveaux marchés passés en 2016, ce qui a privé la chambre d’une vue d’ensemble des suites du marché de photocopieurs.

En réponse, l’ordonnateur fait valoir que les avenants relatifs au marché précité de location et maintenance des photocopieurs n’ont pas conduit à un renchérissement du coût global du contrat, en ce que son coût annuel a été de 23 000 € en 2014, 17 000 € en 2015 et 5 000 € en 2016. La chambre relève toutefois qu’il résulte des deux avenants à ce marché que le montant total du marché modifié est de 63 833, 02 €, qui correspond bien à une augmentation de 20 % du coût initial de cette prestation.

En définitive, l’agence connaît des difficultés de planification de ses besoins qui se traduisent par de courts délais de publicité et de mise en concurrence ainsi que par des avenants.

Elle s’expose également à des risques juridiques du fait de son manque de rigueur dans la passation des marchés. Sur la période de 2011 à 2015, ces erreurs ont induit un surcoût total de 51 778 €, sur un montant total déclaré de 542 906 €. L’agence a donc dû supporter une charge financière supérieure de près de 10 % à ce qu’elle aurait dû être pour ces marchés.

44 http://www.marche-public.fr/Marches-publics/Definitions/Entrees/Avenant.htm

45 Le juge administratif a apporté plusieurs précisions quant à ce seuil : CAA Marseille 4 mai 2015 n° 11MA03604 et CAA Nantes 24 mars 2015 n° 13NT02498.

Tableau n° 16 : Evaluation du coût des erreurs de gestion des marchés (en €)

Marché Objet Surcoût

(en €) Raison

2012-06

Assistance à maitrise d’ouvrage pour projets

informatiques

13 000

Règlement amiable lié à la non-réalisation du minimum de travaux prévus

2012-12 Conception et réalisation du

stand de l’ATC 26 962

Condamnation par le tribunal administratif à indemniser un candidat pour manquement à la publicité

2013-05 Location et maintenance

d’un parc de copieurs 11 816 Avenants liés à une mauvaise estimation des besoins

Total 51 778

Source : Chambre régionale des comptes

2. LES INCIDENCES SUR L’ACCOMPLISSEMENT DES