HISTORIQUE
À la fin de la guerre de 1914‐1918, les académies des pays alliés se préoccupèrent de réorganiser les organismes internationaux de coordination des recherches. Les initiatives les plus marquantes prises alors furent la création de l’Union de géodésie et géophysique (UGGI / IUGG) en novembre 1918 et la mise en place du Conseil international de recherches en juillet 1919, ce dernier devenant en 1931 le Conseil international des unions scientifiques (CIUS / UCSI). C’est à la suite d’une proposition de Ch. Lallemand, directeur du nivellement général de la France, que l’UGGI prit naissance, regroupant géodésie et géophysique. Les Associations internationales de géodésie et de sismologie furent alors remplacées par des sections de l’UGGI. De plus, on créa des sections de météorologie, de magnétisme et d’électricité terrestres, d’océanographie physique et de volcanologie.
Les statuts de lʹUnion géodésique et géophysique internationale adoptés en 1919 stipulaient : « Un Comité national est constitué dans chacun des pays adhérents [sic] à l’Union. Il est créé sur l’initiative, soit de son Académie nationale, soit de son Conseil national de Recherches […], soit de son Gouvernement. Les Comités nationaux ont pour attributions de faciliter et de coordonner, sur leurs territoires respectifs, l’étude des diverses branches de la Géodésie et de la Géophysique, envisagées principalement au point de vue international. […] Les Comités nationaux désignent les délégués chargés de les représenter aux Assemblées de l’Union. »
En conséquence, lʹAcadémie des sciences de Paris, qui avait adhéré à lʹUGGI au nom de la France, décida le 1er décembre 1919 de créer une association nommée
« Comité national français de géodésie et géophysique ». Une première liste de membres du Comité fut établie par lʹAcadémie des sciences en attendant que dʹautres personnalités scientifiques puissent être désignées par un vote du Comité.
Faisaient de droit partie de la liste les académiciens des sections de géographie et navigation, de physique et de minéralogie… Les autres membres étaient délégués par les administrations et sociétés savantes intéressées, ou désignés pour leur compétence particulière. Le premier président du CNFGG était A. Lacroix, secrétaire perpétuel de l’Académie ; son premier secrétaire général, le Général Ferrié.
Le CNFGG ne comportait donc initialement que six sections. La section internationale dʹhydrologie scientifique ne fut créée quʹau cours de la réunion de lʹAssemblée générale de lʹUGGI tenue à Rome en mai 1922, « sous réserve expresse quʹelle se tirerait dʹaffaire sans rien coûter à lʹUnion ». Sa création permettait d’englober la Commision internationale sur les glaciers (CIG), qui avait été créée en 1894, mais dont les activités s’étaient ralenties depuis la guerre. La section française correspondante fut constituée au sein du CNFGG en novembre 1923.
Dès sa création, le CNFGG joua un rôle important non seulement sur le plan international, mais aussi sur le plan national. De nombreux programmes scientifiques français étaient élaborés et discutés dans les sections. Ce fut le cas, par exemple, de l’établissement du nouveau réseau magnétique de la France au 1er janvier 1924, de la détermination de la pesanteur dans les différentes régions françaises et dans les Colonies, du projet d’installation d’observatoires de physique du globe à Dakar et à la Martinique, du projet de mesure de la pesanteur en sous‐
marin selon la méthode de Vening Meinesz, de l’étude du pendule inversé Holweck‐
Lejay, etc. C’est ainsi également que la section de volcanologie se préoccupa dès sa création de favoriser les observations concernant la Montagne Pelée et le Piton de la Fournaise, efforts qui n’aboutirent que beaucoup plus tard (en 1981) à la mise en route d’un observatoire sur le volcan de la Réunion. Lʹétablissement de ces divers programmes conduisit les membres du Bureau à entreprendre de nombreuses démarches, tant auprès de lʹAcadémie des sciences que du ministère de lʹInstruction
publique ou de celui des Colonies, afin d’obtenir les crédits nécessaires à leur réalisation.
Peu de temps après la création du CNFGG, la section de magnétisme et électricité terrestres dirigea la préparation et la publication, en 1924, dʹun ouvrage collectif intitulé Traité d’électricités atmosphérique et tellurique. Cette même section de magnétisme et électricité terrestres joua également, au début des années trente, un rôle important dans lʹorganisation de la participation française à la deuxième Année polaire internationale de 1932‐1933. Si les travaux réalisés à cette occasion furent finalement d’ampleur réduite du fait de la crise financière qui sévissait alors dans le monde, ils n’en étaient pas moins importants par la concertation qu’ils avaient requise entre les différents pays développés et par l’emploi de nouveaux moyens d’investigation, comme les radiosondages.
Après que le CNRS eût été créé en 1939, le centre de décision concernant les projets scientifiques se déplaça progressivement vers cet organisme. Ce ne fut cependant pas le cas pour la météorologie, du fait de l’existence de lʹOffice national de météorologie (ONM) qui assurait déjà depuis près de vingt ans lʹélaboration et la conduite des programmes scientifiques dans ce domaine dʹétude.
Lʹactivité du Comité national et de ses sections fut très réduite pendant la seconde guerre mondiale, du fait de l’occupation allemande. À la fin de la guerre, lʹactivité des sections reprit peu à peu.
À partir de 1952, la préparation de la participation française à lʹAnnée géophysique internationale (AGI, 1957‐1958), coïncidant avec un maximum de taches solaires, fut à lʹordre du jour. Le CNFGG s’était préoccupé dès son Assemblée générale de décembre 1953 de recommander l’attribution de crédits adéquats pour l’acquisition des matériels et la formation des personnels. Toutefois, il n’eut que peu à intervenir dans l’organisation de la recherche, car un Comité spécial, le Comité national français de l’AGI, fut créé à cet effet dans le cadre du CNRS. C’est tout naturellement au P. Lejay, alors président du CNFGG, que fut confiée en 1952 la présidence du Comité de l’AGI, le secrétaire général en étant J. Coulomb, alors
président de la section de magnétisme. Un Comité central des expéditions scientifiques présidé par le P. Lejay fut constitué dans le cadre du CNRS de façon à préparer la participation française, un sous‐comité antarctique étant confié à G. Laclavère. J. Coulomb, G. Laclavère et P. Tardi firent partie du Comité spécial de l’AGI (CSAGI) que le Conseil international des Unions scientifiques créa pour organiser cette vaste entreprise à laquelle participèrent au total soixante‐sept pays.
Le souci de participer à des programmes internationaux se manifeste encore en 1958 par la création par le CNFGG de l’Association française de séismologie expérimentale, laquelle se livra à des tirs et des observations de sismique avec de nombreux pays voisins.
Le succès de l’Année géophysique fut tel qu’il parut opportun de la prolonger par une Année internationale du Soleil calme (1964‐1967), pour l’étude de la physique des relations Soleil‐Terre. L’organisation de la participation française à cette Année internationale du Soleil calme fut confiée à différents organismes de recherche à qui il revenait de prendre les décisions, et qui avaient accès aux sources de financement public. Cela marque la fin du rôle directeur du CNFGG sur les activités géophysiques françaises.
Le financement des activités propres du CNFGG a par ailleurs évolué de manière significative. Dans les premiers temps de son existence, le Comité recevait une subvention du ministère de l’Instruction publique qui était destinée à lui permettre de publier son compte rendu annuel. Puis, de 1930 à 1939, la Caisse des recherches scientifiques versa une subvention supplémentaire au Comité. À partir de sa création (1939), le CNRS fut chargé d’assurer le versement des deux subventions par l’intermédiaire de l’Académie des sciences. En 1952 et 1953, le ministère de l’Air et le Service hydrographique de la Marine accordèrent des subventions annuelles.
Toutefois, en 1958, certaines de ces subventions diminuèrent et, même, furent supprimées. Le Comité dut demander à ses membres une cotisation annuelle à partir de 1966, laquelle permet actuellement de subvenir aux besoins courants du Comité.
Il reçoit, d’autre part, des subventions du ministère de la Recherche via le Comité
français pour les unions scientifiques (COFUSI) et surtout, depuis 1976, du ministère des Affaires étrangères, qui sont affectées aux voyages nécessités par la participation des membres aux réunions scientifiques internationales.
Ne dirigeant plus la recherche, le Comité n’en reste pas moins très actif en tant que forum où ses membres se rencontrent, font le bilan de leurs travaux et élaborent les recommandations qu’il leur paraît nécessaire de présenter aux autorités. Sa mission actuelle consiste à provoquer et à coordonner les recherches dans son domaine d’action, à assurer la représentation française aux activités de l’UGGI, et à émettre des avis sur les questions scientifiques de son ressort afin de les soumettre aux autorités compétentes. Le recrutement se fait assez largement parmi les personnes qui, possédant une compétence scientifique reconnue, font acte de candidature. Il fut un temps cependant où le nombre des membres de chaque section était strictement limité, encore que les statuts ne l’aient jamais imposé. Cette conception n’a pas prévalu, ce qui fait que le Comité regroupe actuellement la plupart des chercheurs français ayant une spécialité de géodésien ou de géophysicien. Il compte plus de six cents membres, cooptés par l’Assemblée générale sur proposition des sections compétentes. Cependant, la représentation des ingénieurs des services et des entreprises industrielles reste malheureusement assez faible.
Les moyens d’action du CNFGG pour favoriser l’information et la concertation de ses membres sont d’une part les réunions des sections, avec leurs exposés scientifiques, et d’autre part l’Assemblée générale annuelle du Comité, avec les rapports des présidents de section et une importante conférence scientifique.
C’est lors de ces Assemblées générales que sont adoptées les recommandations concernant les opérations scientifiques et les structures de la recherche. Le président les porte ensuite à l’attention des ministres et des directeurs des grands établissements de l’État et des institutions internationales.
Les domaines des sections ont évidemment suivi l’évolution des sciences et les modifications du champ couvert par les Associations internationales. En 1965, les
sous‐sections de triangulation et de gravimétrie de la section de géodésie, qui avaient été créées en 1952, furent rassemblées pour fournir un cadre propice à l’accueil des spécialistes de l’exploitation des satellites artificiels à des fins géodésiques. La section de magnétisme et d’électricité terrestres prit le nom de section de géomagnétisme et d’aéronomie en 1954, afin de suivre l’exemple donné à l’Assemblée générale de l’UGGI de Rome par l’Association internationale correspondante (AIGA/IAGA). À partir de 1971, la section d’hydrologie scientifique prit le nom de section des sciences hydrologiques.
Les réunions scientifiques des sections sont assez fréquemment organisées conjointement par plusieurs d’entre elles. Ainsi, les spécialistes d’une discipline ont‐
ils l’occasion de rencontrer ceux de la discipline voisine, ce qui élargit leur champ de vision et leur fournit d’utiles comparaisons. Cela est particulièrement utile aux chercheurs qui s’intéressent à un objet terrestre particulier, dont l’étude ne peut être conduite qu’en faisant appel aux ressources de nombreuses spécialités. Cependant, les domaines couverts par les différentes sections étant les mêmes que ceux des Associations internationales, le CNFGG souffre du même défaut que l’UGGI. La frontière avec la géologie, en particulier, est relativement arbitraire. La volcanologie, l’étude de la lithosphère appartiennent à la fois à la géophysique et à la géologie. La sismogenèse fait traditionnellement partie de la sismologie, mais les tectonophysiciens n’ont pas de place au sein de l’Union. De même, il n’existe aucun cadre officiel dans lequel les planétologues puissent se regrouper. Les contacts du CNFGG avec le Comité national de géologie sont donc essentiels au plan national et activement développés. C’est ainsi que, dès 1971, il fut créé un Comité national de géodynamique comprenant des membres désignés de nos deux Comités, afin de favoriser la participation française au projet géodynamique international.
Les phénomènes géophysiques ne connaissent pas les frontières des États.
Aussi, la coopération internationale est‐elle nécessaire. Le Comité assure la participation française aux Assemblées générales de l’UGGI et des Associations internationales qui en font partie, ainsi qu’aux divers commissions et groupes de
travail qui se réunissent à la même occasion. Outre leur contribution aux travaux scientifiques, les délégués envoyés par le Comité sont chargés de veiller avec leurs collègues des autres pays de langue française à la correction des versions françaises de tous les textes officiels de l’Union. Le président du CNFGG représente la France au Conseil de l’UGGI.
Le Comité édite son rapport quadriennal à l’occasion de chacune des Assemblées générales de l’UGGI. Cette publication prend la suite de ce qui s’appelait autrefois Rapport national. Créé en 1966, c’était une compilation, en principe exhaustive, de comptes rendus des travaux exécutés par les Français dans les différents domaines couverts par les sections. Depuis l’Assemblée de Vienne de 1991, ce rapport est rédigé différemment. Il contient des mises au point concernant un nombre limité de sujets. Ainsi obtient‐on un panorama, peut‐être un peu lacunaire, mais que l’on espère néanmoins équilibré, de la recherche française replacée dans son contexte international.
D’autre part, le Comité attribue depuis 1987 un prix à un étudiant ayant soutenu une thèse de géophysique ou de géodésie lors de l’année écoulée. Ce prix a acquis une grande importance dans nos disciplines, car il apporte une première consécration à de jeunes chercheurs ayant fait un travail novateur et ayant su en exposer les résultats avec clarté.
Dans une association comme le CNFGG, qui rassemble des hommes de science de spécialités aussi diverses, il est essentiel, pour que chacun s’y trouve chez soi, qu’un strict équilibre soit préservé entre les disciplines. C’est dans ce souci que les sujets des conférences scientifiques des assemblées générales du Comité sont choisis, de telle manière qu’ils couvrent tout l’éventail des sujets. De la même façon, le choix du lauréat du prix de thèse et la répartition des subventions de voyage confiées au CNFGG par le ministère des Affaires étrangères sont faits en visant à la plus grande impartialité.
Les statuts du CNFGG, dans la dernière version adoptée en 1984, prévoient que le renouvellement du Bureau s’effectue l’année qui précède l’Assemblée
générale de l’UGGI et que le premier vice‐président élu quatre ans auparavant devienne alors automatiquement président pour les quatre années suivantes. Le président sortant reste membre du Bureau pendant encore quatre ans. Ainsi est‐on assuré que l’expérience se transmet et que la politique du Comité jouit d’une grande continuité.
Gérard GRAU Institut océanographique, 195, rue Saint‐Jacques, 75005 Paris Jean‐Pierre LEGRAND 3 bis, rue des Glycines, 92700 Colombes