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CHAPITRE 4 : PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

4.2 O RGANISATION SYNDICALE B (OSB)

4.2.2 Comité jeunes (VM): des jeunes pour parler aux jeunes

Nos observations démontrent que le recrutement des jeunes est une épreuve en soi étant donné la distance entre les jeunes membres et l’exécutif national chargé de recommander leur candidature et la limite d’âge, qui semble poser problème en poussant les militants jeunes plus expérimenté, et capable d’exercer un certain leadership dans les dossiers jeunes, en dehors des structures jeunes. Celles-ci perdent donc systématiquement leurs leaders. À cet effet, le processus de socialisation qui amène à une participation militante, notamment par les comités jeunes, prenait du temps et que la militance commençait rarement dans les toutes premières années de la vie professionnelle.

[Les jeunes membres] ne peuvent pas se démarquer pour l’exécutif national parce qu’ils ne sont pas présents dans les instances. C’est dur de dire qu’on va recruter un tel parce qu’il était bon [dans telle instance] parce qu’on l’a pas vu. L’autre affaire qui est difficile c’est que le mandat finit à 30 ans. On veut recruter les plus jeunes, mais il y en a encore moins! Et souvent les jeunes commencent à s’impliquer un peu plus tard. Souvent à 25 ans, quand tu commences ta carrière (Entretien B-2).

Le CJNB est un comité consultatif, ou « aviseur », et doit cadrer ses activités dans le mandat qui lui est donné par le Congrès. D’un point de vue objectif, on nous a révélé que le mandat effectif du CJNB consistait à faire en sorte que les jeunes soient capables de naviguer à travers les protocoles et les procédures syndicaux. Il semble que les aspirations de renouveau syndical des membres du CJNB se heurtent à une structure syndicale peu encline aux changements. Comme le souligne le responsable politique, le CJNB serait maintenu dans un rôle de porte- parole.

Les organisations syndicales étaient inquiètes de créer ce comité jeunes là, ce pôle identitaire là, mais rapidement elles l’ont apprivoisé pour ne pas non plus que ça ne deviennent trop perturbant. Toute organisation est conservatrice. Elle se donne des moyens de se protéger des virus et des gens qui tenteraient de dévier le pôle identitaire et c’est pire dans le mouvement ouvrier parce qu’on travaille par consensus donc, dès qu’il y a fractionnement, on perd notre majorité si vous voulez (Entretien B-4).

Le statut consultatif des comités nationaux est en effet inscrit dans les statuts et règlements de l’OSB. Les limites que cela impose semblent une source de mécontentement pour les jeunes du CJNB.

C’est une frustration permanente pour eux de ne pas avoir d’influence directe, mais ce sont les règles qu’on s’est données pour protéger l’identité ou le message [de l’OSB]. Il faut bien gérer ça. C’est les relations entre une génération blanchie sous le harnais et une génération de jeunes fringants (Entretien B-4).

Sans rejeter leur mission d’éducation, les jeunes du CJNB manifestent le désir d’accroître leur rôle de représentation des jeunes à celui de la mobilisation et l’organisation :

D’après moi [le CJNB] est une école à 60% et la voix [des jeunes] à 40%. Il y en a un qui est en échec pareil! (Entretien B-1).

Les représentants jeunes sont donc très conscients de leur mandat réel et de leur marge de manœuvre. Il se dégage un sentiment d’aliénation des représentants jeunes qui ne voient à leur participation qu’une contribution instrumentale au projet syndical.

Le comité jeunes ne peut pas prendre la décision que politiquement il va s’orienter vers tel sujet ou telle orientation. On est un comité aviseur. On est supposé aider l’exécutif national à prendre part au débat sur les enjeux jeunes. On ne peut pas orienter [de l’OSB] sur le débat. On est un peu lié politiquement, on ne peut pas sortir publiquement si facilement que ça (Entretien B-3).

Sachant cela, les représentants jeunes se trouvent contraints de trouver des moyens alternatifs de faire valoir leurs idées en investissant les sphères décisionnelles et en dépendant de leur réseau d’influence personnel.

On pousse beaucoup et ce qui est un problème pour nous, c’est la représentation politique des jeunes. On ne voit pas beaucoup de jeunes dans les instances… on pousse beaucoup pour avoir de la place dans les instances décisionnelles. Comme le [CJNB] n’est pas décisionnel, on doit essayer de jouer les jeux de pouvoir (Entretien B-2).

Quant à la mission ou aux enjeux à venir pour le CJNB, il semble y avoir des divergences de point de vue entre les représentants jeunes et leur responsable politique. Selon eux, ils doivent agir comme conseillers de l’exécutif national de l’OSB (Entretien B-1), alors que pour le responsable politique, ils doivent orienter leurs activités vers le terrain et susciter la création de comités jeunes locaux (Entretien B-4).

L’OSB et le CJNB partagent toutefois la même opinion quant à la précarité des nouveaux travailleurs, l’enjeu « jeunes » par excellence.

Un des enjeux [du CJNB] c’est la précarité. Ça touche principalement les jeunes et les femmes. Donc, on touche beaucoup à la conciliation travail famille études. Pour nous, c’est un élément majeur d’être capable concilier ta famille, ton travail, tes études. Je pense que c’est ça notre enjeu. La disparité de traitement, de ne pas avoir les mêmes conditions de travail alors que tu fais le même travail. Souvent, je travaille trente-six heures, comme ma collègue [à temps plein] d’à côté, mais je suis temps partiel, alors on n’a pas les mêmes avantages sociaux parce que ça s’appelle « temps partiel » (Entretien B-2).

Au moment de nos entretiens, au printemps 2014, les disparités de traitement semblaient encore l’enjeu principal du CJNB, du moins au niveau politique. En effet, le comité, en collaboration avec d’autres associations jeunes du milieu syndical et de l’éducation, a récemment publié un mémoire collectif qui témoigne, non seulement que les disparités de traitement interdites par l’article 87.1 de la Loi sur les normes du travail se retrouvent toujours dans les conventions collectives au Québec, mais que de nouvelles formes de disparité prennent une ampleur plus importante. Les disparités de traitement qui ne concernent pas les salaires demeurent légales et sont présentes dans la majorité des conventions collectives recensées par le collectif.

Depuis 1999, c’est illégal, mais les statistiques démontrent qu’il y en a encore sur le salaire et ça, c’est juste le milieu syndical! Et il n’y a rien qui est remis au ministère du Travail par le milieu privé. Ça me laisse penser que c’est pire. Et ça veut dire une chose : la Commission des normes du travail n’a pas assez de mordant. Ça ne se rend pas jusqu’au bout, c’est illégal, il devrait avoir quelque chose qui est fait! Ensuite, on parle des assurances collectives, les régimes de retraite...

On a fait une sortie sur les disparités de traitement en vertu de la date d’embauche. On a fait une conférence de presse et on a demandé au gouvernement de bouger. On a aussi appelé à une modernisation de la L.N.T. pour ramener des normes plus acceptables (Entretien B-1).

De leur propre chef, les représentants du CJNB revendiquent plus de dynamisme dans les relations à l’intérieur de l’OSB. Après 30 ans d’existence, le CJNB présente des signes de maturité suffisants pour être reconnu comme une structure légitime l’intérieur de l’OSB. Les représentants jeunes déplorent malgré tout le manque de dynamisme de leurs relations avec l’exécutif national et les autres comités nationaux (femmes, LGBT, etc.). Ces relations à l’interne dépendent en fait des mandats qu’on confie aux comités nationaux. Pour certains enjeux jugés transversaux, plusieurs comités seront mobilisés. La conciliation famille-études- travail correspond à l’un de ces enjeux où les comités jeunes et de la condition féminine travaillent conjointement.

On est rarement mis en situation d’échanges avec les autres comités. Je ne pourrais même pas te dire qui siège sur les autres comités. Et on est rarement appelé à débattre devant l’exécutif, ça passe par le responsable politique (Entretien B-2).

Il y a beaucoup de sujets qui se retouchent, la conciliation travail-famille, le comité de la condition féminine aussi s’en occupe. Parce que conciliation travail-famille c’est souvent la femme qui porte cette charge-là (Entretien B-1).

Les jeunes cherchent aussi à développer le réseau des comités jeunes (locaux, régionaux, etc.) pour faciliter la coordination des activités et éviter le dédoublement des projets.

On n’a pas de voie [pour communiquer entre les jeunes militants] en ce moment. On veut mettre en place un réseau pour les jeunes. D’avoir tous les élus jeunes et les comités jeunes [locaux et régionaux] dans la salle avec le CJNB en avant, et là, on va avoir une façon de communiquer avec les jeunes (Entretien B-1).

Nous avons constaté donc que l’OSB et son CJNB partagent une vision commune de la problématique des jeunes travailleurs : l’OSB se mandate pour défendre les intérêts travailleurs jeunes, périphériques, atypiques et non-syndiqués. Des tensions existent

néanmoins à l’intérieur de la structure syndicale. Le CJNB, arrivé à maturité, cherche à prendre en main son mandat, ce que l’OSB ne semble pas en mesure de lui concéder.

4.2.3 Identité collective (VI-1) : l’OSB, la voix de la classe moyenne

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